Introduction
Depuis le début de la campagne militaire israélienne à Gaza en octobre 2023, Forensic Architecture recueille des données relatives aux attaques menées par l’armée israélienne contre des civils et des infrastructures civiles. Notre analyse de cette conduite révèle la destruction quasi-totale de la vie civile à Gaza. Nous avons également recueilli et analysé les ordres d’évacuation émis par l’armée israélienne pour diriger les civils palestiniens vers des zones de Gaza désignées comme "sûres". Ces ordres ont entraîné le déplacement répété et à grande échelle de la population palestinienne dans toute la bande de Gaza, souvent vers des zones qui ont ensuite été attaquées.
Les schémas que nous avons observés concernant la conduite militaire d’Israël à Gaza indiquent une campagne systématique et organisée de destruction de la vie, des conditions nécessaires à la vie et de l’infrastructure nécessaire à la vie.
Les activités de surveillance et de recherche de Forensic Architecture comprennent les éléments suivants
– Une plateforme cartographique interactive : Une cartographie du génocide
– Un rapport de 827 pages : Une analyse spatiale de la conduite de l’armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023
La plateforme et le rapport présentent une cartographie complète de la conduite militaire à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Ils déploient une analyse spatiale et des modèles pour observer les façons dont les opérations militaires d’Israël ont entraîné des dommages civils généralisés.
Pour identifier des schémas dans la conduite d’Israël, la plateforme transforme des milliers de points de données en une "carte" navigable de Gaza, à l’intérieur de laquelle il est possible de définir des régions, des périodes de temps et des catégories d’événements. Ce filtrage peut révéler des tendances au sein des ensembles de données et des relations entre différents ensembles de données (par exemple, entre l’invasion militaire terrestre et la destruction des infrastructures médicales).
Dans notre analyse, nous entendons par schémas la répétition d’incidents identiques, similaires ou liés, à des moments et dans des lieux différents. De tels schémas peuvent indiquer que ces attaques sont conçues, de manière formelle ou informelle, plutôt que de se produire au hasard.
Notre rapport analyse la conduite militaire israélienne entre le 7 octobre 2023 et le 16 septembre 2024. Il examine l’ampleur et la nature des attaques, l’étendue des dommages et le nombre de victimes, ainsi que la nature organisée des actes de violence et l’improbabilité de leur survenance au hasard.
Domaines d’analyse
Nous avons recueilli et analysé des données dans six domaines :
– Contrôle de l’espace - la configuration physique de Gaza selon un plan stratégique ;
– Déplacement - le déplacement répété et forcé de civils et une évaluation des « mesures humanitaires » d’Israël ;
– Destruction de l’agriculture et des ressources en eau - la destruction des champs, des vergers, des serres et des infrastructures agricoles et hydrauliques ;
– Destruction des infrastructures médicales - ciblage systématique des hôpitaux et du personnel soignant ;
– Destruction de l’infrastructure civile - ciblage des services publics, des routes, des écoles, y compris celles qui servent d’abris, des édifices religieux et des bâtiments gouvernementaux ;
– Ciblage de l’aide - ciblage systématique des infrastructures et du personnel nécessaires au transport et à la distribution de l’aide humanitaire et à la préparation de la nourriture.
Chaque domaine d’analyse comprend (1) des résultats quantitatifs et (2) des schémas trouvés.
Les actions militaires ayant de multiples facettes, des schémas peuvent exister d’une action à l’autre. L’effet des actions militaires sur la population civile de Gaza peut ne pas être entièrement saisi en étudiant la répétition d’un seul type d’action isolément. L’application simultanée, ou rapprochée, de différents types d’actions sur un même territoire peut générer un effet cumulatif, chaque action aggravant l’effet d’une autre.
En « superposant » plusieurs ensembles de données cartographiques, nous avons pu :
– analyser les effets cumulés de différents types d’actes ;
– déterminer si les relations entre les différents types d’actes se répètent dans le temps et l’espace ;
– déterminer si ces relations sont aléatoires ou si elles sont organisées ;
– et déterminer la relation entre les actes militaires et les caractéristiques naturelles de Gaza en superposant la cartographie de ces actes aux cartes météorologiques et aux cartes des types de sol.
