Quelles sont la nationalité et la citoyenneté des réfugiés Palestiniens ?
L’article 5 de la charte nationale palestinienne stipule que les Palestiniens sont les ressortissants arabes qui, jusqu’en 1947, résidaient en Palestine, qu’ils aient été expulsés ou qu’ils y soient restés. Toute personne née après cette date d’un père palestinien – que ce soit en ou hors Palestine – est également palestinienne. Les Palestiniens sont les résidents habituels de la Palestine, dont deux tiers ont été déplacés. L’expression « Palestiniens déplacés » fait référence à deux groupes principaux : d’une part, les Palestiniens déplacés de leur foyer d’origine durant l’époque de la Palestine mandataire (y compris pendant la guerre de 1948-49) et leurs descendants, d’autre part, les Palestiniens déplacés qui, aujourd’hui encore, vivent dans la Palestine mandataire (Israël et les territoires palestiniens occupés de 1967).
Le retour
Dans le cas palestinien, la décision individuelle de retour dépendra de plusieurs facteurs. Ce retour se fera-t-il dans les villages ou villes d’origine des réfugiés en 1948, ou bien en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza ?
Le second facteur renvoie aux conditions d’accueil offertes par le pays d’arrivée : quelles garanties d’emploi y aura-t-il pour les réfugiés ? Ces derniers effectueront-ils leur retour s’il signifie vivre sous souveraineté israélienne et parler hébreu, et supporter l’arbitraire d’un régime autoritaire ?
On peut supposer que les Palestiniens établis en Amérique du Nord et en Europe préféreront rester dans leur pays d’accueil où ils bénéficient de droits économiques et sociaux non négligeables, plutôt que de concrétiser leur droit au retour.
Un retour en Palestine n’est pas du tout acquis et une vie dans les pays qui accueillent les réfugiés est loin d’être confortable. En fait, le statut de ces réfugiés diffère selon les pays d’accueil. Mais un caractère commun les regroupe tous qu’on peut nommer en deux mots : l’exil et la souffrance.
La décision du retour concernera donc surtout les réfugiés installés au Proche-Orient (Liban, Syrie, Jordanie) dont le statut diffère selon les pays considérés. La situation des Palestiniens en Jordanie est sans doute la plus enviable, même si elle n’est pas exempte de discriminations ou d’incertitude : ils y bénéficient de la citoyenneté et donc d’un passeport national pour circuler.
En Syrie, les Palestiniens sont bien insérés dans le tissu socio-économique des villes dans lesquelles ils résident, mais ils font face à un contrôle politique strict et depuis plus de 10 ans aux conséquences de la guerre civile, d’où le nouvel exil de Palestiniens installés en Syrie. Leur statut légal y est problématique. Mais ils sont dotés de cartes d’identité similaires à celles des citoyens syriens.
Pour les Palestiniens du Liban, où il y a 12 camps de réfugiés, c’est le non-droit. Ils ne peuvent, ni se faire naturaliser, ni surtout accéder aux systèmes publics d’éducation ou de santé et plus de 65 métiers leur sont interdits.
C’est en Irak que les réfugiés Palestiniens constituent la minorité la plus persécutée. Ils étaient favorisés sous Saddam Hussein, qui les avait accueillis et leur avait offert d’excellentes conditions d’existence, éducation et soins médicaux gratuits, un large éventail d’emplois, ainsi qu’un logement quasi gratuit dans d’anciennes habitations du centre de Bagdad. Ces largesses de Saddam Hussein ont fait de la communauté palestinienne un objet de haine, et elle subit aujourd’hui une répression féroce : expulsions des habitations, assassinats, enlèvements. Des 60 000 réfugiés qui vivaient en Irak avant l’invasion américaine, 35 000 ont fui. Depuis l’occupation, les quartiers palestiniens de Bagdad tels que Hourriyya et Al-Baladiyyat ont été bombardés et assaillis. La plupart des fugitifs sont aujourd’hui bloqués à la frontière irako-syrienne, vivant dans des camps dont les conditions humanitaires sont déplorables. Ces Palestiniens ne disposent en général d’aucun document qui prouve leur citoyenneté irakienne ni d’aucun autre qui leur permette d’entrer dans un pays arabe voisin.
