Le ministre Eli Avidar a présenté sa lettre de démission mardi après-midi [22 février], ce qui pourrait marquer le début de la fin de la coalition actuelle.
Avidar a démissionné de la Knesset en juillet dernier après avoir été nommé ministre au bureau du Premier ministre, conformément à la loi norvégienne [ndlr : le nom de la loi qui affecte la nomination des ministres et des membres de la Knesset], qui exige que les ministres renoncent à leur siège à la Knesset. Il redeviendra un membre régulier de la Knesset jeudi après-midi, 48 heures après avoir présenté sa démission.
À partir de ce moment-là, Avidar sera la 61e voix d’une coalition très étroite. On s’attend à ce qu’il fonctionne comme une faction unipersonnelle et qu’il fasse des demandes pour chaque vote important à une coalition qui a déjà du mal à faire passer ses lois à la Knesset.
La démission d’Avidar est intervenue après qu’il n’ait pas reçu la nomination qu’il souhaitait au poste de ministre du renseignement. Au lieu de cela, il est resté ministre sans portefeuille, sans responsabilité directe ni influence sur la politique du gouvernement. Lors de la conférence de presse, il a présenté un sérieux réquisitoire contre le Premier ministre Naftali Bennett et la coalition dans son ensemble. Bien qu’il ait déclaré ne pas avoir l’intention de faire tomber le gouvernement, qu’il a soutenu afin de débarrasser le pays du "gouvernement des ténèbres" de Netanyahou, il n’y a aucun moyen de savoir jusqu’où il ira.
"Les politiques menées par le gouvernement au cours des derniers mois ont rendu ma position au sein du gouvernement insupportable", a-t-il déclaré. "J’ai attendu que les leaders de la coalition m’approchent, pour ne pas envoyer d’ondes de choc à travers le gouvernement, et pour voir, comme je l’espérais, que les politiques du gouvernement précédent seraient arrêtées."
M. Avidar faisait référence à toute une série d’enjeux, dont la gestion de l’épidémie de coronavirus, qui a élargit les activités du gouvernement dont certaines qui, selon lui, portent atteinte aux droits de la personne.
Avidar était l’un des leaders des manifestations de la rue Balfour contre le précédent Premier ministre. Il a manifesté contre Netanyahou devant sa résidence officielle et aux principaux carrefours, alors que les premières vagues du coronavirus se répandaient dans le pays. Cela a fait de lui une sorte de héros populaire pour les masses de personnes qui s’opposaient à Netanyahou. Il s’est opposé aux mandats vaccinaux et a parlé d’un programme libéral et de la nécessité de protéger les droits fondamentaux de l’individu dans un régime démocratique.
Mardi, Avidar a qualifié Bennett d’imitation de Netanyahou. "L’homme a grandi sur Netanyahou et n’a pas l’intention de s’en libérer", a déclaré Avidar. "Il le copie dans chacun de ses gestes".
Même si Avidar n’a pas l’intention de faire tomber le gouvernement actuel, tout semble indiquer qu’il se prépare à créer un nouveau parti, et qu’il agira comme une opposition unipersonnelle à la coalition actuelle, même s’il en est membre sur le papier.
Le ministre des Finances Avigdor Liberman, qui a placé Avidar en numéro 4 sur la liste de Yisrael Beitenu à la Knesset, n’a désormais aucun moyen de le contrôler. On a également appris hier que le ministre des affaires étrangères Yair Lapid lui a proposé plusieurs postes d’ambassadeur. Avidar les a toutes refusées.
Dans un cas au moins, Lapid a pu écarter un membre rebelle de la Knesset du Meretz en lui donnant un poste au sein du service des affaires étrangères. Quelques heures après la démission d’Avidar, il a été annoncé que la membre de la Knesset Ghaida Rinawi Zoabi serait nommée consule générale d’Israël à Shanghai.
Il s’agit d’un poste très élevé et très convoité. On pense maintenant que cette décision était une tentative de stabiliser la coalition. Il y a quelques semaines, Zoabi a voté contre la loi sur la conscription, qui n’a donc pas été adoptée. Sa nouvelle nomination neutralise une poche d’opposition avant des votes importants, mais elle signale également que Bennett et Lapid peuvent être extorqués, et que tout ce qu’il faut pour obtenir une promotion est une "révolte", ou même simplement une menace.
Cela fait huit mois que le gouvernement actuel a été fondé contre toute attente, apportant l’espoir de quelque chose de nouveau. Aujourd’hui, ses problèmes fondamentaux commencent à apparaître. Au début de cette coalition très étroite et idéologiquement polarisée, tout le monde semblait d’accord pour que le gouvernement survive, et ils ont donc accepté de faire des compromis sur les principales différences idéologiques. Cependant, au fil du temps, les intérêts personnels et électoraux remontent à la surface, rendant difficile le fonctionnement de la Knesset.
Le travail législatif s’est arrêté au cours des dernières semaines. Cette situation a été exacerbée par une menace du chef du parti Bleu et Blanc, le ministre de la défense Benny Gantz, selon laquelle sa faction se mettrait en "grève" à la Knesset en raison de l’inaction concernant la loi sur les pensions budgétaires, que son parti soutient (et qui bénéficie aux officiers de carrière, qui comptent parmi ses plus ardents partisans). Le Meretz et le Parti travailliste affirment qu’il s’agit d’un texte de loi antisocial, qui accorde des droits supplémentaires à un secteur économiquement aisé de la population.
La crise ne fait qu’ajouter à l’animosité qui existe déjà entre Gantz et la coalition. Le 21 février, le ministre de la défense a quitté une réunion avec le Premier ministre dans son bureau à la Knesset, au cours de laquelle il a appris que le bureau de Bennett informait les journalistes à son sujet de manière peu flatteuse. Gantz, en colère, a répondu que son parti ne voterait pas avec la coalition tant que la législation relative à Tsahal, et en particulier la loi sur les pensions, ne passerait pas en trois lectures à la Knesset.
La Knesset sera en vacances dans deux semaines, et traverser cette période sans problème supplémentaire ne sera pas facile. Le parti musulman de la coalition Ra’am fait déjà jouer ses muscles sur la loi sur la citoyenneté, en exigeant que la législation passe par la commission de l’intérieur, dirigée par son propre membre de la Knesset, Walid Taha.
Malgré toute cette agitation, il n’y a pas de menace claire et immédiate pour la coalition pour le moment. Ironiquement, cela peut être attribué à un seul homme - l’ancien premier ministre Benjamin Netanyahu. Sa forte progression dans les sondages, qui ne fait que s’améliorer, a uni une coalition par ailleurs divisée, qui craint qu’il ne revienne. Le problème est qu’ils ne peuvent pas s’inquiéter longtemps de cela. Les dirigeants de la coalition actuelle doivent rétablir l’ordre dans leurs rangs. S’ils ne le font pas, l’issue sera inévitable.
Traduction : AFPS