Nous explorons ces interrelations dans le chapitre 8 : Analyse transversale de notre rapport.
Note : Nous utilisons le terme "génocide" dans le sens développé par Raphael Lemkin dont la réflexion sur ce terme a été déterminante pour la définition formulée dans l’article II de la Convention sur le génocide. Selon Lemkin, le génocide est un plan coordonné d’actions visant à détruire les fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d’anéantir ces groupes eux-mêmes. [Voir Raphael Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe Laws of Occupation ; Analysis of Government ; Proposals for Redress (Washington Carnegie Endowment For International Peace, Division Of International Law 1944) 79].
Contrôle spatial : Résumé des conclusions
Israël a mis en place un nouveau système de contrôle spatial à Gaza, remodelant le territoire en détruisant des terres agricoles et des bâtiments afin de créer des infrastructures pour une présence militaire permanente.
Contrôle spatial - La superficie totale détruite et déboisée pour l’établissement de la zone tampon, des routes de raid, du corridor de Netzarim et du corridor de Philadelphie est de 131,7 km², soit 36 % de la superficie de la bande de Gaza. La série de petites lignes en pointillés marque la zone tampon de 300m en vigueur avant le 7 octobre 2023. La deuxième série de lignes en pointillés, plus grande, se situe à 1km du périmètre.
Constatations quantitatives
Nous avons documenté les éléments suivants du système israélien de contrôle spatial :
– Zone tampon : Une zone d’un kilomètre de large le long du périmètre oriental de Gaza, à l’intérieur de laquelle la plupart des bâtiments et toutes les infrastructures agricoles ont été détruits.
– Couloir de Netzarim : Une route de 6,5 km avec 2 à 3,5 km de marges dégagées sur son côté sud, et 1,7 à 3,5 km sur son côté nord, coupant Gaza en deux au nord de Wadi Gaza, à l’intérieur de laquelle la plupart des bâtiments et de l’agriculture ont été détruits.
– Points de contrôle : Deux points de contrôle permanents aux intersections du corridor de Netzarim et des principales artères nord-sud (routes de Salah al-Din et al-Rashid), plus quatre points de contrôle temporaires à travers la bande de Gaza.
– Itinéraires de raid : Treize routes reliant les bases militaires israéliennes à Gaza. La construction de ces routes a souvent entraîné la destruction de la plupart des bâtiments et des terres agricoles qui se trouvaient sur leur passage.
– Corridor de Philadelphie : Bande élargie allant d’est en ouest le long de la frontière méridionale de Gaza avec l’Égypte.
Nous avons documenté la destruction et le défrichage de terres pour la mise en place des éléments ci-dessus :
– Total des terres déblayées : 131,7 km2 (36 % de Gaza). La zone tampon, les « corridors » et les itinéraires de raid se chevauchent partiellement.
– Zone tampon : 55 km2 (15% de Gaza).
– Corridor de Netzarim : 35 km² (9,6 % de Gaza).
– Itinéraires de raid : 62 km².
– Corridor de Philadelphie : 10,8 km².
Constatations
La campagne militaire israélienne a impliqué le remodelage de l’environnement cultivé et bâti par des actes de destruction et de construction. Notre analyse a montré que ces actes de destruction et de construction n’étaient pas le fruit du hasard, mais qu’ils suivaient une logique spatiale cohérente et claire :
– Destruction agricole : Toutes les terres agricoles situées dans ces zones ont été détruites. La construction de nouveaux éléments d’infrastructure a probablement contaminé le sol et empêché toute utilisation future.
– Création de « zones » : Le corridor de Netzarim divise Gaza en deux zones : une zone "nord" évacué par les civils et une "sud" qui comprend des "zones de destination" désignées.
– Le corridor de Netzarim et les points de contrôle facilitent les déplacements :
Les déplacements entre les zones sont limités et contrôlés par des points de contrôle.
Les points de contrôle autorisent exclusivement les mouvements de civils vers le sud.
