Depuis l’offensive de l’État islamique dans le camp de Yarmouk, près de Damas, des activistes vivent cachés dans des appartements dans l’espoir d’échapper aux rafles de l’EI. L’un d’entre eux nous explique que s’il est repéré par les jihadistes, sa mort est assurée.
Depuis le 4 avril, les combattants de l’organisation de l’État islamique, alliés à la branche syrienne d’Al-Qaïda le Front Al-Nosra, contrôlent la quasi-totalité de Yarmouk, un camp de réfugié palestinien situé près de Damas. À l’intérieur du camp, les affrontements se poursuivent toutefois entre l’EI et les factions palestiniennes "Aknaf Beit Al-Maqdis", proches du mouvement islamiste Hamas, qui contrôlaient auparavant la zone. Le camp est également régulièrement bombardé par les forces gouvernementales. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), dans la seule nuit du 4 au 5 avril, l’aviation syrienne a largué 13 bombes sur Yarmouk. Les habitants du camp sont donc actuellement coincés entre les feux de ces trois forces qui se livrent un combat sans merci. Les activistes locaux, opposés à la fois au régime et à l’EI, sont tout particulièrement menacés. Ils vivent cloîtrés dans la terreur d’être capturés par les jihadistes ou par les soldats de Bachar al-Assad.
Scènes de destruction dans le camp de Yarmouk.
"Nous avons le choix entre mourir entre les mains du régime, ou entre celles de l’EI"
Jihad, habitant et activiste à Yarmouk, nous raconte.
"Je fais partie d’un groupe d’activistes qui travaille dans le domaine des médias. Nous documentons avec mon groupe les violations des droits de l’Homme que subissent les habitants du camp, assiégé par le régime depuis trois ans."
"Depuis le début de l’offensive de l’EI ici, nous n’avons pas pu mettre un pied dehors. Nous savons qu’ils nous recherchent. Il font des patrouilles dans les rues, qui surveillent et contrôlent les gens. Ce sont des hommes masqués recrutés à l’intérieur du camp qui travaillent pour les services de renseignement de l’EI et du Front Al-Nosra. Ils passent au peigne fin chaque immeuble. Ils fouillent les appartements. Ils arrêtent les gens.
Ce n’est pas nouveau. Cela fait deux mois qu’ils travaillent à réunir des informations. Ils ont identifié les activistes et les combattants. À Yarmouk, tout le monde se connaît. Certains de mes amis d’enfance travaillent maintenant pour l’EI ou le Front Al-Nosra. Ils savent ce que je pense. Ils savent que je m’oppose à eux. Je suis sur leur liste."
"Le camp est devenu très dangereux pour ceux qui comme moi travaillent pour des médias alternatifs et prennent le risque de dénoncer la situation.
Nous sommes coincés dans un appartement. Il nous reste très peu de vivres. À Yarmouk, depuis le début de l’offensive, l’aide alimentaire et médicale ne rentre plus. Elle avait déjà bien du mal à arriver avant. Là, les habitants n’ont plus d’eau. Ils vont puiser de l’eau dans les puits au milieu des affrontements et des barils d’explosifs que largue l’aviation du régime. J’assiste à ce triste spectacle depuis la fenêtre de l’appartement où vingt autres activistes et moi sommes retranchés."
"Ils ont déjà décapité plusieurs habitants de Yarmouk"
"Je ne sais pas ce que nous allons devenir. Nous n’avons pas la possibilité de quitter le camp. Si nous empruntions les points de passage contrôlés par le régime, au nord du camp, nous serions arrêtés et torturés. Ils ont documenté toutes nos activités. Nous n’aurions aucune chance. Et nous ne pouvons passer par les points de passage au Sud car ils sont tenus par l’EI. Ils ont déjà décapité plusieurs habitants de Yarmouk, notamment deux jeunes soldats qui les combattaient et un civil. Ils ont réussi à semer la terreur ici."
"Je crains bien qu’aujourd’hui nous n’ayons le choix qu’entre la mort et la mort. La mort entre les mains du régime, la mort entre celles de l’EI, ou encore mourir de faim ou de soif."