Sur la qualification du régime palestinien
« Qualifier le régime de l’autorité palestinienne est l’un des problèmes. »
« Au début des printemps arabes, le mot d’ordre était ‘le régime veut la chute du régime’. C’était un slogan qui ne convenait pas du tout parce que les Palestiniens étaient conscients que leur régime n’était pas vraiment un régime. Les Palestiniens avaient transformé en ‘le peuple veut l’unification des Palestiniens entre Gaza et Ramallah, mais ils sentaient bien que ce n’était pas un vrai pouvoir au sens d’un État normal - même dictatorial. Là il y a une radicalisation de l’opposition c’est-à -dire la prise de conscience que le régime ne repose plus que sur la répression. »
« Les accords d’Oslo ont marché dans ce domaine - aussi bien les américains que les européens ont poussé l’autorité palestinienne à arranger et à perfectionner cette machine de répression avec l’idée que c’était la seule solution pour parvenir à une solution politique. »
Sur le bilan de Mahmoud Abbas
« La direction du Fatah et pas seulement Mahmoud Abbas - c’était aussi Arafat - a fait le pari de la négociation politique et diplomatique. C’est là-dessus pratiquement que s’est construite l’OLP dans une deuxième phase après la phase de la lutte armée, à partir de la fin des années 70 et début des années 80. Ils étaient prêts au compromis pour aboutir à un Etat palestinien - pas un Etat palestinien dont avions rêvé sur toute la Palestine mais en Cisjordanie et Gaza avec Jerusalem Est comme capitale. Et ce bilan est un bilan d’échec. »
« C’est l’échec d’une stratégie politique et c’est l’un des problèmes aujourd’hui du mouvement palestinien c’est que toute la stratégie sur laquelle s’est fondée la renaissance palestinienne a maintenant échoué. »
Sur les promesses de nouvelles élections - toujours reportées
« Le discours officiel de l’autorité palestinienne n’est pas totalement faux et qui est de dire qu’on ne peut voter que si on a le droit de voter à Jérusalem Est ce que les israéliens refusent. En fait, c’est un prétexte parce qu’aux dernières élections les gens allaient voter dans les bureaux de poste à Jérusalem Est donc on sait que s’il y a des élections Mahmoud Abbas va les perdre. Mais il est difficile de dire qui peut les gagner. »
« Le Hamas est extrêmement impopulaire à Gaza. »
« Il y a une contestation dans le Fatah. »
« Mahmoud Abbas dispose de deux atouts importants : l’appareil d’État avec près de 100.000 fonctionnaires et il bénéficie aussi du soutien de la communauté internationale, des américains et des européens. »
« La différence entre les élections qu’il y a eues en Palestine ces derniers temps et celles qui ont lieu en Syrie ou en Egypte c’est que le pouvoir ne les contrôle pas de la même manière. Quand on a annoncé le fait qu’il y allait avoir des élections, il y a plus de 90% du corps électoral qui s’est inscrit sur les listes. Il y a une vraie volonté de changement mais savoir comment ça va se traduire politiquement est difficile à dire. »
« Le propre des régimes autoritaires, c’est de faire le vide et d’empêcher la création de structures politiques contestataires. »
« On parle d’élections démocratiques mais il faut rappeler que si l’on parle d’élections démocratiques, elles ont lieu sous occupation. »
« S’il y a des élections, il y aura une vraie compétition, avec différentes listes et je ne pense pas qu’il y aura une fraude massive. »
Sur les alternatives politiques
« Il y a les organisations traditionnelles de l’OLP, du Front Populaire pour la Libération de la Palestine, le Front démocratique, le PC : ils ont une certaine influence mais qui est limitée. La question qui se pose c’est comment on mobilise les nouvelles générations. »
« Les nouvelles générations ont grandi dans les accords d’Oslo, dans un carcan dont elles veulent se débarrasser mais ne savent pas comment. Il y a là un problème d’alternative politique. »
« Aujourd’hui, l’alternative politique la plus crédible existe plus en termes de personnes que d’organisations, avec Marouane Barghouti qui est emprisonné. »
« La question n’est pas tant la question de l’alternative politique mais de la stratégie. »
