Haifa - 5 et 6 décembre
D’un ancien ordre nucléaire vers un Moyen Orient débarrassé de ses armes de destruction massives.
discours d’Issam Makhoul [1]
La conférence internationale pour un Moyen Orient débarrassé des armes de destruction massives (WMD) va se tenir dans une situation internationale extrêmement importante. Cette conférence internationale est la première du genre en Israël. Elle se tient au bon moment, à la bonne place et aborde les bonnes questions, qui sont les questions les plus urgentes au regard de l’avenir des peuples de la région.
Il se trouve que cette conférence va se tenir juste après l’accord historique auquel sont parvenus l’Iran et les 6 puissances à Genève. Cette conférence se tient également quelques mois après l’accord sur le démantèlement de l’arsenal syrien d’armes chimiques, un accord atteint à l’issue d’un processus diplomatique qui a stoppé le plan de guerre des États Unis contre la Syrie.
Nous n’avions pas prévu que cette conférence serait si proche de ces deux importants accords internationaux, mais cette proximité souligne l’importance de sa tenue et mettra en évidence la pertinence de l’appel qui clôturera cette conférence historique : la sécurité d’Israël ne sera pas assurée par la menace de guerres désastreuses, mais par l’aboutissement d’une solution politique dans le cadre d’un Moyen Orient sans armes de destruction massive.
C’est cela le vent nouveau qui souffle depuis Genève, le vent nouveau qui souffle depuis l’accord syrien sur les armes chimiques, et ce vent nouveau souffle sur tous les peuples de la région et dans le monde aujourd’hui. Pour que ce message aboutisse, la participation de tous les partenaires à la conférence d’Helinski pour un Moyen Orient sans armes de destruction massive parrainée par l’ONU est nécessaire.
Cette conférence a pour but de délivrer un message au peuple israélien, que ses objectifs de sécurité, de vivre en paix et dans la prospérité ne seront pas atteints par des guerres désastreuses, au moyen de centaines de têtes nucléaires stockées en Israël, avec des sous marins nucléaires allemands, avec des missiles de croisière américains ou au moyen du réacteur nucléaire français de Dimona dans le sud d’Israël. La paix et la sécurité pourront être atteintes par un désarmement nucléaire complet du Moyen Orient, par l’abolition des armes de destruction massive, et par l’adoption d’une politique sincère dont le but est d’établir une paix juste avec le peuple palestinien ainsi qu’avec tous les peuples de la région. C’est cette orientation que le gouvernement israélien tente de mettre de côté afin d’empêcher sa concrétisation.
Il est intéressant de constater que pendant qu’Israël répète son incantation concernant la menace existentielle qui pèserait sur lui si et quand une quelconque autre puissance de la région venait à posséder l’arme nucléaire, dans le même temps, Israël est le premier pays à s’opposer à l’idée d’un Moyen Orient dénucléarisé.
Notre conférence met en lumière le fait que de plus en plus de militants et d’organisations, en Israël comme à l’étranger, qui luttent pour le désarmement au Moyen Orient, adoptent l’appel que nous avions lancé en décembre dernier à Helsinki. Là-bas, lors de la conférence alternative d’Helsinki, qui a été organisée après que le gouvernement israélien ait décidé de boycotter la conférence officielle – nous avions mis en avant ce défi : si Israël ne veut pas venir à Helsinki, alors Helsinki viendra en Israël, et avec elle le message d’un Moyen Orient sans armes de destruction massive. Et c’est cela qui arrive aujourd’hui.
Ce qui caractérise les militants et les organisations qui sont réunis aujourd’hui au sein d’une très large coalition, comme nous n’en avions jamais vue auparavant est qu’ils reconnaissent la frontière qui sépare l’ancien ordre nucléaire et le nouvel ordre anti nucléaire.
Il apparaît que ce que le premier ministre Netanyahu craint le plus, n’est pas la possibilité que l’Iran ait la bombe nucléaire – qui ne serait pas grand-chose face aux 200 têtes nucléaires israéliennes – mais ce qu’il craint plutôt c’est que l’Iran commence à jouer un rôle clef dans la région et ne puisse plus être mis à l’écart. Si la question est « qui veut isoler qui », alors clairement, Netanayahu est en difficulté.
Contrairement à ce que ce gouvernement prétend, l’accord de Genève ne sous estime pas la question de la sécurité des citoyens israéliens. Ce qui n’a pas été pris en compte, c’est la menace constante de guerre régionale de ce gouvernement.
Au lieu de poser la question de savoir comment détruire le nucléaire iranien par des moyens militaires, le véritable intérêt des peuples du Moyen Orient est de sauvegarder leur sécurité, pas par un arsenal nucléaire ou des guerres d’agression, mais par la dénucléarisation de tous les états de la région. L’opposition à la menace nucléaire ne peut pas être une question sélective et ne peut être abordée avec deux poids et deux mesures.
Aujourd’hui l’humanité se trouve à un tournant. L’ancien ordre nucléaire qui s’est mis en place par le lancement de la bombe atomique américaine sur Hiroshima et Nagasaki est arrivé dans une impasse. Les peuples du monde, dont ceux du Moyen Orient, ont le choix entre deux options : ou bien de plus en plus de pays qui le voudront et en auront les moyens vont rejoindre le club des pays nucléaires, ou alors l’humanité choisit de vivre dans un monde sans arme nucléaire.
