Le Comité Populaire du Village de Bil’In se bat depuis février 2005 contre la construction d’un mur de 1,6 km qui aboutirait à l’annexion de 60% des terres du village (habitations comprises) et permettrait d’agrandir la colonie de Midin Illit, illégalement implantée.
Ce combat est exemplaire à la fois
par son esprit et ses modalités d’actions : lutte de masse rassemblant tous les villageois mais aussi des Israéliens pour la paix et des internationaux, et lutte non violente
par la façon dont il est mené : par étapes progressives, de plus en plus ambitieuses, s’appuyant de façon particulièrement déterminée et habile sur les médias et sur le terrin juridique !
La première étape fut donc la constitution d’un Comité Populaire de Village contre l’occupation et le vol des terres début 2005. Le message de la lutte de ce comité est clair : « nous nous battons - de manière pacifique- pour faire respecter nos droits, pas contre des Israéliens ! »
La seconde s’est attachée à montrer concrètement aux médias israéliens et internationaux la réalité de l’oppression quotidienne imposée à un village palestinien : annexions de terres, arrachages des oliviers (le plus souvent revendus en Israël !), violence physique sans retenue au nom de la « sécurité », extension de la colonie. Le but de cette phase était de faire tomber l’argument de la sécurité régulièrement servi par Israël pour justifier toutes ces exactions. La répression est en effet particulièrement dure : les modalités d’actions pacifiques - s’enchaîner aux oliviers menacés, s’installer dans des tonneaux bloquant le passage des bulldozers, etc.- exposent fortement les manifestants, y compris les militants pacifistes. A ce jour, Bil’In compte 500 blessés sur un village de 1600 habitants ! En montrant cette oppression/répression, le comité démontre de fait de quel côté se situe le droit.
La troisième étape, lancée le 21 décembre 2005, est extrêmement offensive : il s’agit de récupérer les terres déjà annexées ! Les villageois y installent des caravanes puis des cabanes sachant que le droit israélien considère comme indestructible toute construction dotée d’une fenêtre et d’un toit ! Ils ont ainsi réussi à « récupérer » symboliquement une partie des terres volées. Parallèlement, défendu par des avocats israéliens, Michael Sfar (avec La Paix Maintenant) et Tamar Pelleg, le comité de Bil’in s’est présenté devant la Haute Cour de Justice israélienne en s’appuyant sur la législation de l’occupant. Rappelons-le au passage, cette législation laisse des colons israéliens s’installer sur des terres palestiniennes, d’abord avec des caravanes, puis dans des maisons, pratiquant ainsi la politique de fait accompli. Bil’in défend donc ses terres en adoptant le même principe. Les avocats ont également découvert que tout dans la colonie avait été construit sans permis, et ils ont obtenu l’interdiction de toute nouvelle construction et plus fort encore de toute arrivée de nouvelles familles de colons. Par contre la Cour n’a pas encore tranché sur le fond : la question du droit de construction de cette colonie sur la terre palestinienne.
Signalons au passage que ces actions ont permis de mettre au grand jour la corruption liée à ces spoliations. L’administration « civile » israélienne (en fait militaire dans les territoires occupés) est de mèche avec des promoteurs israéliens qui obtiennent à bas coûts les terres déclarées achetées aux Palestiniens par l’administration (aucune trace de ces opérations d’achats !) ; les promoteurs revendent ensuite aux colons avec une marge plus que confortable. Ce dernier point a été l’objet d’un article dans Haaretz et a créé un scandale en Israël. En cas de succès, cette colonie pourrait être officiellement déclarée illégale donc illégitime en regard du droit, contrairement au cas de nombreuses autres colonies.
A noter, la différence entre le droit régissant les colons d’un côté, et celui régissant les Palestiniens de l’autre. Les premiers bénéficient de la loi civile jordanienne (hé oui, ils sont en Cisjordanie !) qui stipule que le propriétaire de la terre possède la maison construite dessus ; par contre les Palestiniens sont sous la botte d’airain de la loi militaire israélienne.
Maintenant le comité populaire envisage une nouvelle phase avec une présence plus importante de l’autre côté du Mur d’annexion, au cours de laquelle le comité aura plus que jamais besoin de la présence d’Internationaux sur place.
Le village se dote aussi d’un comité de développement pour permettre aux habitants étranglés économiquement par Israél, comme tous les Palestiniens, vol de leurs terres, confiscation des taxes liées aux échanges commerciaux avec l’extérieur (50 millions de dollars par mois), entraves aux déplacements des hommes et des marchandises à l’intérieur des Territoires occupés, progressivement transformés en bantoustans, impossibilité d’aller travailler en Israël, etc., etc.
Les projets de développement en cours portent sur l’apiculture, l’achat d’une presse pour la fabrication d’huile d’olives, la construction d’une savonnerie.
Ces projets, le village ne pourra pas les mener à bien tout seul. Les besoins financiers sont énormes.
Mr Stéphane Hessel intervient pour souligner le caractère exemplaire de la résistance à Bil’in exemplaire dans son esprit de lutte non violente, de justice, exemplaire aussi par l’intelligence politique de la lutte menée. Mais il note que sa réussite dépend aussi de l’existence de relais efficaces auprès de l’opinion internationale. Il propose donc de créer un comité de personnalités (diplomates, élus, etc.) qui soutiendrait officiellement le comité de Bil’In informerait les médias, se rendrait sur place pour les soutenir (Mohamed indique qu’il n’ont jamais encore eu de diplomates ni de ministres étrangers dans leur manifestation hebdomadaire), agirait auprès des gouvernements et organismes internationaux. Bref, ce comité de personnalités relaierait le combat exemplaire de Bil’in de toutes les manières possibles.
Outre des besoins financiers pour les projets de développement, le comité doit finir d’éponger ses dettes : l’avocat israélien leur a coûté 17000 euros, l’AP, des mouvements pacifistes israéliens et des internationaux ont apporté leur écot mais cela ne suffit pas.
Les militants sont bien évidemment chaleureusement accueillis à Bil’In pour manifester tous les vendredis soirs aux côtés du Comité.
Précisons enfin combien Mohamed a su faire partager son enthousiasme et sa foi en l’avenir, donnant l’envie de lutter à leur côté à tous les participants à la conférence.