– Treize itinéraires de raid mènent du périmètre à l’intérieur de Gaza.
Ces routes ont facilité les incursions militaires répétées.
L’ampleur du travail investi dans leur construction suggère qu’elles pourraient avoir une présence à long terme.
Déplacements : Résumé des conclusions
Israël a utilisé les "mesures de protection" à des fins militaires en se servant des ordres d’évacuation pour déplacer à plusieurs reprises des civils vers des zones qui ont ensuite été attaquées.
Résultats quantitatifs
Les zones de destination (zones vers lesquelles l’armée israélienne a ordonné aux civils de se déplacer, y compris la "zone humanitaire" désignée par Israël) ont diminué de manière significative entre octobre 2023 et août 2024, passant de 228,2 km² (62,5 % de Gaza) à 47,4 km² (13 % de Gaza).
– Le 13 octobre 2023, cette zone comprenait tout Gaza au sud de Wadi Gaza et couvrait 228,2 km² (62,5 %) du territoire total de Gaza.
– Le 7 janvier 2024, elle inclut Rafah, Deir al-Balah et la "zone humanitaire" d’al-Mawasi, couvrant 80,7 km² (22,1 %) de Gaza.
– Le 6 mai 2024, elle s’est rétrécie pour n’inclure que la « zone humanitaire élargie » nouvellement établie, couvrant 60,9 km² (16,6 %) de Gaza.
– Le 16 août 2024, la « zone humanitaire » s’est rétrécie. Elle couvre 37,9 km² (10,4 %) de Gaza.
– Le 30 août 2024, trois blocs ont été réintégrés dans la « zone humanitaire élargie », étendant son étendue à 47,4 km² (13 %) de Gaza.
– Les limites de la "zone humanitaire" établie à partir du 18 octobre 2023 ont changé 9 fois jusqu’au 30 août 2024.
Entre le 7 octobre 2023 et le 31 août 2024, 84 % de la superficie totale de Gaza a fait l’objet d’ordres d’évacuation.
– Le premier ordre d’évacuation du 13 octobre couvrait 37 % de la bande de Gaza.
– Entre le 1er décembre 2023 et le 31 août 2024, 72 % de la superficie totale de Gaza a fait l’objet d’un ordre d’évacuation.
– Après décembre 2023, 72 % de la bande de Gaza a reçu au moins un ordre d’évacuation.
– En mai 2024, seuls 6,9 % du territoire de Gaza, à l’exclusion de la « zone humanitaire », n’avaient pas reçu d’ordre d’évacuation.
– 66 ordres d’évacuation ont été émis entre le 7 octobre 2023 et le 31 août 2023. La plupart des ordres concernent plusieurs blocs à la fois.
– 346 écoles ont été utilisées comme abris, dont 70 % ont été attaquées par la suite (données de l’ONU).
Constatations
L’armée israélienne a continuellement attaqué toutes les zones de Gaza : les zones de destination (y compris la "zone humanitaire") ; les "itinéraires sûrs" désignés par Israël ; les zones non définies (y compris les abris civils) ; les civils à l’intérieur des zones d’évacuation.
L’utilisation par l’armée israélienne des ordres d’évacuation a mis les civils en danger en :
– diffusant des informations incohérentes et incomplètes sur la « zone humanitaire ».
– émettant des ordres d’évacuation peu clairs et incohérents.
– demandant aux civils d’évacuer vers des zones qui ont été attaquées peu de temps après.
– donnant des ordres d’évacuation alors que les opérations militaires ont déjà commencé dans la zone en question.
– donnant une série d’ordres d’évacuation qui déplacent les civils à plusieurs reprises.
– donnant des instructions aux civils pour qu’ils se déplacent vers des zones qui ont récemment reçu des ordres d’évacuation.
– ne précisant pas la durée ou l’expiration des ordres d’évacuation.
– déplaçant les civils vers des zones de destination qui ont été précédemment ciblées et détruites.
L’armée israélienne a assiégé les civils déplacés et les a dirigés vers des points de contrôle où ils ont été surveillés.
