PLP : Vous étiez à Bil’in. Où se situe ce village ?
A et M : Il s’agit d’un village
d’environ 2.000 habitants situé à l’ouest
de Ramallah. Le tracé du Mur actuellement
en construction est tel que le village
va perdre plus de la moitié de ses
terres. La construction prévue d’infrastructures
agricoles, en particulier pour
des jeunes paysans, n’est désormais
plus possible, ce qui oblige ceux-ci à se
faire héberger dans le village voisin de
Kfer’Lima. On voit bien le sens de cette
politique qui vise à pousser les villageois
à un exode vers un village plus à l’est.
PLP : Comment réagissent les villageois face à cette situation ?
A. et M. : Tous entendent s’arc-bouter
à leurs terres. Ils se sont organisés dans
un comité de village appelé « comité
populaire contre le Mur ». Celui-ci anime
depuis plusieurs mois des actions et des
manifestations non violentes. Chaque
manifestation est préparée collectivement
et travaille énormément sur le visuel
et le symbole, notamment pour les médias
qui commencent à venir.
- © Sarita Ahooja. CMAQ
PLP : Comment situez-vous l’enjeu de Bil’in ?
A. et M. : L’action de Bil’in est une
jonction entre résistance des palestiniens
et anti-colonialistes israéliens de
Gush Shalom, Taayoush, la Coalition
des femmes pour la paix, le Comité
contre la destruction des maison (ICADH),
Anarchistes contre le Mur et autres qui
voient venir des jeunes qui n’étaient
jamais venus, à tel point que le porte
parole des Israéliens, Jonathan Pollack,
relève qu’« au lieu de les séparer, le Mur
est en train de rapprocher Israéliens et
Palestiniens ». Bien sûr s’y ajoutent des
internationaux, en particulier ISM, la
CCIPPP, l’AFPS et lesFemmes en noir.
L’objectif est de médiatiser la lutte contre
le Mur pour que se développe une
conscience de ce qu’il se passe et de ce
qu’il se fait. Il s’agit de tenter d’empêcher
cette construction, même si le rapport
de forces ne le permet pas encore.
Il faut en faire un point de fixation tellement
visible et significatif de ce scandale
qu’il interpelle l’opinion publique internationale et israélienne en particulier.
D’ailleurs Haaretz a parlé de ces
manifestations. La presse internationale,
en particulier CNN, semble s’y intéresser
de plus en plus parce qu’il y a une solidarité
triangulaire (Palestiniens, anti-colonialistes
israéliens, militants internationaux)
qui se joue, face d’abord aux garde-frontières
israéliens, et maintenant à l’armée.
Les garde-frontières israéliens ont perdu
un procès pour avoir menti en accusant
de violence le responsable du comité de
village. Maintenant, depuis le 12 août,
l’armée est là et se donne pour but d’arrêter
l’organisation de ces manifestations.
- © Sarita Ahooja. CMAQ
En deux étapes :
le vendredi 2 septembre, il y a eu intervention
de l’armée dès avant le départ de
la manifestation dans le village et l’un
des militaires a dit aux responsables
palestiniens : « On ne veut plus que vous
manifestiez avec des Israéliens et des
internationaux ». Ce à quoi ce responsable
a répondu : « Nous continuerons
à manifester, même dans nos maisons
s’il le faut ».
le vendredi 9 septembre, très tôt le
matin, l’armée a investi le village pour
empêcher l’entrée des médias, des Israéliens
et des internationaux et pour envahir
la maison où se trouvaient des internationaux.
Un message a été envoyé
aux Israéliens qui se sont débrouillés,
en passant par une colonie, pour venir
à 300. Parmi eux, Uri Avnery et un député
de la Knesset.
PLP : Quelle est la situation aujourd’hui ?
A. et M. : Il nous semble très important
de soutenir cette mobilisation qui
met ensemble Palestiniens, Israéliens
et internationaux contre le Mur et de ne
pas céder à l’armée. Ayant été là-bas et
conscients de cet enjeu, nous avons
lancé une pétition à la Fête de l’Humanité
pour populariser cette lutte et rendre
impossible la manoeuvre de Sharon. Il
nous semble inconcevable qu’on puisse
laisser étouffer une telle unité exemplaire
de lutte anti-coloniale que l’on empêche
de manifester pacifiquement. Il nous
semble inconcevable que l’ensemble de
ceux et celles qui veulent une paix juste
et luttent contre le Mur ne réagissent pas
avec les plus grandes énergie et rapidité.
Il faut donc répondre à l’appel lancé
par l’ensemble des associations palestiniennes
en juillet pour les sanctions
« BDS » : boycott, désinvestissement,
sanctions.
Propos recueillis par Bernard Ravenel