Le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, est allé à Washington rencontrer les dirigeants américains pour demender une implication américaine plus ferme vis-à-vis du processus de paix israélo-palestinien, et le Conseil Sud Africain des Eglises a endossé la Campagne Palestinienne pour le Boycott universitaire et culturel d’Israël (PACBI - Palestinian Campaign for the Academic and Culturel Boycott of Israel).
Ces deux approches (l’engagement politique via les Etats Unis et une confrontation et résistance civile, non violente) représentent deux des trois principales stratégies envisagées par la plupart des Palestiniens.
La troisième approche, résistance militaire et attaques terroristes contre les soldats et les civils israéliens, approche initiée dix ans plus tôt, est maintenant momentanément suspendue.
Pendant les quelques jours que j’ai passés en Jordanie la semaine dernière lors d’une conférence régionale, j’ai sondé des responsables et des militants politiques de Jordanie et de Palestine ainsi que des citoyens ordinaires dans le but de mieux comprendre le véritable contexte de la visite d’Abbas aux USA. J’ai également parlé au téléphone avec plusieurs Palestiniens de l’intérieur bien informés afin d’évaluer sur place les sentiments du public à cet instant potentiellement historique et critique grâce aux développements récents.
Le cessez-le-feu fragile entre Palestiniens et Israéliens ne pourra pas tenir si les conditions actuelles persistent principalement parce que la vie quotidienne de la grande majorité de Palestiniens ordinaires vivant directement ou indirectement sous occupation militaire israélienne reste extrêmement difficile et très humiliante. Les Israéliens, le monde arabe et le reste du monde ne semblent pas prendre en compte cela malgré le fait que l’irruption de deux soulèvements nationaux palestiniens ces 16 dernières années auraient dû attirer leur attention.
Cette situation sous pression risque d’être exacerbée par deux événements cruciaux qui vont arriver dans trois mois : le retrait unilatéral israélien de la Bande de Gaza et l’achèvement autour de Jérusalem de la Barrière de Séparation israélienne (connue aussi en tant que ‘barrière de sécurité’ et de ‘Mur de l’Apartheid’. La pression sur les Palestiniens va augmenter dramatiquement surtout lorsque Jérusalem-Est sera coupée de ses alentours naturels en Cisjordanie.
Une « troisième Intifada » est aujourd’hui une phrase couramment entendue en et autour de la Palestine, principalement parce que les Palestiniens parlent de leur vie dans leur ‘prison’ à l’intérieur du mur israélien. Une des raisons pour laquelle le Hamas a si bien réussi lors des élections municipales est qu’il a une réputation d’honnêteté et d’efficacité et qu’il peut gérer les affaires locales mieux que le Fatah. Les Palestiniens n’attendent pas grand-chose d’Abbas ou de Washington tant que Sharon restera premier ministre. Au lieu de cela, ils s’attendent à une longue période de gouvernance locale dans les districts régionaux entourés par le Mur israélien, les colonies, les zones militaires, les routes de contournement style apartheid pour colons seuls et les check-points.
Les Palestiniens sont en train de traverser une période importante et potentiellement historique d’évaluation et de reconsidération de leurs options. Leurs trois options sont essentiellement : de persister dans l’approche, en grande partie stérile, de l’institution politique gouvernante dominée par le Fatah ; de mettre tout leur poids derrière une offensive militaire plus intense en utilisant la guérilla et les tactiques de terrorisme ; ou d’explorer l’approche civile non violente de protestation représentée maintenant par le boycott des institutions culturelles et éducatives israéliennes. C’est pourquoi l’endossement du boycott par les églises d’Afrique du Sud la semaine dernière est significatif étant donné que le mouvement global des sanctions contre l’Afrique du Sud a été la matrice de tous les boycotts.
Cela se passe à un moment où la politique palestinienne et la lutte nationale pour la liberté et la démocratie saisit la dure réalité qui est que le Fatah est un mouvement en décomposition qui bat de l’aile alors que le Hamas reste un aimant puissant et efficace pour la protestation et la résistance, mais pas un candidat réaliste ni largement accepté pour diriger les Palestiniens. Les deux options politiques traditionnelles palestiniennes (la résistance armée et la diplomatie avec les Etats-Unis comme médiateur) semblent aujourd’hui inefficaces.
