Si les attaques de la Mosquée al-Aqsa par les forces de sécurité israéliennes continuent, l’attention internationale pourrait commencer à se concentrer sur la question de savoir si elles peuvent constituer un crime de guerre.
Les attaques de sites culturels au cours de conflits armés sont considérées comme étant un crime de guerre en vertu d’un certain nombre de lois et de traités internationaux.
Le Statut de Rome de 1998, qui a établi à La Haye la Cour Pénale Internationale (CPI), a proclamé que quiconque « menait intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à des fins charitables (ou) contre des monuments historiques » perpétrait un crime de guerre.
Il n’est pas nécessaire que les dommages soient importants - le statut incrimine l’attaque et non ses conséquences.
La CPI a annoncé plus tôt cette année qu’elle engageait une enquête sur les crimes prétendument perpétrés dans les territoires palestiniens occupés tant par les Israéliens que par les Palestiniens.
La Palestine a signé le Statut de Rome. Le gouvernement israélien l’a aussi signé, mais a ensuite décidé qu’il ne souhaitait pas être État partie, et nie que la CPI ait le moindre droit d’enquêter sur des crimes qu’il ait supposé avoir perpétré.
En plus du Statut de Rome, la Convention de la Haye de 1954 - le premier traité international se concentrant entièrement sur la protection pendant les conflits armés de sites d’importance culturelle - oblige les forces d’occupation à protéger le patrimoine culturel.
La Convention - qui a été signée par Israël - est destinée à protéger des sites d’intérêt culturel des destructions, du pillage ou d’une utilisation militaire inutile.
Le principe qui sous-tend la convention est le suivant : « l’atteinte aux biens culturels appartenant à quelque peuple que ce soit signifie l’atteinte au patrimoine culturel de l’humanité tout entière ».
La Convention fait désormais partie du droit international coutumier, ce qui signifie que ses dispositions sont contraignantes pour toutes les parties à un conflit, mais aucun gouvernement national n’a jamais été poursuivi pour l’avoir violée.
Une convention supplémentaire, la Convention sur Patrimoine Mondial, a suivi en 1972. En vertu de celle-ci, la Vieille Ville de Jérusalem et ses rempart ont été désignés comme site du patrimoine mondial à la demande de la Jordanie.
En 1982, le site a été placé sur la liste de l’UNESCO des sites menacés en raisons des tensions dans la ville.
Enfin, en 2017, la résolution 2347 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a condamné « la destruction illégale du patrimoine culturel… notamment par des groupes terroristes ».
Les talibans, donc, ont perpétré un délit quand ils ont détruit en mars 2001 les statues monumentales de Bouddha de la vallée de Bamiyan en Afghanistan .
Il en a été de même pour le groupe État islamique (EI) lorsqu’il a dévasté la cité antique de Palmyre en Syrie et plusieurs autres sites entre 2014 et 2016.
E 2016, Ahmad al-Faqi al-Mahdi, membre dirigeant d’un groupe associé à al-Qaïda, a été emprisonné pour neuf ans par la CPI après avoir admis le crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre des monuments historiques.
Il était l’un d’un groupe d’hommes qui avaient détruit, quatre ans auparavant, neufs mausolées et une mosquée à Tombouctou au Mali.
Un autre affaire qui comprend des accusations découlant de cette destruction à Tombouctou est en instance à La Haye.
Et en janvier de l’année dernière, le Président d’alors des États-Unis, Donald Trump, a été prévenu qu’il commettrait un crime de guerre s’il allait jusqu’au bout de sa menace -faite sur Twitter - de prendre pour cible des sites d’intérêt culturel en Iran.
Il avait averti que les États-Unis avait sélectionné 52 sites en Iran, « certains de très haut niveau et importants pour l’Iran et la culture iranienne, et ces cibles, ainsi que l’Iran lui-même, SERONT FRAPPÉES TRÈS RAPIDEMENT et TRÈS DUREMENT ».
Le Pentagone a rapidement pris ses distances par rapport à cette menace, affirmant qu’il « suivrait les lois des conflits armés ».
La Convention de La Haye
La nécessité d’une protection spéciale des sites d’importance religieuse ou culturelle a été reconnue après les destructions massives de la Première Guerre mondiale, mais la première convention destinée à les protéger, le Pacte Roerich, n’a été ratifiée que par dix États des Amériques, et nulle part ailleurs.
La nécessité d’un traité international est devenue plus pressante pendant la Guerre Civile espagnole, et la Convention de La Haye a été rédigée en 1938, mais sa ratification a été empêchée par la Seconde Guerre mondiale.
Au cours de cette guerre, les nazis ont systématiquement pillé et détruit des sites en Russie et en Europe de l’Est, la Royal Air Force britannique a largué des bombes incendiaires sur la ville allemande de Lübeck, dont une grande partie était médiévale et construite en bois. L’Allemagne a riposté par le "Blitz Baedeker", en utilisant le guide de voyage pour sélectionner cinq villes historiques anglaises à bombarder par avion.
En 1956, lorsque la convention de La Haye est entrée en vigueur, on craignait qu’une guerre nucléaire n’entraîne des destructions bien plus importantes que celles jamais vues auparavant.
Un deuxième protocole à la Convention de La Haye, accordant une protection encore plus grande aux biens culturels, a été adopté lors d’une conférence diplomatique dans la ville en 1999. Ce protocole n’a pas été signé par Israël.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du groupe de l’AFPS sur les prisonniers