Voici quelques échos de cette présence et de notre interpellation dans "La lettre à LULU" journal satirique local numéro 71 de Décembre 2010 :
Israéliens du mariage
La stratégie du chandelier
Films israéliens au festival des Trois continents. Boycott ou pas, la question ne se pose pas. Lulu l’a quand même posée.
La dernière édition du festival des Trois continents a présenté quatorze films d’étudiants du Collège Sapir à Sderot, en Israël. En apposant sur le catalogue du festival le logo du chandelier à sept branches de l’ambassade d’Israël en France. Seul soutien d’état figurant dans les documents publics du festival, qui assure n’avoir touché aucun shekel.
Pas un sou. Chaleureusement remerciée à la cérémonie d’ouverture, l’ambassade d’Israël a financé les déplacements de la délégation (en VF langue de bois : logistique ressortissants). Les productions engagées de cette école représentent un cheval de Troie rêvé pour donner une bonne image d’Israël à l’étranger. « Sderot, c’est la ville la plus proche de Gaza, dont elle est séparée par le mur. Les liens entre populations sont interrompus. La localisation de l’école a un lien direct avec les propos des films réalisés. Simone Bitton [1] intervient dans cette école », dit Jérôme Baron, programmateur du festival qui est allé dans l’école donner une master class et s’est rendu plusieurs années au festival des films du Sud monté par l’école.
Cette présence de films israéliens acceptables, avec soutien officiel de l’État hébreu, n’a pas fait débat interne au sein du F3C. Ni débat avec les spectateurs, pendant le festival. L’attaché culturel de l’ambassade qui était présent cette semaine de projections y était pourtant préparé. Certains membres de l’association ont juste boycotté ces films, sans rien dire. « Il est évident que les films choisis ne sont pas dans la ligne officielle de la propagande pro-israélienne, ajoute Sandrine Butteau, la directrice du F3C. Les services culturels de l’ambassade qui ont souvent une autre vision que leur diplomatie, ont envie de mettre ce genre de films en avant. C’est intéressant de montrer qu’Israël, qui est une démocratie, n’a pas que des citoyens anti-palestiniens, sur une ligne dure. Ce cinéma montre une autre vision du conflit. Et qu’une vie est possible avec les Palestiniens. Pourquoi être plus dur avec Israël qu’envers d’autres pays, comme la Chine, ou l’Iran ? » La démocratie israélienne enfante quand même des colonisations, de l’apartheid institutionnalisé, de l’oppression et de la répression militaire, le tout célébré à coups de bombes sur les civils. Welcome in Gaza. « Avoir Israël et son ambassade comme partenaires alors que la colonisation, les violations quotidiennes des lois internationales, notamment le siège illégal de Gaza, et des droits humains se développent est en contradiction avec les valeurs de ce Festival que nous apprécions, écrit la section nantaise de l’Association française Palestine solidarité. De plus, les discriminations vis à vis des Palestiniens d’Israël s’accentuent. Ce partenariat avec l’ambassade d’Israël nous choque. Nous sommes certains que l’ambassade de Serbie n’aurait pas été acceptée comme partenaire pendant la guerre en Bosnie et le siège de Sarajevo ! (...) Conviendrait-il de protéger le cinéma et la culture de la politique ? Justement, le partenariat de l’ambassade montre bien que sa présence est politique ! »
Il faut souligner que tout le monde du cinéma ne pense pas comme le F3C. En 2006, un appel [2] au boycott culturel a été lancé par 123 artistes palestiniens, notamment du cinéma, soutenu par 355 signatures internationales, du cinéma et des autres arts. A Londres, l’appel au boycott culturel a pourtant été appuyé par des membres de la société civile israélienne, écrivains, réalisateurs, groupes des droits de l’homme, syndicalistes, féministes et organisations étudiantes. A la mi-octobre, le réalisateur britannique Mike Leigh a annulé un cycle de conférence à Jérusalem dans une autre école de cinéma. Côté PACBI, Palestinian campaign for the academic and cultural boycott of Israel, on se méfie des déclinaisons soft de la campagne d’image de l’État hébreu, "Brand Israel", lancée en 2005. Le responsable des affaires culturelles au ministère des affaires étrangères, Arye Mekel, a d’ailleurs expliqué la stratégie d’envoyer à l’étranger des vitrines culturelles : « Comme ça vous montrerez le plus joli visage d’Israël, qu’on ne voit pas dans un contexte purement de guerre » [3]. Une entreprise de blanchiment d’image : pas de quoi en faire tout un cinéma.
Elie Baba
Palestirien
Pendant le festival des Trois continents, la librairie Voyageurs du Monde est allée hors les murs de sa boutique. Sa sélection de livres a reconstruit le mur de séparation. Une bonne dizaine de bouquins d’auteurs israéliens ou évoquant Israël. Sur la Palestine, rien. Un genre d’apartheid libraire, comme si les Palestiniens n’existaient pas. « J’ai fait ça naïvement, dit la gérante, Marie-Aude Duval. Si j’avais mis des livres palestiniens, j’aurais eu l’effet inverse... Je ne suis ni pro ni anti. Je n’ai pas eu envie de me mouiller ni de mettre en avant qui que soit...Il n’y a rien de politique. Les problèmes de frontières sont compliqués ». Passer cinq millions de Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et d’Israël à la trappe est plus simple. Une trappe parrainée par l’ONG Complications sans frontières.