Deux gros points noirs stationnent au-dessus de Beit Hanoun. Reconnaissables au vrombissement de leur rotor, les hélicoptères d’attaque israéliens surveillent le moindre mouvement dans les rues de cette ville de 30 000 habitants, située au nord de la bande de Gaza. Depuis mercredi 1er novembre, l’endroit est coupé du reste du territoire palestinien après le déploiement d’une cinquantaine de chars israéliens dans les vergers alentours et sur les routes d’accès à la cité.
- Beit Hannoun, bouclée, 3 11 2006
Une chape de silence s’est abattue sur la masse compacte des habitations du centre-ville au-dessus desquelles plane un panache de fumée grise. Le brouillage des lignes téléphoniques et le couvre-feu imposés par l’armée israélienne rendent ce blocus quasiment impénétrable. [1]
Beit Hanoun est à feu et à sang . Les massacres s’y poursuivent alors que les résidents lancent des appels de secours au Croissant-Rouge pour sauver les enfants, les malades et les femmes et transporter les blessés prisonniers de leurs maisons. L’armée israélienne continue d’occuper et de boucler entièrement Beit Hanoun dans le cadre de cette opération baptisée "Nuages d’automne" [2] .
Le bilan tragique de cette opération s’élève pour l’instant à 25 morts et plus d’une centaine de blessés.
Les membres de la résistance qui s’étaient réfugiés dans la mosquée Al Nasser de Beit Hanoun ont réussi à s’en évader. Ces hommes s’étaient cachés là après que l’armée eut ordonné à tous les hommes âgés de 15 à 50 ans de se rassembler dans la cour du collège agricole au nord de la ville. Un porte-parole de l’armée a confirmé le rassemblement de tous les hommes de 15 à 50 ans de Beit Hanoun afin de les interroger.
L’armée a assiégé la mosquée et menacé de la faire exploser si les hommes ne se rendaient pas. Forces spéciales chars et bulldozers ont été dépêchés sur place et des tirs ont été échangés durant la nuit. Un bulldozer a détruit jeudi matin un mur de la mosquée. Le plafond s’est effondré, causant plusieurs blessés. Seul le minaret a tenu.
Un groupe de femmes a manifesté près de la mosquée pour que l’armée laisse partir la centaine d’hommes qui s’y étaient réfugiés. Elles ont donné des vêtements aux hommes qui ont pu s’enfuir en se déguisant en femmes. Durant la manifestation, deux femmes ont été abattues et 18 autres blessées.
La mosquée était assiégée et les bulldozers l’avaient partiellement détruite avant que les femmes n’interviennent sous des tirs ininterrompus pour aider les hommes. Raja’ Jabr Abou Odeh, 40 ans, est morte et Intisar Huaihi, 45 ans, a été déclarée cliniquement morte. Trois des 18 blessées se trouvent dans un état critique, selon les sources médicales.
- Les manifestantes se mettent à couvert.
Selon des sources sécuritaires, 1500 Palestiniens ont été emmenés vers une destination inconnue depuis le début de l’offensive. Parmi ces personnes figurent le chef de la police de Beit Hanoun, Fawzi Hamad, ainsi qu’un haut responsable du Fatah, Yazid al-Houwaïhi..
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A Beït Hanoun dans la bande de Gaza, la mort devant la mosquée
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Lentement d’abord, puis avec assurance, le groupe de femmes voilées s’approche du mur extérieur de la mosquée Al Nassir, à Beït Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza.
- Beit Hannoun, 3 11 2006
A l’intérieur de l’édifice religieux, une soixantaine de combattants palestiniens sont réfugiés depuis jeudi soir, encerclés par les soldats israéliens et des chars postés à quelques centaines de mètres, derrière une levée de terre.
Répondant à un appel relayé par la radio, la cinquantaine de femmes, certaines âgées, d’autres encore adolescentes, veulent servir de "boucliers humains", s’interposer entre l’armée israélienne et les activistes, aider ces derniers à s’échapper ou, tout au moins, obtenir qu’ils puissent quitter la mosquée sains et saufs.
Alors qu’elles descendent la rue en direction de la mosquée, longeant à leur droite un mur de pierre, les soldats israéliens à leur gauche, des coups de feu éclatent, venant des positions de Tsahal.
Les femmes pressent le pas, en s’encourageant mutuellement.
D’autres balles sifflent au-dessus des têtes, les Israéliens cherchant à leur faire rebrousser chemin. Certaines font demi-tour mais la plupart continuent leur route.
En tête du cortège, plusieurs coups de feu éclatent encore et une femme portant un hidjab de couleur brune s’effondre. Près d’elle, une autre tombe, grièvement blessée.
"QUE FAIT LE MONDE ?"
En hurlant, plusieurs femmes se portent au secours des blessées, dont l’une gît, immobile. Sous elle une flaque de sang s’étend lentement puis s’écoule vers le ruisseau.