Il est intéressant de constater qu’Israël prétend que le problème n’est pas les armes nucléaires en soi, mais les armes nucléaires qui pourraient "tomber dans de mauvaises mains, dans des pays non démocratiques". Pourtant dans les deux semaines passées, beaucoup de publications ont souligné la coopération entre le gouvernement israélien et le royaume saoudien – le très « démocratique et très responsable » royaume saoudien - les deux parties essayant chacune de poser des obstacles au succès des accords de Genève.
Ce qui est clair maintenant, et le devient de plus en plus chaque jour, est que de plus en plus de forces dans le monde contestent le « droit » d’une poignée d’État de monopoliser le nucléaire et refusent de se soumettre à cette réalité. Les points de tension à travers l’ensemble du monde concernent d’un côté des pays nucléaires, y compris Israël, qui veulent maintenir leur monopole, et de l’autre côté des pays qui contestent ce monopole. La lutte pour le monopôle nucléaire dans le Moyen Orient en particulier, menace la paix mondiale et le bien être des peuples de la région.
Ce qui est certain, c’est qu’une initiative israélienne de guerre contre l’Iran ne serait pas une guerre de survie pour Israël comme le dit notre premier ministre Netanyahu. Elle sera plutôt une guerre de défense du monopole nucléaire d’Israël dans le Moyen Orient.
La plupart des israéliens commencent également à voir qu’il n’existe pas d’alternative pour un monopole unilatéral sur les armes nucléaires et les armes de destruction massive au Moyen Orient. Si des armes de ce type existent au Moyen Orient, elles ne peuvent être en possession exclusive d’une seule des parties. C’est pourquoi, l’existence d’une énorme quantité d’armes nucléaires en Israël, non seulement n’empêchera pas les autres pays de développer de telles armes, mais actuellement les motivent pour obtenir ces armes et d’autres armes non conventionnelles.
C’est pourquoi nous croyons, n’en déplaise au gouvernement israélien, que le dernier accord de Genève pourrait être un tournant en ce qui concerne les négociations nucléaires au Moyen Orient.
Chers camarades, chers amis,
Quand les dirigeants israéliens ont des pressions pour rejoindre l’initiative en vue de faire du Moyen Orient une zone dénucléarisée, ils répondent en arguant qu’Israël n’acceptera de discuter de cette question uniquement lorsqu’une situation stable sera globalement instaurée dans cette région. Cet argument trompeur repose sur la notion que l’arsenal nucléaire israélien est aujourd’hui la condition nécessaire à l’instauration de la paix dans la région. Il s’agit d’un mensonge israélien, une autre illusion que nous devons complètement rejeter.
Le gouvernement israélien cherche à inverser l’agenda politique de la région, en mettant en avant la question iranienne au détriment de la question palestinienne et de sa solution pacifique.
En fait, le refus du gouvernement israélien d’avancer vers une paix juste et une solution pacifique, ses menaces constantes de guerre et d’agression, sa négation des droits nationaux du peuple palestinien, son mépris envers les résolutions de l’ONU et le droit international, l’extension continuelle de la colonisation et l’approfondissement de l’occupation – tout cela rend plus facile le monopole nucléaire israélien d’une part et le soutien politique des Etats Unis d’autre part. C’est pourquoi nous disons que le refus israélien d’aborder la question nucléaire consolide son refus d’aborder la question politique.
L’équation israélienne doit remise sur ses pieds : Ce n’est pas la paix globale dans la région qui est le préalable au désarmement nucléaire, mais au contraire, le désarmement nucléaire et l’arrêt de tous les plans de développement des armes nucléaires dans la région, y compris en Israël et en Iran, qui sont essentiels pour l’instauration de la paix.
Le 2 février, cela fera 14 ans que le parlement israélien – la Knesset – a défini officiellement sa politique nucléaire lors d’une session plénière. Cette discussion a eu lieu à mon initiative, et n’a été possible qu’après que j’ai fait appel à la Cour Suprême pour défendre mon droit d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la Knesset, et le droit pour le public israélien d’être témoin de cet très important débat. Bien que le président de la Knesset ait donné le feu vert, conformément aux règles de la Cour, il n’était pas certain que ce débat puisse avoir effectivement lieu.
Certain membres de la droite de la Knesset ont accueilli ce débat avec des cris hystériques, comme si j’avais abattu une vache sacrée. Ce fut un jour historique pour la lutte anti nucléaire, en Israël et à l’étranger. Si ce n’avait pas été le président de la Knesset Abraham Burg qui s’était courageusement engagé pour que ce message soit entendu, il n’est pas du tout certain que ce débat aurait pu avoir lieu.
J’ai toujours apprécié l’honnêteté et la détermination de Burg, mais je n’imaginais pas à ce moment que 14 ans plus tard, nous serions partenaires pour l’organisation de cette conférence pour un Moyen Orient sans armes de destruction massive.
Cette conférence est la conférence des braves. La conférence de ceux qui disent la vérité aux peuples de la région. La conférence de ceux qui veulent bâtir un avenir de sécurité pour les citoyens israéliens, pour les pays de cette région et pour le monde. La conférence de ceux qui aspirent à un avenir sans armes de destruction massive, un avenir de paix.