Au cœur de l’occupation israélienne des territoires palestiniens se trouve le vol des ressources naturelles palestiniennes, notamment la terre et l’eau, ce qui exacerbe la crise climatique. La lutte de la Palestine est aussi une lutte pour le climat et l’environnement et, depuis des décennies, les organisations de la société civile palestinienne et leurs partenaires mondiaux se battent pour obtenir justice sur ces questions. Pourtant, la crise climatique progresse à un rythme plus rapide que ce que de nombreux organes directeurs dans le monde peuvent gérer et, avec l’occupation militaire permanente de la Palestine par Israël, les Palestiniens sont doublement incapables d’atténuer une grande partie de ses effets.
Mais la Palestine est unique pour une autre raison. Ses dirigeants, l’Autorité palestinienne (AP), se sont rendus complices de l’obstruction des succès réels en matière de justice climatique et environnementale.
En effet, depuis les accords d’Oslo de 1993, la lutte palestinienne a été réduite à un projet de construction d’un État voué à l’échec tant que le statu quo de l’occupation militaire et la corruption des dirigeants palestiniens persisteront. En participant aux conférences des Nations unies sur le climat (COP) et à d’autres forums internationaux sur le changement climatique qui encouragent la collaboration entre les États, l’Autorité palestinienne continue de dissocier les questions climatiques et environnementales de l’occupation militaire de la Palestine par Israël, la dépolitisant et la normalisant de fait.
La véritable justice environnementale, qui inclurait la restauration des droits des Palestiniens à accéder à leurs ressources naturelles en mettant fin à l’occupation israélienne, est rarement abordée dans ces forums et conventions internationaux. En conséquence, la lutte pour la justice climatique et environnementale en Palestine continue d’être financée par des donateurs internationaux qui, avec l’AP, cherchent à gérer l’apartheid climatique d’Israël plutôt que de pousser Israël et ses alliés à y mettre fin.
Normaliser l’apartheid climatique d’Israël en Palestine
Le cadre de la consolidation de la paix par la négociation, exercé et promu par le monde occidental dans la médiation avec Israël et l’AP, n’est rien d’autre qu’un ensemble de "pratiques coloniales" qui profitent aux colonisateurs au détriment des colonisés. Ce cadre a façonné les initiatives et les politiques visant à répondre aux crises climatiques en Palestine depuis des décennies. En conséquence, les questions environnementales et climatiques sont continuellement déconnectées de la réalité politique de l’occupation militaire, de sorte que les programmes ne parviennent pas à perturber les pratiques coloniales d’Israël.
Par exemple, des initiatives financées par des donateurs comme EcoPeace et l’Arava Institute utilisent depuis des années des slogans tels que "l’environnement ne connaît pas de frontières" et "rassembler les gens" pour promouvoir la collaboration entre Israël et la Palestine autour du climat et de la justice environnementale. Les organisations environnementales palestiniennes et leurs alliés critiquent depuis longtemps ces initiatives qui, sous couvert de développement durable, de renforcement de la confiance et du greenwashing de l’environnement, normalisent et légitiment l’occupation israélienne. Fondamentalement, ces projets servent à ignorer ce qui est clairement une situation d’apartheid climatique, et à promouvoir la crise climatique comme une autre arène où la coopération et le dialogue sont la réponse au lieu d’un changement politique radical.
Les solutions technologiques dépolitisent l’apartheid
Nombre de ces initiatives de collaboration et de ces programmes financés par les donateurs défendent également l’idée que les problèmes liés au climat peuvent être résolus par la technologie, sans tenir compte des réalités politiques sous-jacentes. La crise climatique, cependant, n’est pas un phénomène naturel ; elle est le fait de l’homme et est aggravée par des décisions politiques et économiques. Dans le cas de la Palestine, les effets du changement climatique sont influencés et exacerbés par le colonialisme israélien et le vol des ressources naturelles.
Par exemple, plutôt que de préconiser une pression locale, nationale et internationale sur Israël pour qu’il s’engage à respecter les droits des Palestiniens en matière d’eau, l’UE et d’autres donateurs ont mis l’accent sur le potentiel de la technologie pour résoudre ce qu’ils ont qualifié de "pénurie d’eau" en Palestine. Ce schéma de développement dirigé par les donateurs occulte une réalité politique fondamentale : la "pénurie d’eau" en Palestine est liée à l’occupation militaire israélienne et au vol des ressources naturelles des Palestiniens, y compris l’eau.
