Au moins 16 nouveaux avant-postes ont été installés en Cisjordanie depuis 2017, selon un rapport publié par l’ONG Peace Now . Aucune de ces constructions n’a été menacée d’évacuation depuis. Peace Now a pu établir que, en tout, ce sont 31 avant-postes qui sont apparus entre 2012 et 2019. Haaretz les a visités ces dernières semaines et a constaté que tous étaient des sortes de fermes, où sont élevés moutons et brebis.
Les avant-postes documentés dans le rapport ont été établis en Cisjordanie -
sur la zone du conseil régional des collines du sud d’Hébron jusqu’au nord de la Cisjordanie, dans la vallée du Jourdain et dans les régions administrées par le conseil régional de Mateh Binyamin et de Gush Etzion. Ils ne sont pas tous identiques : certains sont des fermes, d’autres des lieux d’habitation. Mais personne n’y touche. Pour certains, les conseils régionaux agissent ouvertement. Aucun n’est légal mais tous ont été installés sur un territoire qui appartient à l’Etat. En cela, ils diffèrent des avant-postes temporaires qui ont été évacués et parce qu’ils ne sont pas toujours strictement là pour conserver cette terre. Pourtant, construire sur une terre appartenant à l’Etat sans plan d’ensemble, sans permis ni autorisation est une violation de la loi et constitue une appropriation de biens qui n’appartiennent pas à ceux qui vivent ici. Il est vrai que certains de ces avant-postes ont reçu des ordres de démolition mais ils sont toujours debout. Parce que la construction illégale sur une terre de l’Etat peut être légalisée rétroactivement.
Parmi ceux qui sont apparus récemment, on peut citer Givat Geulat Zion (la rédemption de la colline de Zion). Ou encore, celui de Ma’oz Esther (le bastion d’Esther) installé près de la colonie de Kokhav Hashahar et celui de Zayit Ra’anan (l’olive verte) dans la région de Talmonim. Les ruines d’un ancien avant-poste baptisé Habaldim Outpost sont devenues le symbole de l’action contre la soi-disant jeunesse de la colline. Les habitants de ces postes avancés n’ont aucun poids politique, ni économique. Même les chefs des conseils locaux, ceux-là même qui ont demandé leur construction, sont parfois contents de les voir évacuer.
Mais à côté de ceux-là, il y a les autres avant-postes, plus forts, mieux connectés et auxquels personne ne touche. Les conseils régionaux sont directement derrière et apportent discrètement leur soutien aux autres. L’Administration civile interfère à peine auprès de ceux-là et quand un ordre est appliqué, c’est sur une base très précise ; ces avant-postes se renforcent et reçoivent une protection de facto de la part des autorités. Un avant-poste, au sud des collines de Hébron, s’appelle la ferme de Shabtai. Un autre, connu sous le nom de Mishol Hama’ayan (le chemin du printemps) est établi près du cimetière de la colonie de Eli ; deux jeunes expliquent qu’il s’agit de cultiver la terre et qu’ils se baladent dans les nombreuses collines de Cisjordanie en s’y installant.
L’avant-poste qui a poussé près de la colonie de Negohot au sud de la Cisjordanie ressemble aussi à une exploitation agricole. Pourtant, dans ce cas, il semble que les personnes qui y vivent ont de bonnes connections. Après le passage de Haaretz, et alors que cette installation est parfaitement illégale, un de ses résidents a pu obtenir de l’armée de dresser des barrages routiers pour freiner les visites de journalistes qui pourraient « collecter des renseignements ».
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Au moins dans certains cas, les autorités locales sont directement impliquées. C’est vrai d’un avant-poste installé sur une ancienne base militaire, Camp Gadi, dans la vallée du Jourdain. Un recours a été déposé devant la Haute cour de Justice parce que personne n’avait connaissance de la prise de contrôle de ce lieu. Pourtant, il suffit de jeter un coup d’œil sur la page Facebook du site pour découvrir que le président du Fonds national juif, Danny Atar, a visité le site tout comme le président du conseil régional alors que la police sécurisait les lieux.
Cet avant-poste fonctionne comme une sorte de programme préparatif au service militaire, soi-disant pour les jeunes difficiles. Comme Haaretz l’a déjà raconté, on peut les voir sur Facebook jouant avec les armes des soldats en visite sur le site. La police militaire s’est saisi de la question mais on a appris récemment qu’elle avait décidé de clore le dossier et de le transmettre « au niveau disciplinaire ».
Un autre exemple de l’implication directe des autorités locales dans l’installation de l’avant-poste de Givat Itam, une colline près de la colonie d’Efrat (sud de Bethléem) est la rénovation du site financée par le conseil local. Cet avant-poste a été installé à l’origine après l’attaque menée au carrefour de Gush Etzion dans laquelle Ari Fuld a été tué. Le conseil a donc officiellement pris en charge l’installation de l’avant-poste, dont les maisons ont été construites sans permis. Les autorités ont prétexté que les permis avaient déjà été émis du temps où le site avait été choisi pour installer une exploitation agricole. L’Administration civile a estimé qu’il n’y a avait aucun projet d’évacuation et que les constructions seraient légalisées rétroactivement.
Shabtay Bendet, qui dirige l’équipe de surveillance des colonies au sein de Peace Now, explique : « La politique du double discours du gouvernement israélien à l’égard des colonies illégales se poursuit à un rythme soutenu. Malgré des discussions pour arranger le statut des anciens avant-postes pour établir un semblant de légalité, de plus en plus d’implantations illégales apparaissent au cœur de la Cisjordanie. Les autorités ignorent ce vol ces terres et légalisent ce qui est illégal, sans aucun accord du gouvernement, comme la loi l’exige, ni discussion publique sur le sujet. »
Selon lui, le gouvernement autorise l’installation d’avant-postes « avec la ferme intention de déjouer un futur accord et cherche à imposer une vision messianique à laquelle la majorité de l’opinion publique israélienne est opposée. »
Réponse de l’Administration civile des Territoires : « La plupart des cas cités sont connus des autorités compétentes. Ceux qui ne le sont pas seront visités. Des ordonnances d’exécution ont été adressées à de nombreux sites auxquels vous faites référence et beaucoup ont été respectées. Nous remarquons que dans le cas de structures illégales, cette mise en œuvre est appliquée conformément aux considérations opérationnelles et politiques. »
Traduit de l’anglais original par l’AFPS