La semaine dernière, un Palestinien du camp de réfugiés de Qalandiya, à Ramallah, est décédé quelques heures après avoir été pris dans un nuage de gaz lacrymogène tiré par les forces israéliennes.
L’homme, Fahmi Abdelraouf Hamad, s’était rendu à la clinique du camp, gérée par l’UNRWA, pour se réapprovisionner en médicaments contre le diabète.
Alors qu’il se trouvait dans la clinique, les forces israéliennes ont fait un raid sur le camp, lançant des centaines de grenades lacrymogènes dans le camp et à proximité de la clinique et de l’école de l’UNRWA.
L’UNRWA a déclaré que le raid a duré plusieurs heures, et que ses appels aux autorités israéliennes pour qu’elles cessent de tirer des gaz lacrymogènes et permettent à son personnel et à ses patients d’évacuer la clinique n’ont "malheureusement pas été entendus."
Hamad a souffert de suffocation due à l’inhalation de gaz lacrymogènes et a finalement été évacué vers un hôpital de Ramallah après le retrait des forces israéliennes du camp. Sa famille a déclaré que même après sa sortie, il continuait à tousser et à avoir des difficultés à respirer. Il est mort la même nuit.
Maintenant, je veux revenir en arrière et relire la première phrase que j’ai écrite. Un homme palestinien "est décédé". Bien que cela soit vrai, est-ce juste ? Est-ce exact ? Je ne le pense pas.
La cause officielle du décès d’Hamad reste inconnue, mais une chose est claire : il était bien vivant lorsqu’il est allé chercher ses médicaments cet après-midi-là. Quelques heures après le raid israélien, qui l’a laissé s’étouffer et suffoquer dans la clinique de l’UNRWA, il était mort.
Alors, a-t-il été tué ? Je le crois.
Le mois de janvier est terminé, et jusqu’à présent, six Palestiniens, dont Hamad, ont été tués par des Israéliens, qu’il s’agisse de forces armées ou de colons.
Les Nations unies et d’autres documents officiels ont estimé ce nombre à trois, en ne tenant compte que des personnes tuées par action "directe" (c’est-à-dire par balle) par les forces israéliennes - sans prendre en considération celles qui ont été tuées à la suite d’actions des forces israéliennes et/ou des colons.
C’est souvent le problème des rapports officiels que nous voyons publiés à la fin de chaque année et qui portent sur le "nombre de Palestiniens tués par Israël cette année". Ne comptons-nous que les victimes de l’occupation israélienne qui ont été abattues en Cisjordanie ou bombardées à Gaza ?
Qu’en est-il des personnes comme Hamad ? Qui est apparemment mort étouffé par les gaz lacrymogènes tirés par les forces israéliennes ? Il n’est pas le premier Palestinien à être tué par du gaz lacrymogène. C’est arrivé en 2014, lorsque Noha Qatamish, 40 ans, a été asphyxiée par des gaz lacrymogènes dans sa maison du camp de réfugiés d’Aïda. Et de nouveau en 2016, au poste de contrôle de Qalandiya - bien qu’Israël l’ait nié.
Qu’en est-il des Palestiniens comme Suleiman al-Hathalin, 75 ans, qui a été écrasé par un camion israélien utilisé par des civils, sous contrat avec la police israélienne, qui a commis le délit de fuite mortel lors d’un raid de la police ?
Bien qu’il ait succombé à ses graves blessures deux semaines plus tard, je ne pense pas qu’il soit exact de dire qu’il est "mort". Il a été tué à cause des actions de la police israélienne et du civil israélien qui conduisait le camion. Il devrait être compté parmi les victimes des "Palestiniens tués par les (forces) israéliennes".
Il en va de même pour le Palestinien-Américain Omar Abdulmajeed Asaad, 80 ans, qui a été retrouvé mort dans un entrepôt froid et abandonné, après avoir été ligoté et bâillonné par des soldats israéliens au milieu de la nuit.
Asaad est techniquement mort d’une crise cardiaque, mais cela suffit-il pour que nous puissions dire qu’il n’a pas été tué ? S’il n’avait pas été traîné hors de sa voiture par une froide nuit d’hiver, battu et ligoté par des soldats israéliens, il serait probablement encore en vie aujourd’hui.
C’est donc le problème que je rencontre lorsque je vois les rapports qui ne tiennent pas compte des victimes palestiniennes de l’occupation comme Hamad, al-Hathalin et Assad, lorsqu’on examine les chiffres officiels des personnes "tuées" dans les territoires occupés.
C’est le même problème auquel je suis confronté lorsque je vois des gros titres sur des Palestiniens qui "meurent" passivement, comme si ceux qui ont causé leur mort n’étaient pas des participants actifs dans cette affaire.
Et c’est le même problème auquel je suis confronté lorsque je rédige les titres de ces articles. Devrais-je, ainsi que d’autres journalistes, m’en tirer à bon compte en invoquant le fait que les personnes concernées sont bel et bien "mortes", mais qu’elles n’ont pas été tuées au sens où elles ont été abattues ou tuées par une frappe aérienne ?
Je ne pense pas que nous devrions.
Il ne suffit pas d’être "techniquement" véridique, alors que la pleine vérité est souvent sous nos yeux.
Choisir de dire que des gens comme Hamad, al-Hathalin et Asaad n’ont pas été tués est une injustice envers leur mémoire, et envers toutes les autres victimes palestiniennes qui sont "mortes" à cause de l’occupation israélienne.
Traduction : AFPS