94 entrées payantes à cette soirée-rencontre avec l’AFPS 49 au cinéma « Les 400 Coups ».
Elle a été suivie d’un débat animé et passionnant qui, à lui seul, a fait tout l’intérêt d’une telle soirée.
L’unanimité s’est faite assez facilement sur les qualités cinématographiques de l’œuvre, et le parti pris résolument féministe du réalisateur qui dénonce avec force la double oppression que subissent les femmes palestiniennes.
Mais le film a soulevé aussi d’assez vives critiques du public.
Le réalisateur, à travers les faiblesses et la psychologie de ses personnages, revendique une forme d’universalité.
Ce faisant, on pourrait croire, et plusieurs participants ont souligné cet aspect, qu’il dépolitise fortement la question de l’occupation (même si le personnage de Reem refuse de trahir ses valeurs et son pays).
Mais les traumatismes individuels de Hasan et Huda qui nous sont donnés à voir sont bien liés explicitement à la situation d’être à la merci d’une puissance occupante toute-puissante et non pas des décompensations de personnages affectés de troubles mentaux ou victimes d’une histoire personnelle ou familiale pouvant expliquer leurs actes de trahison.
En fait, cette occupation prolongée amène à confondre causes et conséquences. Les causes ne sont pas à chercher dans la psychologie des personnages (ils réagissent comme ils peuvent avec ce qu’ils sont) mais dans l’origine de leurs traumatismes qui explicitement dans le film est bien dûe au fait de vivre sous occupation depuis plusieurs générations sans issue de sortie perceptible.
C’est aussi la raison pour laquelle la « collaboration sécuritaire » entre l’Autorité palestinienne et Israël, qui est si solidement installée dans le quotidien, participe à l’incorporation d’une « certaine normalité » de l’occupation dans la vie psychique des Palestiniens, hommes et femmes. Ce qui peut expliquer les interventions de Palestiniens lors du débat qui ont trouvé que le « piège » de Huda apparaît aujourd’hui assez peu crédible, même si des « coups tordus » incontrôlables sont toujours possibles.
Reste un constat : l’occupation broie les vies des Palestiniens qui y sont soumis.
Restent également deux questions :
Alors que les critiques des incohérences de nos sociétés par le cinéma occidental fonctionnent pour nous comme une évidence … jusqu’où sommes-nous prêts à accepter leur équivalent en Palestine sans craindre qu’elles ne viennent masquer l’insupportable oppression coloniale ?
La fiction cinématographique n’est-elle pas dotée d’une formidable puissance d’interrogation de la manière dont des hommes et des femmes arrivent à survivre (ou pas) en enfer ?
Le débat reste ouvert.