L’offensive de charme américaine vis-à-vis des Israéliens et de leur premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est accrue, trois jours avant l’arrivée du président Barack Obama à Jérusalem, mercredi 20 mars.
Tout est fait pour déminer le terrain diplomatique, et cela consiste à lisser l’image du chef de la Maison Blanche, afin de combler le déficit de popularité dont il pâtit auprès de la population israélienne. Les attentes sur la substance et les résultats de ce voyage étant limitées, en particulier s’agissant d’une relance du processus de paix israélo-palestinien, l’attention se porte sur les symboles et la théâtralisation du séjour de M. Obama.
De ce point de vue, il n’est pas sûr que la Maison Blanche ait fait le bon choix en décidant que le président américain ne s’exprimera pas devant la Knesset, le Parlement israélien, préférant s’adresser " directement " à la population, en l’occurrence un demi-millier de jeunes réunis au Centre de conférences de Jérusalem. Tous les commentaires ne sont pas aussi virulents que celui d’Israel Harel dans le quotidien Haaretz, qui voit dans le " boycottage d’Obama " " une insulte envers Israël et sa représentation élue ", mais cette décision est interprétée comme un geste de défiance vis-à-vis de l’establishment politique.
" C’est indéniablement une erreur, estime Eytan Gilboa, expert des relations israélo-américaines à l’université Bar Ilan de Tel-Aviv, la Knesset représente l’opinion publique d’Israël et sa démocratie. " C’est une décision incompréhensible, renchérit un haut diplomate israélien, qui relève que Bill Clinton et George W. Bush, qui s’étaient aussi adressés aux Israéliens, n’avaient pas pour autant infligé un camouflet à leurs élus. " Les Américains se sont-ils méfiés des manifestations intempestives de députés extrémistes ? Ont-ils craint qu’une banderole "Libérez Pollard !" soit brandie sous les yeux d’Obama ? ", ajoute-t-il.
C’est parce que l’intense campagne en faveur de la libération de Jonathan Pollard - ce citoyen israélo-américain condamné à la prison à perpétuité aux Etats-Unis, en 1987, pour espionnage au profit d’Israël - menaçait d’assombrir sa visite que M. Obama a coupé court, jeudi 14 mars, lors d’une interview à la télévision israélienne : il n’a pas l’intention de libérer " dans l’immédiat " l’espion israélien.
Les responsables israéliens ne sont pas surpris par une position conforme à celle de ses prédécesseurs, mais ils regrettent que M. Obama n’ait pas saisi une telle occasion de démontrer sa volonté de reprendre des relations plus harmonieuses avec M. Nétanyahou.
Israël, souligne l’historien Zeev Sternhell, " est probablement le seul pays occidental dont la population suit d’aussi près son gouvernement et son élite politique dans une attitude négative envers M. Obama ". Un récent sondage du quotidien Maariv en donne cependant une photographie contrastée : alors que 10 % des Israéliens ont une " attitude favorable " à l’égard du chef de la Maison Blanche, 32 % ont une opinion négative " mais respectueuse ", 17 % le détestent et 19 % ont une opinion défavorable sans toutefois éprouver de ressentiment. Pour autant, 38 % des personnes interrogées estiment que M. Obama est hostile à leur pays, 33 % étant d’un avis contraire.
Pour de nombreux spécialistes, c’est le discours prononcé par Barack Obama au Caire, en juin 2009, qui a nourri les préventions israéliennes, lesquelles ont été ensuite renforcées par son opposition à M. Nétanyahou sur la question de la colonisation dans les territoires palestiniens occupés. " Les Israéliens ont eu le sentiment que son souhait d’ouvrir de nouvelles relations avec le monde musulman était une marque de défiance vis-à-vis d’Israël ", résume Eytan Gilboa.
Les opinions négatives envers M. Obama sont la conjonction de deux facteurs, observe Daniel Shek, ancien ambassadeur d’Israël en France : " Ceux que M. Nétanyahou a convaincus pendant quatre ans que la question palestinienne et le processus de paix étaient un non-sujet ; et ceux pour qui c’est, au contraire, le sujet numéro un, mais qui estiment que M. Obama n’a pas fait assez d’efforts pour le faire progresser. "
Daniel Shek se range parmi les seconds : " Un discours plus incisif - de M. Obama - sur la question palestinienne ne serait pas une punition pour Israël. Il faut aider Israéliens et Palestiniens à sortir de la torpeur où ils sont plongés depuis quatre ans ", insiste-t-il.
C’est sur ce point que réside la principale inconnue de la visite du chef de la Maison Blanche. Va-t-il réaffirmer ses positions sur l’arrêt de la colonisation et les frontières de 1967 comme base de la solution de deux Etats, quitte à s’attirer un nouveau refus cinglant de M. Nétanyahou et au risque de faire dérailler une visite que chacun souhaite consensuelle ? " S’il ne le fait pas, estime Zeev Sternhell, alors ce voyage ne sert à rien ! "
Beaucoup d’observateurs font le constat que la composition du nouveau gouvernement de M. Nétanyahou ne présage pas une ouverture sur le dossier palestinien. Au reste, le lobby des colons n’est pas inquiet : " M. Obama, nous explique Dany Dayan, ancien président de Yescha, le conseil du mouvement des colons, a fait de graves erreurs envers Israël et Benyamin Nétanyahou, mais il a appris : il sait que c’est l’intransigeance des Palestiniens qui bloque le processus de paix, et que les colonies ne sont pas un obstacle. "
Reste que les relations personnelles entre le premier ministre israélien et le président américain sont notoirement difficiles, même si Barack Obama a souligné que ses divergences avec M. Nétanyahou ne sont que " politiques ".
Le courant entre les deux hommes, reconnaît un responsable israélien, " ne passe pas, et n’est jamais passé, y compris lors de leur première rencontre, en 2008 - M. Obama était candidat à la Maison Blanche - . Cela tient aussi à la personnalité de M. Obama, que les Israéliens jugent un peu froid et hautain. Il n’est pas comme Bill Clinton, spontanément chaleureux et multipliant les accolades ! "
C’est parce qu’il est conscient de cette carence d’affinités personnelles que M. Obama, dans son interview à la télévision israélienne, a usé à dix reprises du diminutif de " Bibi " pour qualifier celui qui sera son hôte dans quelques jours. " Une offensive de charme, commente M. Shek, c’est bien, mais c’est insuffisant comme ordre du jour pour une visite d’un président des Etats-Unis. J’espère qu’il y aura du fond ! "