L’armée israélienne a utilisé des "mesures de protection" pour déplacer les Palestiniens :
– Tout d’abord, les civils ont été dirigés du nord vers le sud de Gaza.
– Ensuite, les civils ont été dirigés de l’est vers l’ouest de Gaza.
Destruction de l’agriculture et des ressources en eau : Résumé des conclusions
L’armée israélienne a détruit l’agriculture et les ressources en eau dans toute la bande de Gaza, d’une manière cumulative, répétitive et avec des effets à long terme.
Résultats quantitatifs
Entre le 7 octobre 2023 et le 30 juin 2024 :
Environ 83 % de toute la vie végétale de Gaza a été détruite.
Environ 70 % des terres agricoles de Gaza, soit 104 km² (sur 150 km²) de champs et de vergers, ont été détruites.
Plus de 3 700 structures de serres à Gaza, soit 45 % du total, ont été détruites.
Plus de 47 % des puits d’eau souterraine et 65 % des réservoirs d’eau ont été détruits ou endommagés. L’état de 29 % des puits est inconnu.
Aucune des installations de traitement des eaux usées de Gaza n’est restée intacte ou fonctionnelle.
Constatations générales
L’armée israélienne a détruit à plusieurs reprises l’agriculture et les ressources en eau dans la bande de Gaza.
L’analyse mois par mois de cette période montre une corrélation entre la destruction des terres et des infrastructures agricoles et la position de l’armée israélienne sur le terrain.
La destruction des terres agricoles et des infrastructures a été cumulative et répétée.
La conduite de l’armée israélienne a probablement causé la contamination des terres et des ressources en eau de Gaza.
Destruction des infrastructures médicales : Résumé des conclusions
Israël a pris pour cible à plusieurs reprises des hôpitaux et d’autres infrastructures médicales, ce qui laisse penser qu’il avait l’intention de détruire le système médical de Gaza.
Résultats quantitatifs
Entre le 7 octobre 2023 et le 1er août 2024 :
– Hôpitaux hors service : 35 sur 36 au moins une fois.
– Directement ciblés : 31 hôpitaux sur 36.
– Assiégés : 11 hôpitaux, dont 5 assiégés deux fois.
– Envahis : 10 hôpitaux, dont 4 envahis deux fois.
– Hôpitaux de campagne : 4 ont été évacués et mis hors service.
– 1 hôpital (Patient’s Friends Society Hospital) a été attaqué et mis hors service deux fois, après avoir été reconstruit et avoir repris ses activités.
– 27 hôpitaux se trouvent dans des zones ayant reçu un ordre d’évacuation.
Constatations
Le ciblage des hôpitaux par l’armée israélienne suit un schéma cohérent et discernable de cinq phases typiquement consécutives :
– Ordres d’évacuation (27 hôpitaux),
– Attaques des zones environnantes (29 hôpitaux),
– Attaques directes (31 hôpitaux),
– Siège (11 hôpitaux),
– Invasion (10 hôpitaux).
Les attaques de l’armée israélienne contre les hôpitaux sont en corrélation avec l’avancée et la présence des forces terrestres israéliennes.
– Les premiers hôpitaux de Gaza mis hors service par les attaques israéliennes se trouvaient dans les zones où l’invasion terrestre a progressé en premier ;
– La position des forces terrestres israéliennes est en corrélation avec l’endroit où les hôpitaux ont ensuite été mis hors service ;
– Lorsque les grands hôpitaux ont été attaqués par les forces terrestres israéliennes, les petits hôpitaux situés dans la zone environnante ont également été attaqués et mis hors service.
Les sites d’infrastructures médicales où les services de santé ont été rétablis ou nouvellement introduits ont ensuite été pris pour cible par l’armée israélienne.
Le moment où l’armée israélienne a attaqué les hôpitaux correspond à la présence de civils déplacés dans ces hôpitaux.
L’armée israélienne a pris pour cible le personnel et les installations médicales de manière à endommager le système médical de Gaza.
