Julien Salingue a présenté une conférence le 14 novembre à la fac de lettres de Clermont-Ferrand, autour de l’ouvrage "Israël, un État d’apartheid ?", qu’il a co-édité avec Céline Lebrun (http://www.juliensalingue.fr/articl...).
La conférence (voir photos) était organisée par l’association des Amis du Temps des Cerises, en partenariat avec AFPS 63. Plus de 90 personnes ont assisté à la conférence (une heure) et participé au débat durant l’heure qui a suivi, sur l’histoire, l’actualité et les perspectives pour les Palestiniens, et sur le mouvement de solidarité, en particulier BDS. Les participants ont acheté 9 livres à la sortie de l’amphi.
Extraits de la conférence :
Définition de l’apartheid en droit international : « système de traitement politique différencié (discrimination institutionnalisée) sur une base nationale, ethnique ou religieuse »
Sondage du journal israélien Haaretz (octobre 2012) : 58 % des israéliens sondés pensent qu’il y a un problème d’apartheid en Israël.
L’État de Palestine ? La Cisjordanie a environ la même surface que la Corrèze, et seulement 18 % de cette surface est administrée par l’Autorité Palestinienne (AP), mais en étant totalement morcelée et sans possibilité de circuler librement entre les enclaves. La Palestine n’a pas de territoire, ni de frontières qui ne soient contrôlées par Israël (sauf le sud de Gaza qui touche l’Égypte sur quelques km) ; tous les territoires (cantons, bantoustans) sont entourés par des murs, et au sein d’un ensemble allant du Jourdain à la Méditerranée, totalement contrôlé par l’État d’Israël. La Palestine n’a pas de ressources propres, ni de véritable économie.
Démarche de recherche de J. Salingue : pour tester la validité de la caractérisation du système par « apartheid », se demander quel est le traitement administratif et réglementaire qu’Israël applique aux Palestiniens ?
Replaçons ça dans l’histoire : à la fin du 19ème siècle, de nombreux artisans et commerçants juifs d’Europe orientale sont ruinés par le développement du capitalisme et l’antisémitisme se développe contre les pauvres et les migrants. Un mouvement sioniste de développe sur des bases politiques (s’en aller pour avoir un État à soi, sur une base ethnique, racialiste et coloniale), alors que les religieux sont antisionistes. Le choix de la Palestine (qui rajoute une composante biblique) ne vient qu’après avoir envisagé l’Ouganda, l’Argentine, etc.
1897, premier congrès sioniste mondial à Bâle, pour la « colonisation » de la Palestine en se plaçant sous la coupe d’une grande puissance occidentale
1917, déclaration Balfour, dans le contexte de l’écroulement de l’empire ottoman et la main mise du Royaume Uni sur la Palestine. Les britanniques voient les sionistes comme un outil de contrôle du Proche Orient (comparaison Ulster-Irlande avec Israël-Proche Orient). Th. Hertzl : Israël sera l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie.
Le développement du nazisme, puis le génocide des juifs, accélère l’émigration juive vers la Palestine (les États occidentaux ne souhaitant pas les accueillir).
1945, 1/3 de juifs et 2/3 de non-juifs en Palestine.
1947, partition de la Palestine sous l’égide des grandes puissances.
1947-48, la Nakba : pour faire un Etat juif il faut expulser les non-juifs. De novembre 47 à mai 48 (donc avant la guerre avec les Etats arabes), 400.000 Palestiniens sont expulsés, puis 400.000 autres de mai 48 à mai 49 (soit 80 % des habitants du futur État d’Israël).
Bien noter que ce qu’on appellera les « frontières » de 1967, ce sont en réalité les lignes d’armistice de 1949.
1967, guerre des 6 jours, la surface contrôlée par Israël est multipliée par 4 ; occupation de 100% de la Palestine et d’autres terres. Mais les Palestiniens ne partent pas : c’est une victoire territoriale pour Israël mais pas pour l’épuration ethnique (il reste 50% de non-juifs sur ces territoires).
Pour être soutenu par l’occident, Israël doit i) être utile (par ex. contre Nasser, contre le Hezbollah, …) et ii) donner une image démocratique. Or un État démocratique (droit égaux pour tous, quelle que soit la religion) ne peut pas être juif, et réciproquement.
Le plan Igal Allon de 1967 préfigure exactement la situation actuelle : concentrer les Palestiniens dans de petites zones géographiques ; prise du contrôle de Jérusalem et de la vallée du Jourdain. La colonisation actuelle n’est pas brouillonne mais planifiée de longue date, sur une base géostratégique, incluant les ressources en eau.
1993, accords d’Oslo. On ne donne des territoires à l’AP que si elle montre qu’elle peut y faire régner l’ordre (l’occupé maintient l’ordre pour l’occupant).
Système d’apartheid : 93 % de la surface d’Israël n’est pas achetable par les Palestiniens de 48 (citoyens d’Israël). En Cisjordanie, l’AP est dominée par « l’administration civile » (càd l’armée et le ministère de l’intérieur israéliens), qui ajoute son système juridique aux systèmes antérieurs (ottoman, britannique, jordanien) et palestinien. 2.500 ordres militaires ont été édictés ; en 2011, 10.000 Palestiniens passent devant les tribunaux militaires et plus de 95% sont condamnés.
La fiction des négociations sur 2 États cache en fait la colonisation et l’apartheid. Certains Palestiniens disent qu’ils ne veulent pas un État, mais pouvoir voter pour leurs députés au parlement dans un système égalitaire.
Il n’y a pas de nationalité israélienne. Les citoyens israéliens sont de nationalités diverses : juive, « arabe » (le mot palestinien est banni), polonaise, catalane, etc. La Cour suprême israélienne a refusé la nationalité israélienne à des citoyens israéliens qui la demandaient.
L’État d’Israël est « démocratique » pour les juifs, mais il est juif pour les arabes. Il n’y a pas de mariage civil en Israël. On ne connait pas les statistiques des flux migratoires. Les sans papiers sont expulsés au bout de 2 ans pour sauvegarder la pureté ethnique. En 2013, on a des systèmes de garderies séparées pour les enfants noirs et blancs…