Photo : Mur de Cisjordanie portant l’inscription « Free Palestine » - Crédit : Montecruz Foto
Bien que la communauté internationale ait salué la solution à deux États depuis le début des années 1990, il est devenu évident que la fragmentation du peuple et du territoire palestiniens par Israël au cours des 50 dernières années vise à rendre impossible la création d’un État palestinien souverain. Si les responsables politiques expliquent cette situation par des malentendus ou des occasions manquées entre les deux parties, l’explication exacte est qu’Israël ne souhaite pas, en fait, deux États. Ce résultat compromettrait son objectif de conserver des droits préférentiels pour les Juifs israéliens sur le territoire qu’il contrôle. De nombreux progressistes affirment aujourd’hui qu’un seul État avec des droits égaux pour tous est l’alternative logique. Bien qu’un tel État binational puisse être juste, il est hautement improbable, en particulier à court et à moyen terme.
Un certain nombre d’alternatives plus cyniques sont plus probables :
– Un statu quo prolongé et intensifié verrait la poursuite de la gestion israélienne d’une entité palestinienne non souveraine et dépendante en Cisjordanie, comme l’a souligné l’analyste d’Al-Shabaka, Asem Khalil. Une solution temporaire pour Gaza pourrait être trouvée avec l’Égypte, avec une circulation limitée des biens et des personnes. L’Autorité palestinienne (AP) resterait un groupe d’élites intermédiaires pour la population palestinienne, et le manque de capacité fiscale ou de développement de l’entité palestinienne contribuerait à en faire un État failli.
– Avec le temps, ce scénario pourrait s’institutionnaliser plus profondément par le biais d’une solution permanente de non-État, comme le montre ma propre analyse, dans laquelle Israël contrôlerait perpétuellement les Palestiniens tout en confiant certains domaines de gouvernance à une autorité locale non souveraine.
– Un résultat similaire impliquerait trois États comprenant Israël, un mini-État démilitarisé dans la bande de Gaza contenu par l’Égypte et un « État de Cisjordanie » (peuplé de colons).
Le chaos potentiel de l’ère post-Abbas amplifie la probabilité de ces scénarios. Toute lutte violente pour le pouvoir au sein du Fatah entraînerait une nouvelle fragmentation et renforcerait la capacité d’Israël à promouvoir la création d’un État pour les Palestiniens de Gaza tout en renforçant sa présence en Cisjordanie. Si l’Autorité Palestinienne devait s’effondrer, une vague de migration vers la Cisjordanie pourrait encore accroître la possibilité de ces résultats.
Recommandations politiques
1/ Ceux qui souhaitent sérieusement trouver une solution au conflit israélo-palestinien doivent dépasser le schéma binaire d’un ou de deux États et discuter des implications d’une solution sans État pour l’autodétermination palestinienne.
2/ Les Palestiniens doivent reconnaître que le statu quo peut devenir une érosion permanente de leurs droits en l’absence de stratégies de résistance efficaces.
3/ La communauté internationale doit renoncer à son hypothèse selon laquelle le statu quo est une période de transition post-Oslo, ainsi qu’à son approche « attendre et voir ». Elle doit admettre l’échec de cette politique et mettre en place des mécanismes d’application, notamment en ce qui concerne les violations du droit international, qui menacent de figer la situation d’apartheid.
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À propos de l’auteure
Amal Ahmad est une économiste palestinienne. Elle a effectué un stage à l’Institut de recherche sur la politique économique de la Palestine à Ramallah avant d’obtenir un master en économie du développement à la School of Oriental and African Studies de Londres. Son travail porte sur les relations fiscales et monétaires entre Israël et la Palestine ; elle s’intéresse également à l’économie politique du développement dans le Moyen-Orient au sens large.
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Traduit par : AFPS