– Les travailleurs de la santé ont été des cibles directes de l’armée israélienne, et non des victimes indirectes des attaques contre les hôpitaux ;
– L’armée israélienne a détruit et occupé des hôpitaux même après qu’ils aient été mis hors service et évacués ;
– Le ciblage des hôpitaux par l’armée israélienne a causé des dommages aux services de maternité de Gaza.
Destruction des infrastructures civiles : Résumé des conclusions
Les attaques d’Israël contre les infrastructures civiles suggèrent un effort pour détruire la capacité de maintenir la vie civile et perturber l’accès des civils aux infrastructures critiques.
Résultats quantitatifs (7 octobre 2023 - 6 juillet 2024)
Établissements de santé : 57% attaqués ; 45 endommagés, 18 détruits (sur 110).
Abris : 71% attaqués ; 219 endommagés, 31 détruits (sur 353).
Services publics : 53% attaqués ; 166 endommagés, 152 détruits (sur 605).
Écoles : 75% attaquées ; 334 endommagées, 91 détruites (sur 564).
Installations universitaires : 81 % des attaques ; 18 endommagés, 18 détruits (sur 44).
Bâtiments gouvernementaux : 82% d’attaques ; 17 endommagés, 20 détruits (sur 45).
Institutions religieuses : 80% attaquées ; 143 endommagées, 130 détruites (sur 341).
Sites culturels : 91% attaqués ; 10 endommagés, 30 détruits (sur 44).
Routes : 47,3 % endommagées dans le nord de Gaza (7 octobre - 7 novembre) ; 33,7 % dans le sud de Gaza (7 octobre - 7 janvier).
Entre le 5 mai et le 6 juillet 2024 :
– 10 308 structures endommagées, soit plus du double du nombre de structures détruites au cours des deux mois précédents.
– 9 524 structures détruites, soit trois fois plus que le nombre de structures endommagées au cours des deux mois précédents.
Résultats des modèles
7-28 octobre 2023 (campagne de bombardements aériens)
Moment choisi : Les frappes sont en corrélation avec le moment où l’on s’attend à ce qu’une plus grande densité de civils soit présente ; les zones résidentielles ont été frappées davantage la nuit, les espaces commerciaux pendant les heures d’ouverture.
Répartition : Les attaques israéliennes au sud de Wadi Gaza ont augmenté après qu’Israël a ordonné aux civils du nord d’évacuer vers le sud.
7 octobre 2023 - 6 juillet 2024 (campagne militaire plus large)
Les infrastructures publiques sont détruites même après avoir été endommagées et alors qu’il est peu probable qu’elles soient occupées.
Les zones situées à proximité d’infrastructures essentielles ont été ciblées :
– Nous avons observé des dégâts répétés sur les routes de service entourant immédiatement les infrastructures critiques.
– Nous avons observé des destructions répétées de bâtiments dans le même voisinage, entraînant une accumulation de débris sur les routes entourant les infrastructures critiques.
Les perturbations répétées des réseaux routiers ont isolé les civils de deux manières :
– Il était plus difficile pour les civils de quitter les zones dans lesquelles les infrastructures avaient été détruites.
– Il était plus difficile pour les civils de quitter les zones dans lesquelles les infrastructures avaient été détruites et il était plus difficile pour l’aide d’atteindre les civils dans ces zones déconnectées du réseau routier.
Ciblage de l’aide : Résumé des conclusions
Israël a pris pour cible les sites et les systèmes d’acheminement et de distribution de l’aide humanitaire au moment et à l’endroit où ils sont devenus le principal mode de facilitation de l’aide.
Résultats quantitatifs
Nombre total d’incidents visant l’aide : 322
Attaques par catégorie : 17 contre des boulangeries, 73 contre des abris, 60 contre du personnel humanitaire, 50 contre des civils cherchant de l’aide, 78 contre des sites d’infrastructure d’aide tels que des entrepôts et des installations de traitement de l’eau, 22 contre des convois d’aide, 6 contre des convois d’aide par des groupes d’autodéfense israéliens en route à travers Israël ou la Cisjordanie, 16 contre des marchés.