« La stratégie sur laquelle l’OLP a parié à partir des années 80 a échoué. »
« La stratégie alternative qui est celle du Hamas de la lutte armée n’apparaît pas crédible. Ça ne changera pas le rapport de force. »
Sur les conséquences des mobilisations en cours en Palestine
« Il faut voir une forme d’espoir dans les mobilisations en cours en Palestine. »
« La question palestinienne ne pourra pas être résolue s’il n’y a pas un mouvement palestinien actif avec une stratégie et une direction qui a la confiance de la population. »
« Le seul atout qu’ont les Palestiniens, c’est la présence sur le terrain. Sur la terre historique de Palestine, il y a autant de Palestiniens que de juifs israéliens. »
« La communauté internationale est en principe favorable à la création des deux Etats même si elle ne fait rien pour l’imposer. »
« L’idée par exemple d’un Etat unique ou vivraient musulmans, juifs, chrétiens, palestiniens, juifs israéliens etc. apparait utopique et n’a aucun soutien du point de vue des institutions internationales. »
Sur la jeunesse palestinienne
« Il y a en ce moment une révolution de la jeunesse partout : les Palestiniens d’Israël, de Cis-Jordanie, de Gaza et de la diaspora sont mobilisés et ressoudent une identité nationale palestinienne. »
« Pour l’instant, cela ne crée pas un rapport de forces suffisant. »
Sur la republication du texte du Fatah de 1970 sur la révolution palestinienne et les Juifs
« Jusqu’en 1970, la plupart des organisations palestiniennes se battaient pour la libération de toute la Palestine en voulant détruire les structures de l’Etat d’Israël mais aussi en expulsant les colons israéliens. »
« Le Fatah a accompli une révolution copernicienne en disant après 1970 : nous ne voulons pas remplacer une injustice par une autre injustice en expulsant les gens qui sont déjà là. »
« Le Fatah, dans les années 1970 a des contacts à travers le monde, notamment en France mais aussi avec des juifs sionistes. »
« L’idée révolutionnaire du Fatah des années 1970 reste la lutte armée qui va créer un homme nouveau, susceptible de libérer tout le monde. Et cette proposition n’a de sens que si une partie de la société juive israélienne se rallie à la lutte. »
« Petit à petit, l’illusion révolutionnaire du Fatah va disparaître pour être remplacée par la realpolitik avec les pays arabes et les pays européens. »
« Aujourd’hui, l’utopie d’une Palestine unifiée, démocratique et non-confessionnelle a une actualité sous une autre forme : ce qui s’est mis en place sur le territoire d’Israël-Palestine, c’est un système de domination totale israélienne où la possibilité matérielle de la création d’un Etat en Cisjordanie apparaît comme très illusoire. »
« Aujourd’hui, la question en Palestine n’est pas celle de l’Etat mais celle de l’égalité des droits. Mais cela apparaît assez illusoire dans la mesure où la société israélienne a tendance à dériver vers la droite la plus extrême. »
Sur le changement à la tête de l’Etat d’Israël de Benjamin Natanyahu par Naftali Bennett
« Si cela a un sens, on peut dire que Naftali Bennett est à la droite de Benjamin Netanyahu. »
« Sur la question palestinienne, il ne faut s’attendre à aucun changement fondamental. »
Sur le rôle de la France et l’Union européenne en Palestine
« La France pourrait tout à fait avoir un rôle à jouer - jusqu’aux accords d’Oslo, elle le jouait. »
« Il y a une dérive de la position française : pas tellement dans les principes car la France continue à dire qu’elle est pour une solution à deux Etats, qu’elle est contre la colonisation mais, en même temps, elle développe des relations avec Israël comme si la Palestine n’existait pas. Or Israël se moque des critiques formelles de la France. Or, l’Union européenne, premier partenaire commercial d’Israël, pourrait exercer des pressions réelles et efficaces sur Israël. »
« Il y a, aujourd’hui, une relégitimation par la classe politique européenne et française d’Israël au nom de l’antisémitisme. »
« Dans le contexte de la guerre contre le terrorisme et de l’islamophobie, Israël apparaît à la classe politique comme un allié : en 2015, des politiques ont dit qu’il fallait s’appuyer sur le modèle sécuritaire israélien. »