L’idée du boycott d’Israël a été plus rapide que ses initiateurs ne l’avaient jamais imaginé, principalement grâce au soutien de groupes internationaux crédibles et l’exploit d’avoir inscrit leurs noms sur des listes basées sur des principes moraux. L’église presbytérienne et l’Eglise Unie du Christ (United Church of Christ) aux USA ainsi que l’Association des Professeurs d’Université (AUT- Association of University Teachers) en Grande Bretagne ont été les groupes les plus importants à soutenir l’appel de PACBI pour boycotter les institutions israéliennes pour la nature immorale, illégale et coloniale du traitement par Israël des Palestiniens qui sont des citoyens israéliens de deuxième catégorie, des Palestiniens sous occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza et, indirectement, des millions de réfugiés autour de la région.
Le 22 avril, AUT a voté le boycott des l’Universités de Haïfa et de Bar Ilan en Israël à cause de leur politique de soutien à l’occupation de la terre et du peuple palestinien ou à cause de leur incitation à une discrimination flagrante envers les Palestiniens. Après un lobbying intense, l’AUT s’est de nouveau réuni et a révoqué sa décision. C’est le premier signe que la campagne de boycott a commencé à avoir une prise à l’Ouest, mais également qu’elle a provoqué des contre-attaques politiques furieuses de la part d’Israël.
Le Conseil Mondial des Eglises basé à Genève s’est contenté d’une déclaration soutenant mollement l’idée qu’un boycott d’Israël devait être étudié et le Conseil Mondial des Eglises Sud Africaines a endossé en début de semaine le boycott. D’autres groupes de par le monde étudient l’appel qui a reçu un encouragement majeur l’année dernière après que la Cour International de La Haye ait déclaré le Mur de Séparation d’Israël illégal sous la loi internationale.
Un des dirigeants de la campagne de boycott, l’ingénieur palestinien, Omar Barghouti, m’a raconté que le fait qu’AUT ait annulé sa décision de soutenir le boycott n’était ni surprenant ni préjudiciable étant donné la contre-campagne intense qui avait été mené contre le boycott. Il m’a fait deux remarques importantes sur la campagne de boycott et sur sa signification aujourd’hui.
« Nous nous attendions à perdre le soutien de l’AUT étant donné la campagne intense menée par Israël et les groupes pro-israéliens, mais nous considérons cela comme un ‘round’ que nous nous attendions à perdre. La chose la plus importante est que maintenant nous combattons dans le ‘ring’. La question aujourd’hui des sanctions contre Israël est discutée activement au sein de la communauté internationale et le courant principal occidental, en partie parce que le boycott est modelé sur celui de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Nous disons que l’occupation israélienne et l’oppression des Palestiniens sont immorales et illégales, que les universités israéliennes sont complices et que cette situation ne doit pas persister dans une impunité totale ni permettre qu’Israël soit exempte des exigences de la loi internationale. La percée clé que nous avons réussi à ce jour est de montrer que le boycott d’Israël est possible tout comme celui de l’Afrique du Sud l’avait été ».
Les Palestiniens n’ont que faiblement suivi la visite de leur président à Washington la semaine dernière, car ils n’attendent pas grand-chose de lui ou de Washington. Son image en tant que rupture décisive avec l’ère Arafat est plus reflétée par les conseillers en communication de Washington que par les sentiments ordinaires en Palestine. La Palestine est à la recherche d’une stratégie diplomatique et politique plus efficace qui amènerait une paix permanente avec Israël.
Les trois options restent la lutte armée, la diplomatie par médiation américaine interposée, et une résistance civile non-violente couplée avec une attention plus grande aux besoins fondamentaux locaux tels que la santé, l’eau et l’éducation. Parmi les trois approches celle qui apportera le bien-être aux Palestiniens sera celle qui sera la plus soutenue.