Au moins 17 des attaques contre le personnel, les convois et les infrastructures d’aide visaient des sites impliqués dans des opérations qui avaient été officiellement coordonnées avec Israël et reconnues comme des "sites non conflictuels".
Ciblage de l’UNRWA : 39 attaques contre le personnel et les biens de l’UNRWA ; 195 membres du personnel de l’UNRWA tués (177 membres du personnel, 18 autres travailleurs humanitaires), 40 détenus par l’armée israélienne.
Constatations générales
Nous avons observé que le ciblage de l’aide par l’armée israélienne suivait un schéma de phases qui se chevauchaient, au cours desquelles les attaques contre les catégories d’aide spécifiées s’intensifiaient
– Octobre-novembre 2023 : Les boulangeries du nord de Gaza ont été prises pour cible alors qu’elles jouaient un rôle essentiel dans la distribution de l’aide. À la mi-novembre, il ne restait plus aucune boulangerie officielle en activité dans la ville de Gaza.
– Octobre 2023-janvier 2024 : Les abris ont été pris pour cible alors qu’ils jouaient un rôle central dans l’hébergement des personnes déplacées par les attaques israéliennes et qu’ils facilitaient la réception et la préparation de l’aide alimentaire.
– Décembre 2023-février 2024 : Des policiers palestiniens (personnel humanitaire) ont été pris pour cible alors qu’ils jouaient un rôle essentiel dans l’escorte des convois d’aide.
– Janvier-mars 2024 : Les civils se rassemblant pour obtenir de l’aide près des points de contrôle du corridor de Netzarim sont pris pour cible à plusieurs reprises.
– Mars 2024 : Les administrateurs d’organisations et de groupes chargés de faciliter l’acheminement et la distribution de l’aide (personnel humanitaire) ont été pris pour cible lorsqu’ils ont commencé à jouer un rôle de premier plan dans l’organisation de l’aide. Les attaques contre ce personnel et ces organisations ont été suffisamment importantes pour éliminer leurs principaux administrateurs ou les contraindre à cesser leurs activités.
– Octobre 2023, décembre 2023, mai 2024 : Les sites de distribution et de stockage de l’aide, y compris les entrepôts et les marchés, ont été pris pour cible lorsqu’ils fonctionnaient activement pour approvisionner les civils en nourriture, avec des attaques sévères sur le point de passage de Rafah, le point de passage de Karem Abu Salem/Kerem Shalom, et les marchés pendant les périodes d’augmentation de l’entrée de l’aide.
– Mai 2024 : des groupes d’autodéfense israéliens attaquent des convois d’aide traversant Israël et la Cisjordanie occupée, sous la surveillance et parfois avec le soutien direct de militaires israéliens.
L’augmentation des flux d’aide vers Gaza (fin décembre 2023 ; fin mars, avril et mai 2024) a coïncidé avec une augmentation du ciblage par Israël des systèmes de distribution de l’aide à Gaza, y compris la logistique, le personnel et les infrastructures nécessaires.
Le ciblage de l’aide s’est produit en même temps que les ordres d’évacuation de l’armée israélienne et coïncide avec ses tentatives de forcer les civils palestiniens à se déplacer du nord de la bande de Gaza.
La construction de la nouvelle frontière intérieure dans le corridor de Netzarim et les points de contrôle qui s’y trouvent et qui soutiennent le mouvement à sens unique (du nord au sud) des civils ont coïncidé avec la restriction de l’aide en tant que moyen de déplacement.
Le rapport, intitulé « A Spatial Analysis of the Israeli Military’s Conduct in Gaza since October 2023 » (Analyse spatiale de la conduite de l’armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023), est issu des recherches continues de Forensic Architecture sur la conduite de l’armée israélienne à Gaza et a été fourni à l’équipe juridique représentant l’Afrique du Sud dans l’affaire de l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), après avoir été contacté par l’équipe juridique représentant l’Afrique du Sud pour fournir des recherches et des rapports indépendants dans le cadre de leur soumission en cours dans cette affaire. Forensic Architecture a été rémunéré par le gouvernement sud-africain pour la fourniture de ce rapport.
Traduction : AFPS