Quant à l’Égypte, où il y a peu de Palestiniens par rapport aux autres pays arabes, elle ne fait pas exception. Les 48 784 Palestiniens qui y vivent disposent d’un laissez-passer mais toute sortie d’Égypte comporte le risque qu’ils ne puissent y retourner. Ils n’ont pas droit à l’enseignement public, ni au travail. Et la crise actuelle à la frontière traduit cette situation complexe.
Une catégorie de réfugiés à part
Ils se distinguent d’abord par la durée de leur exil, exceptionnellement longue. En 1948, les Palestiniens croyaient pouvoir retrouver rapidement leurs habitations d’origine. Mais l’attente s’est prolongée et les camps se sont progressivement transformés. Les tentes ont été remplacées par des petits baraquements en dur, alignés de manière géométrique.
Densément peuplés, les camps des réfugiés ont aujourd’hui l’allure de villes champignons développées de manière informelle. Les réfugiés Palestiniens se distinguent aussi par le fait qu’ils ne bénéficient d’aucun mécanisme de protection juridique à l’échelon international. C’est le droit national des différents pays d’accueil qui s’impose à eux. Surtout, ils ne sont pas pris en charge par les institutions internationales capables de gérer ce type de population, telle l’UNHCR, mais par l’UNRWA, dont l’objectif est seulement d’améliorer leurs conditions de vie en favorisant leur intégration économique dans les États d’accueil.
Quelle est la responsabilité de la société civile internationale dans la mise en œuvre d’une solution durable ?
L’un des rôles les plus importants de la société civile est de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils agissent conformément à leurs responsabilités. La société civile peut devenir un catalyseur afin que les États respectent leurs devoirs et s’acquittent de leurs responsabilités conformément au droit international.
La société civile peut également prendre part à des actions directes contre l’entreprise sioniste et faire en sorte qu’Israël respecte ses obligations légales vis-à-vis des réfugiés Palestiniens. Elle joue également un rôle crucial en manifestant sa solidarité avec le peuple palestinien. Les actions de solidarité offrent un soutien aux réfugiés du monde entier et les encouragent à poursuivre leur lutte déterminée dans la concrétisation du droit au retour.
Recommandations
La responsabilité de la communauté internationale dans la mise en œuvre d’une solution durable doit viser :
– Le rapatriement, mise en œuvre du droit au retour, droit fondamental reconnu ;
– La réinstallation dans un pays tiers ;
– L’intégration locale dans le pays d’accueil ;
– Des compensations pour la perte de leurs biens et en raison de leur vie en exil.
La communauté internationale joue un rôle important en tenant Israël pour responsable de ses violations en matière de droits humains. Les États signataires de la quatrième convention de Genève ont l’obligation légale d’enquêter et de poursuivre les auteurs israéliens de crimes de guerre sur le territoire relevant de leur juridiction. La communauté internationale est également responsable de l’application du droit international et de la mise en œuvre des résolutions, et doit répondre de l’incapacité des Nations unies et de ses agences à appliquer leurs décisions (notamment la 194).
Rania Madi
Rania Madi fut de 2006 à 2019 représentante de Badil pour le plaidoyer juridique auprès de l’ONU et de l’UE. Née à Ramallah, Titulaire d’une maîtrise en droit international (université de Genève) et en droit des droits humains (université de Strasbourg), conseillère juridique auprès du gouvernement du canton de Genève pendant 18 ans. Depuis 2019 elle travaille sur le terrain sur la question des migrations, pour les organisations onusiennes.
Elle coordonne les activités des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme pour le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Mme Madi fut consultante et représentante de Badil auprès du HCR et de l’UNRWA jusqu’à 2019. En mars 2016, elle a soumis le rapport d’enquête de Badil après la guerre de Gaza de 2014 à la Cour pénale internationale. Elle a participé à de nombreuses conférences internationales de l’ONU (conférence internationale contre le racisme en Afrique du Sud, sur les femmes à Pékin, forums sociaux mondiaux sur les migrations).
Badil (Resource Centre for Palestinian Residency and Refugee Rights) est une ONG à but non lucratif de défense des droits de l’Homme qui s’engage à défendre et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Fondée en 1998, Badil est enregistrée auprès du ministère palestinien de l’Intérieur et bénéficie d’un statut consultatif spécial auprès des Nations unies depuis 2006. Badil est unique dans son approche globale et son analyse juridique qui ne se limite pas à une période particulière ou à une localisation géographique spécifique.