Photo : Le match France-Israël au stade de France : un seul vainqueur, le boycott
Les supporteurs de football ne sont pas toujours de braves gens calmes et tranquilles, c’est un euphémisme de le dire, et parfois leurs « actions » relèvent plus de la rubrique des faits divers que de celles du sport. Nous en avons eu maints exemples dans le passé, qu’il soit lointain ou récent, en France, comme dans de nombreux autres pays. Les risques d’incidents entre supporteurs amènent parfois les autorités à interdire la présence de ces groupes « ultras » ou, a minima, à les encadrer fermement. Dans certains pays, ils peuvent être liés à des partis ou mouvements politiques. C’est le cas en Israël où de nombreux clubs sont liés à des mouvements politiques : le Beitar de Jérusalem et le Maccabi de Tel Aviv [1] sont liés à l’extrême droite alors que l’autre club de Tel Aviv, le Hapoël, ne l’est pas.
Revenons-en aux faits avérés. Dès le 5 novembre, plusieurs centaines de supporteurs du Maccabi sont arrivés à Amsterdam (ils seront 2 600 [2] le jour du match). Et dès le soir, ils déferlent dans le centre-ville, ainsi que le lendemain, encore plus nombreux. Ils se signalent par leurs chants haineux, racistes, anti-arabes, en soutien à l’armée israélienne, aux colons, au génocide… ils s’en prennent aussi aux populations racisées (notamment aux Marocains qui forment la première communauté étrangère aux Pays-Bas : agression d’un chauffeur de taxi dont le véhicule sera incendié…) et s’attaquent aussi aux symboles de soutien au peuple palestinien (de nombreux drapeaux palestiniens seront arrachés de façades d’immeubles du centre-ville et brûlés).
Le jour du match, les « supporteurs » du Maccabi continuent à se comporter comme des hooligans : chants racistes et homophobes, violation de la minute de silence en mémoire des victimes espagnoles des inondations de Valence… Après le match, des hooligans, sans doute vexés par la déculottée de leur équipe (0-5), s’en prennent aux passants devant la gare centrale et même à un car de police. Ailleurs, des « supporteurs » israéliens sont agressés et parfois jetés dans des canaux. Mais il y a aussi des paroles et des actes clairement antisémites. L’affaire est donc complexe et mêle hooliganisme, violence anti-palestinienne, racisme anti-arabe et antisémitisme.
Cette affaire, ultra-médiatisée et instrumentalisée par l’État colonial israélien, ses soutiens et notamment une partie de la presse européenne, révèle de nombreuses carences, en particulier des instances footballistiques, aussi bien celles de l’UEFA que celles de la FIFA. Comment se fait-il qu’au vu de la réputation de violence et de racisme des « supporteurs » du Maccabi et d’incidents qu’ils avaient provoqués lors d’un match à Athènes en mars 2024, l’UEFA n’ait pas interdit le déplacement de ces voyous du Maccabi ? Par ailleurs, comment se fait-il que la FIFA n’ait pas encore répondu à la lettre de la fédération palestinienne de football qui demande la suspension de la fédération israélienne en raison des crimes de guerre et contre l’humanité commis par les forces d’occupation israéliennes à Gaza ? La suspension de la Russie et de la Biélorussie avait été beaucoup plus rapide : encore, le double standard !
Mais ce qui est le plus surprenant dans cette affaire, c’est que de nombreux médias, notamment la plupart des médias audiovisuels français, et une grande partie de la classe politique européenne, ont repris le narratif israélien [3], y compris dans ses pires formulations, Netanyahou n’hésitant pas à comparer les événements d’Amsterdam à la Nuit de crista [4] (9/10 novembre 1938), pogrom antisémite voulu et organisé par Hitler et le régime nazi dans tout le Reich (Allemagne, Autriche, région des Sudètes).
Les dirigeants occidentaux ont très largement soutenu la position israélienne ; c’est ainsi que Biden a déclaré « Les attaques antisémites contre des supporters de football israéliens à Amsterdam sont méprisables et font écho à des moments sombres de l’Histoire où les juifs ont été persécutés. » Macron a lui aussi convoqué l’histoire : « Les violences contre des citoyens israéliens à Amsterdam rappellent les heures les plus indignes de l’Histoire. » [5]. Certains médias (notamment la BBC et BFMTV) ont présenté une vidéo montrant l’agression d’un passant néerlandais par des « supporteurs » israéliens comme étant l’agression d’un « fan » par la foule néerlandaise. L’autrice de la vidéo a dû démentir la supercherie de ces médias [6]. Rares sont les médias qui se sont excusés ou ont nuancé leurs propos par la suite.
Dans les jours qui ont suivi plusieurs personnalités amstellodamoises, notamment Jelle Zijlstra, directeur de théâtre et membre de la communauté juive d’Amsterdam, se sont interrogées sur la manière dont a été présentée « cette affaire ». Quant à la maire d’Amsterdam, Femke Halsema, lors d’une interview du 17 novembre, elle explique comment les autorités locales ont « été complètement dépassées par Israël », elle reconnaît avoir été manipulée et regrette sa reprise du mot « pogrom » utilisé par le gouvernement israélien [7]. Mais ces prises de position a posteriori, n’ont pas ou peu été relayées dans les médias dominants…
Et pendant ce temps le martyre du Liban et le génocide à Gaza continuaient allègrement…
Jacques Fontaine