Le changement climatique en Palestine doit être compris comme une réalité intrinsèquement politique exacerbée par des décennies de colonialisme israélien et de vol des ressources naturelles.
Autre exemple, le Fonds vert pour le climat, un mécanisme financier multilatéral de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, soutient actuellement un projet quinquennal visant à accroître la disponibilité de l’eau pour une agriculture durable à Gaza grâce à l’utilisation d’eaux usées traitées. Cette solution technologique ne tient pas compte de la réalité politique à laquelle Gaza est confrontée en raison du blocus et du siège paralysants imposés par Israël, qui l’isolent du reste de la Palestine. La solution consiste donc à continuer à utiliser les fonds des donateurs pour gérer la situation plutôt que de mettre fin à l’occupation militaire et au siège économique illégal de Gaza.
Greenwashing du colonialisme de peuplement et du nettoyage ethnique
Ces approches problématiques du changement climatique ne touchent pas seulement les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza occupés, mais aussi des centaines de milliers de Palestiniens qui vivent à l’intérieur d’Israël, ainsi que les Syriens du plateau du Golan occupé. En ratifiant l’Accord de Paris, Israël s’est engagé à réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre de 2005 d’ici 2030, et il entend y parvenir en développant des projets d’énergie verte dans les territoires occupés.
Dans le Golan occupé, cela prend la forme d’un projet éolien à grande échelle qu’il est prévu de développer sur le peu qui reste des terres agricoles syriennes Jawlani. Et depuis janvier 2022, Israël déracine les Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres dans le Naqab dans le cadre d’un projet visant à aplanir les dunes et à planter des arbres. Ces projets dissimulent ce qui est fondamentalement une politique de colonisation et de nettoyage ethnique menée par Israël contre les Palestiniens.
Ce dont les Palestiniens ont besoin
Le changement climatique en Palestine doit être compris comme une réalité intrinsèquement politique exacerbée par des décennies de colonialisme israélien et de vol des ressources naturelles. Par conséquent, la remise en question des initiatives de collaboration et de consolidation de la paix, qui normalisent et dépolitisent l’occupation militaire coloniale, est une étape cruciale pour centrer la justice climatique dans la mobilisation populaire palestinienne.
Plusieurs organisations de la société civile palestinienne ont déjà entrepris ce travail essentiel. PENGON, le réseau des ONG environnementales palestiniennes, par exemple, a ouvert la voie en matière de sensibilisation et de mobilisation pour la justice environnementale, hydrique et climatique en Palestine. De même, Al Haq, une importante organisation de défense des droits de l’homme en Palestine, a exprimé la nécessité d’adopter une approche intersectionnelle du changement climatique, notamment en étudiant son impact sur les femmes dans la vallée du Jourdain occupée par Israël.
Pour que ces efforts soient amplifiés et renforcés, l’Autorité palestinienne et la communauté internationale doivent soutenir leur plaidoyer fondé sur la justice et contester les forums internationaux tels que la COP, qui normalisent l’apartheid climatique. En outre, la communauté des donateurs doit cesser de soutenir les projets de normalisation verte qui ignorent la réalité politique et les disparités de pouvoir entre Palestiniens et Israéliens. Les activistes locaux et internationaux du changement climatique devraient également se concentrer sur la lutte contre les injustices climatiques et environnementales historiques en Palestine afin de tenir Israël pour responsable de son vol des ressources naturelles des Palestiniens.
Enfin, la communauté internationale devrait soutenir la mobilisation des ressources locales, nationales et internationales pour faire pression sur Israël afin qu’il reconnaisse et s’engage à respecter les droits des Palestiniens à l’eau et à la terre. Ces mesures placeraient le cadre de la justice au centre de la mobilisation populaire palestinienne, permettant ainsi aux Palestiniens non seulement de restaurer leur environnement et d’atténuer le changement climatique, mais aussi de récupérer leurs liens historiques avec leurs terres et leurs ressources.
Traduction : AFPS