Le 23 juillet 2021, Al-Haq a introduit un recours en urgence aux Procédures Spéciales des Nations Unies (NU) à propos de la détention arbitraire de la défenseure des droit humains, Mme Shatha Odeh Abu Fannouneh, Directrice du Comité de Travail Sanitaire / Health Work Committee (CTS / HWC), par les Forces d’Occupation Israéliennes (FOI) le 7 juillet 2021. S’adressant à six Rapporteurs Spéciaux des NU, dont le Rapporteur Spécial sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Al-Haq a mis en lumière la politique d’Israël de réduction au silence de ces défenseurs des droits humains dont le travail dans les services de santé, garantit des "modèles de développement à tous les segments de la population palestinienne, en particulier les pauvres et les marginalisés", et conteste efficacement les politiques et pratiques illégales d’Israël, qui sont un outil pour maintenir son régime d’apartheid.
Aux premières heures du 7 juillet 2021, Mme Shatha Odeh Abu Fannouneh (Mme Odeh), 60 ans, a été arrêtée arbitrairement et de force chez elle à Ramallah, en Palestine. Mme Odeh, mère de trois enfants, est infirmière de son métier et exerce actuellement la fonction de Directrice du HWC. Elle est une spécialiste dévouée des soins de santé et a travaillé infatigablement pendant la pandémie de COVID-19 pour assurer des services de santé aux Palestiniens à travers la Cisjordanie.
Dans une déclaration à un avocat pendant une visite le 21 juillet à la Prison de Hasharon, Mme Odeh a décrit les conditions de transfert de et vers la Prison de Hasharon vers le Camp Militaire d’Ofer comme étant « une grave souffrance ». A chaque fois où Mme Odeh est entendue, son voyage vers le Camp Militaire de Ofer démarre vers 2 h 30 du matin. Les détenues sont ensuite déplacées vers des salles transitoires au plafond métallique en l’attente d’être entendues. Ces pièces sont très chaudes, avec peu d’alimentation en air frais, décrites par Mme Odeh comme étant « un sauna infernal ». Une fois les audiences terminées, le bus ramène les détenues vers leur prison et leur centre de détention vers 18 h 30. Mme Odeh est toujours arrivée à la Prison de Hasharon vers minuit. Pendant l’ensemble du voyage et de l’attente au Camp Militaire d’Ofer, ce qui fait environ 20 heures, les détenues sont enchaînées par les poignets et les pieds.
Jusqu’à la troisième audience, Mme Odeh n’a pas été autorisée à avoir des sous-vêtements ou des vêtements pour se changer. Mme Odeh s’est présentée aux audiences avec les mêmes vêtements que ceux qu’elle portait quand elle a été arrêtée le 7 juillet. Les autorités israéliennes ont refusé à deux reprises de laisser entrer des vêtements pour Mme Odeh et ont informé les avocats que seuls les membres de la famille proche ou les avocats inscrits dans une ordonnance du tribunal militaire sont autorisés à apporter des vêtements aux détenus. Mais, les membres de la famille proche ne peuvent pas venir à la Prison de Hasharon apporter des vêtements sans des permis délivrés par les autorités israéliennes. Lors de l’audience du 14 juillet, l’avocat de Mme Odeh s’est assuré de demander une ordonnance du tribunal pour permettre à l’un des avocats de se rendre à la prison pour apporter les vêtements à Mme Odeh. L’avocat a apporté les vêtements à la prison de Hasharon le jour même de l’audience, mais les autorités pénitentiaires israéliennes n’ont pas remis les vêtements à Mme Odeh sous prétexte qu’ils devaient être désinfectés. A l’audience du 19 juillet, Mme Odeh a assisté à l’audience avec encore les mêmes vêtements que lors de son arrestation il y a 12 jours. Dans toutes les audiences, Mme Odeh a exprimé son agitation et sa frustration devant sa situation concernant les vêtements.
La santé de Mme Odeh est extrêmement compromise, son état de santé est critique. On lui a diagnostiqué de nombreuses maladies chroniques et on lui prescrit actuellement un large éventail de médicaments. Son avocat a informé sa famille que les autorités pénitentiaires israéliennes ont rejeté jusqu’au 15 juillet 2021 la demande de Mme Odeh de pouvoir disposer de l’un de ses médicaments (Creon 10.000 IU gélules (1 par jour)), seulement après que l’avocat ait présenté un rapport expliquant pourquoi ce médicament est important pour elle. A ce jour, Mme Odeh a déjà perdu neuf kilos.
Pour réprimer, dominer et contrôler les Palestiniens, y compris les défenseurs des droits humains, et les dispensateurs de soins médicaux, les arrestations arbitraires, en violation du droit international, ont été un outil essentiel utilisé par les Israéliens . Les défenseurs des droits humains et les dispensateurs de soins médicaux palestiniens ont été visés de façon croissante ces dernières années. L’arrestation de Mme Odeh est une illustration des tentatives d’Israël de décourager les personnes et les organisations de fournir les services de santé, qui sont un besoin urgent, à des milliers de Palestiniens, spécialement dans les zones éloignées, hors de portée des autorités palestiniennes. En particulier, Al-Haq a exhorté les mandats des procédures spéciales des NU à :
- Appeler Israël à garantir et faire respecter le droit de la détenue palestinienne Mme Odeh au meilleur état de santé et de santé mentale possible, ainsi que son droit à la vie ;
- Appeler Israël à garantir une procédure régulière, notamment en assurant la traduction de l’hébreu en arabe à tous les stades de la procédure judiciaire ;
- Appeler Israël à mettre fin à la pratique systématique et continue de ciblage des organisations de la société civile palestinienne, dont le HWC, et d’intimidation des défenseurs palestiniens des droits de l’homme, dont Mme Odeh, en violation du droit international et en tant qu’actes inhumains d’apartheid ;
- Demander la restitution des biens de Mme Odeh, y compris son téléphone portable et sa voiture, illégalement confisqués sans ordre de réquisition et en l’absence de « nécessités militaires » ou d’ « opérations militaires » requises par les articles 52 et 53 du Règlement de La Haye (1907).
- Condamner et appeler Israël à mettre fin à ses pratiques inhumaines de conduites et de transferts prolongés de prisonniers entre les prisons, dans des espaces confinés pendant des heures, dans des conditions causant une « souffrance intense » ;
- Appeler Israël, la puissance occupante, à mettre fin à ses pratiques de déportation des prisonniers palestiniens hors du territoire occupé, empêchant les familles de rendre visite à ceux qui sont incarcérés sans motif ; et
- Condamner et demander la fin de l’occupation prolongée, des annexions de jure et de facto et de l’apartheid du territoire palestinien par Israël.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers