20 novembre 2022
Lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27), qui s’est tenue à Sharm El Sheikh, en Égypte, entre le 6 et le 18 novembre, la délégation israélienne a promu le rôle de "leader" mondial et régional du pays dans la lutte contre le changement climatique, en particulier par la promotion des Accords d’Abraham, comme voie majeure vers la justice climatique. Par exemple, lors d’un événement israélien organisé par le ministère de l’énergie à la COP27, intitulé "Coopération mondiale et régionale vers un niveau net zéro en 2050", Yael Ravia-Zadok, du ministère israélien des affaires étrangères, a souligné comment "l’horizon s’est élargi" dans la coopération régionale suite aux Accords d’Abraham ; donnant à la région une "belle opportunité" de collaborer pour faire face au changement climatique et "renforcer la stabilité régionale."
En réalité, les Accords d’Abraham ne sont pas seulement une acceptation et un soutien honteux et dangereux du régime israélien de colonisation et d’apartheid, mais ils violent également le principe de responsabilité juridique des États tiers en vertu du droit international de ne pas reconnaître la situation illégale découlant de la violation par Israël des normes impératives du droit international. Ils violent également leurs obligations légales de ne pas apporter une assistance à la situation illégale et de prendre des mesures efficaces pour y mettre fin.
Les Accords d’Abraham et tout autre accord avec Israël qui ne prendraient pas en compte ces responsabilités des États tiers aideraient et encourageraient Israël à maintenir son régime colonial et d’apartheid ainsi que les impacts et les violations des droits de l’Homme qui en découlent pour le peuple palestinien, y compris l’aggravation de la vulnérabilité climatique des Palestiniens.
Lors du segment de haut niveau de la COP27, le 7 novembre 2020, le président israélien a fait la lumière sur l’intention d’Israël d’être "le fer de lance du développement... d’un Moyen-Orient renouvelable, un écosystème régional de paix durable." Parmi les nombreux discours et interventions des officiels israéliens lors de la COP27, on peut citer quelques exemples de promotion de ce discours et de cette stratégie de greenwashing du "Moyen-Orient renouvelable" :
1. l’Interconnecteur EuroAsia
L’Interconnecteur EuroAsia est un projet d’infrastructure européen de premier plan qui vise à connecter les réseaux électriques nationaux d’Israël, de Chypre, de la Grèce et de l’Europe au sens large, permettant à chaque partie d’être soit un exportateur, soit un importateur d’électricité. La construction des réseaux électriques a commencé en octobre 2022 et devrait s’achever à la fin de l’année 2026, ce qui en fera "l’interconnexion électrique sous-marine la plus profonde et la plus longue du monde."
Lors d’un événement israélien à la COP27, le directeur général du ministère de l’énergie a donné l’Interconnecteur EuroAsia comme exemple de ce qu’il appelle la "diplomatie énergétique." M. Schillat a poursuivi son intervention en expliquant comment Israël allait devenir le "backup" de l’Europe en matière d’électricité.
En réalité, le réseau électrique national d’Israël, qui sera relié au réseau européen par l’Interconnecteur EuroAsia, comprend - de manière indissociable et à dessein - les colonies illégales d’Israël dans le territoire palestinien occupé (TPO). En outre, le réseau électrique reçoit de l’électricité provenant des champs de panneaux solaires des colonies illégales. Sous couvert de coopération pour faire face à la crise climatique, la mise en œuvre de ce projet contribuerait en fait à renforcer les violations graves des Quatrièmes Conventions de Genève, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et la violation des normes impératives du droit international coutumier contre le peuple palestinien.
2. le Forum du gaz de la Méditerranée orientale
Lors d’un événement organisé dans le cadre de la COP27, Yael Ravia-Zadok, du ministère israélien des affaires étrangères, a souligné que la "coopération régionale" avait déjà commencé avant les accords d’Abraham et a vanté les mérites du Forum du gaz de la Méditerranée orientale, une organisation internationale visant à "encourager la coopération entre [Chypre, l’Égypte, la France, la Grèce, Israël, l’Italie, la Jordanie et la Palestine] pour gérer l’utilisation durable, efficace et respectueuse de l’environnement des ressources en gaz naturel."
En réalité, le Forum est un écran de fumée politique qui permet à Israël de mettre en oeuvre l’exploitation et le pillage des ressources gazières palestiniennes. En particulier, Israël et les entreprises ont exploité illégalement les ressources gazières contiguës de la Palestine dans la bande de Gaza, renforçant ainsi le blocus de la bande de Gaza et accentuant le refus au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles. Al-Haq prévient que la présence de l’Autorité palestinienne à la table du Forum du gaz de la Méditerranée orientale ne constitue pas un consentement à l’exploitation des ressources gazières palestiniennes par Israël, dont la propriété appartient à la population palestinienne occupée.