- Beit Hannoun, 3 11 2006
"Appelez une ambulance ! Appelez une ambulance !", crient les femmes, en levant les bras en signe d’impuissance. D’autres reculent, pensent à s’enfuir, puis se ravisent.
Quelques secondes plus tard, deux ambulances arrivent. La femme touchée, inerte, est emportée sur une civière. L’autre femme grièvement blessée est également emmenée. Elle mourra à l’hôpital.
Une manifestante se tourne vers une caméra de télévision : "Que fait le monde ? On tue des gens ici ! Ce sont des martyrs !".
Un peu plus tard, plusieurs femmes s’éloignent en emportant une autre blessée, une jeune fille dont le jean dépasse du hidjab noir.
Au milieu de la rue, une autre tient dans ses mains un voile taché de sang. "Regardez ! La cervelle d’une femme de la résistance, répandue sur son voile, regardez !", lance-t-elle aux journalistes.
Dans un hôpital voisin, des maris inquiets sont venus prendre des nouvelles. "J’ai demandé à ma femme d’aller avec les autres pour faire lever le siège de la mosquée", dit Khaled Faleh, 34 ans. "Je ne sais pas ce qu’elle est devenue."
Le président Abbas a demandé jeudi lors de son entretien avec David Welch à ce que « l’administration américaine mette fin à cette agression », a rapporté Saeb Erekat. Abou Mazen a déclaré que ces « crimes constituent une violation flagrante des droits des Palestiniens ». Pour Ismaïl Haniyeh, de même que les Israéliens « ont échoué à brisé la volonté [des Palestiniens] » et « à faire plier le programme politique [du Hamas] » par un « embargo injuste », cette « opération militaire et terroriste est vouée à l’échec ». Ghazi Hamad, porte-parole du gouvernement, a qualifié hier l’ « agression » militaire israélienne à Beit Hanoun de « sanglante », dénonçant un « génocide » perpétré par Israël dans la bande de Gaza « dans le silence des Etats arabes et de la communauté internationale ».
Par ailleurs, une femme et un enfant de 4 ans, Bara Fayyad, sont décédés ce matin des suites de leurs blessures. Le ministère de la santé a affirmé que neuf personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées ont trouvé la mort lors de ces attaques, dénombrant également une trentaine de blessés.
Dans le quartier de Choujaiya, dans l’est de Gaza, quatre membres des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Hamas, ont été tués dans un raid aérien israélien contre le véhicule qui les transportait, selon une source médicale et des témoins. Cinq autres personnes ont été blessées dans l’explosion. "Je peux confirmer qu’il y a eu une attaque aérienne contre un véhicule dans lequel se trouvaient des terroristes", a affirmé une porte-parole de l’armée israélienne. Parmi les victimes figure Omar Mouchtaha, un chef local de la branche armée du Hamas recherché par Israël, a-t-on ajouté. Des témoins ont indiqué que les quatre hommes avaient arrêté leur véhicule près d’une mosquée pour aller prier quand ils ont été visés par un missile.
Un cinquième membre du Hamas, Souheib Adouane, 21 ans, a été tué par des tirs de soldats israéliens. Il faisait partie de l’équipe de gardes du corps du ministre des réfugiés du Hamas, Atef Adouane.
Plus tôt, quatre personnes ont été blessées dans un précédent raid aérien à Jabaliya, dans le nord du territoire, qui visait des activistes armés du Djihad islamique.
Jeudi matin 2 novembre, Dyab Basiouni (75 ans), Yousef Akel (22 ans), et Issam Abou Odah (29 ans) ont été tués. Un adolescent de 15 ans a été tué par un obus de l’armée tiré sur son domicile à Beit Hanoun.
Les sources médicales de l’hôpital Kamal Adwan ont affirmé que Basiouni, une personne âgée, est mort sur le coup après avoir reçu une balle dans le cœur. Yousef Akel, a reçu une balle dans la tête, selon l’hôpital Balsam.
Les témoins et les sauveteurs ont affirmé qu’un tireur d’élite israélien a abattu Isam Abou Odah par une balle dans le dos et dans la tête alors qu’il se trouvait chez lui. Sept membres d’une même famille ont été grièvement blessés par une bombe tirée d’une char israélienne en direction de leur maison à Bet Hanoun (nord de la Bande).
Selon la radio militaire israélienne, l’objectif de l’armée israélienne est d’être en mesure "d’intervenir à tous moments et en tous lieux dans la bande de Gaza (évacuée l’an dernier) comme c’est le cas dans les villes de Cisjordanie".
En Cisjordanie, 25 Palestiniens recherchés par les services de sécurité israéliens ont été arrêtés durant la nuit de mercredi à jeudi, a-t-on indiqué de sources militaires.
Un adolescent de 14 ans a été abattu le 2 novembre au camp de réfugiés de Balata à Naplouse, alors qu’il tentait de venir en aide à son frère de 28 ans, blessé par les tirs de l’armée d’occupation qui menait un nième raid contre le camp.
- Ibrahim Sanaqra et sa maman. Balata 3 11 2006