La suspension a été levée sans condition et avec effet immédiat. Dans sa lettre officielle à Al-Haq, la Commission a précisé :
"Cette décision est fondée sur plusieurs éléments, dont l’évaluation de l’OLAF, qui n’a pas trouvé de motif suffisant pour ouvrir une enquête. Plus précisément, l’OLAF a conclu qu’il n’y a aucun soupçon d’irrégularités et/ou de fraude affectant les fonds de l’UE dans la mise en œuvre du projet financé par l’UE [d’Al-Haq]."
Comme nous l’avons expliqué dans notre déclaration du 21 janvier 2022, l’absence d’indices de fraude ou d’autres irrégularités avait déjà été établie par la Commission en juillet 2021, à la suite d’un audit financier du projet d’Al-Haq, qui promeut la mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits auxquels la Palestine a adhéré. La dernière évaluation de l’agence antifraude de l’UE, l’OLAF, ne fait que confirmer cette conclusion.
Depuis son imposition en mai 2021, il est clair que la suspension n’a pas été motivée par de véritables préoccupations quant à une éventuelle utilisation abusive des fonds. Sous la responsabilité directe du commissaire européen hongrois Olivér Várhelyi, la suspension est devenue une initiative politique visant à donner au gouvernement israélien un coup de pouce dans ses tentatives de perturbation et diffamation de la société civile palestinienne et d’oppression des voix des organisations et des défenseurs des droits humains palestiniens. Sur la base de ce que nous avons vécu avec cette suspension au cours des 13 derniers mois, aucune autre conclusion ne saurait être tirée.
En raison de notre travail de défense des droits humains visant à tenir Israël responsable de ses violations graves et systématiques contre le peuple palestinien, Al-Haq est depuis longtemps la cible de campagnes de diffamation, d’intimidations et de représailles, y compris de menaces de mort. Ces tactiques ont été déployées pour détourner Al-Haq et ses ressources de sa mission principale, celle de promouvoir les droits de l’Homme et la lutte contre l’impunité, dans le but de permettre à Israël de consolider son régime colonial et d’apartheid en Palestine et contre le peuple palestinien dans son ensemble.
Nous ne nous faisons aucune illusion sur l’escalade de la campagne israélienne visant à réduire l’espace civique des organisations de défense des droits humains et sur sa tentative de réduire au silence ses défenseurs en Palestine, dont le point culminant a été la décision d’Israël l’octobre 2021 en désignant Al-Haq aux côtés de cinq autres grandes ONG palestiniennes.
Cependant, lorsqu’un acteur tel que l’UE s’aligne sur une campagne aussi toxique, une ligne rouge est franchie. C’est ce qui s’est passé lorsque la Commission a suspendu le financement d’Al-Haq sans aucun motif, aucune transparence et aucune responsabilité et en violation de nos droits. Au lieu de nous défendre, la Commission nous a abandonnés, aggravant ainsi notre vulnérabilité.
Nous avons contesté la mauvaise foi de la Commission dès le début de la suspension, en contestant ses principes de nécessité et proportionnalité et en exigeant des clarifications sur les motifs et les informations à l’origine de la suspension. Jusqu’à aujourd’hui, la Commission n’a pas fourni ces clarifications.
Tout au long de l’année 2021, la Commission a constamment ignoré nos demandes. Début 2022, nous avons donc désigné un avocat belge pour défendre nos droits. Le 1er avril 2022, il a lancé en notre nom une procédure de "règlement à l’amiable", incluant notre proposition sur la manière dont le différend entre les parties devrait être résolu.
En violation de ses obligations contractuelles et malgré nos demandes répétées, la Commission n’a pas répondu à notre proposition. En fait, elle n’a pas présenté sa propre proposition basée sur un calendrier qu’elle avait suggéré. Cela ne fait que confirmer que la Commission a agi de mauvaise foi, notamment par des manœuvres dilatoires sans fin.
À ce moment-là, nous avons tiré un trait et décidé de contester juridiquement la suspension en assignant la Commission en justice pour ses violations continues des droits d’Al-Haq et le préjudice qui en résulte, exploité par le gouvernement israélien et les groupes qui lui sont affiliés. Le 16 juin 2022, notre avocat a remis l’assignation à un huissier, qui l’a soumise à la Commission. La première audience devant un tribunal de première instance de Bruxelles a été fixée au 4 juillet 2022.
Depuis lors, la Commission a levé la suspension de notre projet, ce qui rend cette demande non pertinente pour le procès. Toutefois, l’illégalité et l’impact négatif de la suspension sur Al-Haq au cours de l’année écoulée restent pertinents pour le procès, ce qu’Al-Haq a l’intention de poursuivre en attendant de nouvelles discussions entre les parties.
Depuis des décennies, Al-Haq s’efforce de protéger les droits du peuple palestinien contre les violations du droit international commises par Israël et d’autres auteurs de violations. La suspension équivaut à une nouvelle violation. Nous continuerons à promouvoir la responsabilité et le respect de l’État de droit.
Dans nos échanges avec la Commission, nous avons demandé des garanties concernant son engagement à exécuter le reste du projet en toute bonne foi, en excluant toute autre perturbation à motivation politique fondée sur des allégations calomnieuses contre Al-Haq.
Nous sommes heureux de voir que la suspension de notre financement est levée et nous apprécions notre partenariat avec l’UE, que nous voulons poursuivre en bonne intelligence, malgré les erreurs et la mauvaise conduite de la Commission. À cet égard, il est essentiel que cet épisode honteux ne se répète pas.
Entre ces turbulences, Al-Haq a récemment reçu le prestigieux prix Bruno Kreisky appelé"Services for Human Rights". Lisez ici notre déclaration à l’occasion de la cérémonie de remise du prix le 23 juin 2022.
Traduction et mise en page : AFPS / DD