3. accord gaz contre eau
Un autre exemple de "coopération régionale" qui, selon le président israélien, est un "partenariat créatif gagnant-gagnant qui contribuera à la stabilité de toute la région" est l’"accord Gaz contre eau", un accord signé le 8 novembre 2022 à la COP27 entre Israël, la Jordanie et les EAU. L’accord stipule que la Jordanie fournira de l’électricité verte à Israël et qu’Israël fournira en retour de l’eau dessalée à la Jordanie, au nom de l’atténuation du changement climatique.
En fait, la capacité d’Israël à fournir de l’eau dessalée à la Jordanie dépend des pratiques et politiques israéliennes d’appropriation des ressources en eau, qui ont commencé avec l’intégration du système hydraulique palestinien dans le système israélien, au début de l’occupation en 1967. L’appropriation s’est poursuivie par un zonage et une planification discriminatoires, la surexploitation par les entreprises, la limitation de l’accès à l’eau, les dommages de surexploitation et environnementaux, le contrôle de l’approvisionnement en eau, la démolition des infrastructures hydrauliques et la revente des ressources en eau aux Palestiniens, ce qui équivaut aux crimes d’appropriation et de pillage. Plus spécifiquement, Israël contrôle et s’approprie 87% de l’eau palestinienne [1].
Significativement, cet accord est en train d’être signé contre la volonté du peuple jordanien, qui compte parmi ses citoyens des millions de réfugiés palestiniens, auxquels Israël refuse le droit au retour. Le peuple jordanien rejette l’accord, notamment au travers de manifestations régulières depuis que le contenu de l’accord a été rendu public en novembre 2021.
4. Collaboration entre Mekorot et le Royaume de Bahreïn
En mars 2021, Mekorot, la compagnie nationale israélienne de l’eau, et Bahreïn ont signé un accord, qui stipule que Mekorot fournirait "des services de conseil, de planification et de soutien dans un certain nombre de domaines, notamment le dessalement de l’eau de mer et de l’eau saumâtre, ainsi que la gestion des ressources en eau et leur approvisionnement à la population du Royaume de Bahreïn." Lors d’un événement à la COP27, Yael Ravia-Zadok Yael Ravia-Zadok du ministère israélien des affaires étrangères a souligné que cet accord favorisait la sécurité hydrique pour faire face à la crise climatique.
En réalité, Mekorot est complice de l’appropriation et du pillage de l’eau palestinienne par Israël [2]. Depuis 1982, la propriété des systèmes d’approvisionnement en eau dans le Territoire palestinien occupé a été transférée à Mekorot, obligeant les Palestiniens à dépendre de Mekorot pour satisfaire leurs besoins en eau. Mekorot extrait et s’approprie une quantité d’eau du territoire palestinien occupé en violation de la règle d’usufruit du droit humanitaire international, ce qui peut constituer un crime de guerre de pillage [3]. De plus, le forage de puits illégaux par Mekorot sert les colonies israéliennes illégales, tout en limitant l’approvisionnement en eau des communautés palestiniennes, ce qui implique des violations graves de la Quatrième Convention de Genève [4].
Conclusion
Après un siècle de régime colonial de peuplement, sept décennies de régime d’apartheid, cinq décennies d’occupation militaire et de violations systématiques et quotidiennes des droits de l’Homme et des crime internationaux contre le peuple palestinien, Israël continue de bénéficier de l’impunité à propos de cette réalité à laquelle il soumet le peuple palestinien. L’un des principaux facteurs contribuant à l’impunité d’Israël est le manque de volonté de la communauté internationale de reconnaître la situation en Palestine, d’imposer l’obligation de rendre des comptes ou de mettre en œuvre des contre-mesures collectives à l’encontre d’Israël, notamment par le biais de sanctions, conformément à leurs obligations légales.
Les États qui continuent de coopérer avec Israël au nom de la promotion de la stabilité, de la paix et de la justice climatique, sans placer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination comme une condition préalable à de tels accords, aident et encouragent Israël à poursuivre ses violations des droits humains du peuple palestinien et à commettre des crimes internationaux. Une telle coopération renforce également l’ensemble du régime israélien de colonialisme de peuplement, d’apartheid et d’occupation imposé au peuple palestinien. Il est plus que temps pour les membres de la communauté internationale de se conformer à leur responsabilité d’État tiers en vertu du droit international et à leurs engagements envers les principes universels des droits de l’Homme.
Traduction : AFPS