30 juin 2020
A l’Honorable Mike Pompeo
Secrétaire d’Etat
Département d’Etat des Etats-Unis
2201 C Street NW Washington, DC 20250
Cher Secrétaire Pompeo :
Nous vous écrivons pour vous exprimer notre profonde préoccupation concernant l’annexion projetée par le gouvernement d’Israël de territoires occupés palestiniens. Le Premier Ministre Benyamin Netanyahu a dit que l’annexion pourrait commencer dès le 1er juillet 2020. Si le gouvernement israélien faisait avancer ces plans, il porterait vivement atteinte à la perspective d’un avenir dans lequel tous les Israéliens et les Palestiniens pourraient vivre en toute égalité, dans le respect des droits de l’homme et de la dignité, et jetterait les bases pour qu’Israël devienne un état d’apartheid, comme votre prédécesseur John Kerry en a prévenu en 2014 [1]. Nous vous appelons à prendre toutes les mesures disponibles nécessaires pour faire marche arrière sur cette proposition, qui provoquera davantage de tensions et de conflits pendant les décennies à venir. Alors que le champ d’application complet et les détails du plan ne sont pas encore publics, les Palestiniens ont à une écrasante majorité rejeté l’idée de l’annexion, et ont de façon compréhensible refusé de participer à un processus qui n’est pas fondé sur la reconnaissance de leurs droits nationaux selon le droit international.
D’éminents experts des droits de l’homme mettent en garde sur le fait que l’annexion de parties de la Cisjordanie perpétuera et enracinera les violations des droits de l’homme à l’encontre des Palestiniens, y compris les limitations de la liberté de déplacement, l’expropriation massive des terres palestiniennes privées, la poursuite de l’expansion des colonies illégales, la continuation des démolitions de maisons et la perte par les Palestiniens du contrôle de leurs ressources naturelles. [2]
En outre, Israël a déclaré qu’il n’accordera pas la citoyenneté aux Palestiniens habitant dans les territoires annexés ou aux Palestiniens beaucoup plus nombreux habitant dans les enclaves isolées qu’Israël choisira de ne pas annexer, en formalisant en droit le traitement séparé et inégal des deux populations et ouvrant la voie à un système d’apartheid. Bien sûr, le Rapporteur Spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires Occupés depuis 1967 a déclaré que cela « cristalliserait un apartheid du 21ème siècle, entrainant la disparition du droit à l’auto-détermination des Palestiniens ». [3]
D’autre part, l’annexion israélienne de la Cisjordanie est une violation manifeste du droit international. L’annexion est interdite par l’Article 24 (4) de la Charte des Nations Unies et est une forme d’action interdite selon l’Article 47 de la Quatrième Convention de Genève, à laquelle Israël est partie [4]. Quarante sept des mandats indépendants des Procédures Spéciales désignés par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies ont réaffirmé ceci [5]. En outre, les colonies israéliennes déjà existantes en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, constituent un crime de guerre selon l’Article 8 (2)(B)(viii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, parce qu’il est interdit à Israël, en tant que puissance occupante, de transférer, soit directement ou indirectement, des parties de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe.
L’annexion est interdite de façon spécifique parce qu’elle suscite le conflit armé, l’instabilité politique et économique, les violations systématiques des droits de l’homme, et, de façon plus importante encore, légitime l’effacement de l’identité. Il ne fait aucun doute que l’annexion de facto acre par acre depuis 1967 aux fins de créer de nouvelles colonies israéliennes est une tentative de supprimer l’identité et l’idée de nation palestiniennes.
L’annexion unilatérale en Cisjordanie est en opposition directe aux principes de la démocratie et des droits de l’homme que les Etats-Unis d’Amérique sont censés représenter. A un moment où les Américains descendent dans la rue pour exiger la justice pour tous dans notre propre pays, il ne fait aucun doute qu’une telle action se mettrait à dos de nombreux législateurs et citoyens des Etats-Unis. On ne doit pas s’attendre à ce que les membres du Congrès soutiennent un système anti-démocratique dans lequel Israël régnerait sur un peuple palestinien privé d’autodétermination et de droits égaux.
Si les gouvernement israélien poursuit dans cette voie, nous nous efforcerons de garantir la non-reconnaissance de l’annexion des territoires ainsi que de donner suite à une loi qui pose des conditions au financement militaire des Etats-Unis à Israël de 3,8 milliards de $, afin de garantir que les contribuables américains ne soutiennent l’annexion en aucune façon. Nous y inclurons des conditions relatives aux droits de l’homme et la rétention de fonds pour l’achat d’armes israéliennes à l’étranger d’un montant égal ou supérieur à celui que le gouvernement israélien dépense annuellement pour financer les colonies, ainsi que les politiques et les pratiques qui les soutiennent et les rendent possibles.
Les Etats-Unis doivent continuer à s’engager pour un avenir dans lequel tous les Israéliens et Palestiniens vivront avec des droits égaux, dans la dignité et en démocratie. Cela signifie que nous ne soutenons pas des politiques qui empêcheraient cet avenir, comme le ferait l’annexion. Nous vous demandons donc de faire comprendre au gouvernement israélien qu’une telle démarche est inacceptable.
Merci pour l’attention que vous portez à cette demande.
La Représentante Alexandria Ocasio-Cortez
La Représentante Betty McCollum
La Représentante Pramila Jayapal
Le Représentant Bernard Sanders
La Représentant Rashida Tlaib
Le Représentant Raul Grijalva
La Représentante Ayanna Presley
La Représentante Ilhan Omar
Le Représentant André Carson
Le Représentant Danny Davis
Le Représentant Jesus G. « Chuy »Garcia
La Représentante Nydia Velasquez
Le Représentant Bobby Rush
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers