Le prisonnier palestinien Ahmad Zahran, emprisonné sans inculpation ni jugement depuis mars 2019 sous le coup de la détention administrative israélienne, est en grève de la faim depuis 112 jours. Il réclame la fin de sa détention administrative, renouvelée par ordre de l’armée israélienne. Il avait déjà suivi une grève de la faim de 39 jours qu’il avait suspendue avec la promesse de sa libération dont l’armée israélienne n’a pas tenu compte, en renouvelant son ordre de détention sans inculpation.
Zahran, 42 ans et père de quatre enfants, résident du village de Deir Abu Mishaal près de Ramallah, a perdu plus de 35 kilos pendant sa détention. Le Comité des Affaires des Prisonniers Palestiniens rapporte qu’il est incapable de marcher et qu’il souffre de douleurs dans tout le corps.
Il est transféré de façon répétée entre l’hôpital civil Kaplan et la clinique de la prison de Ramleh, des trajets exténuants pour le gréviste de la faim déjà faible. Sa famille estime que c’est là aussi une forme de pression qui lui est imposée dans une tentative de rompre sa grève. Les prisonniers palestiniens amenés dans les hôpitaux civils israéliens sont habituellement enchaînés à leur lit d’hôpital, même s’ils sont gravement malades ou inconscients.
La famille souligne aussi qu’Ahmad Zahran n’a pas eu reçu la visite ni de son avocat, ni du Comité International de la Croix-Rouge depuis une semaine, toujours à cause de ses transferts incessants. Le 7 janvier, le tribunal militaire d’Ofer a rejeté son appel.
A l’intérieur des prisons, ses camarades palestiniens continuent à soutenir Zahran. Jamil Ankoush, un camarade prisonnier emprisonné pendant près de 20 ans, s’est engagé dans une grève de la faim de solidarité depuis 16 jours en réclamant la satisfaction de l’exigence de Zahran d’être libéré. Dans le passé, Zahran a été emprisonné pendant près de 15 ans par de multiples arrestations.
Dans la ville de Gaza, le 11 janvier, les groupes de scouts progressistes ont organisé une journée de la jeunesse en soutien à Ahmad Zahran. Les enfants palestiniens ont été informés du cas de Zahran, de sa grève de la faim et de l’histoire du mouvement des prisonniers palestiniens, y compris les grèves de la faim. Ils ont aussi présenté le cas de Zahran et leurs travaux en tant que groupes de jeunes de Gaza à une délégation italienne de solidarité avec la Palestine.
Zahran a déclaré dans un communiqué publié par sa famille :
Je ne me soumettrai pas à l’occupant. Je ne resterai pas silencieux devant les crimes. J’éleverai fortement la voix . Si elle est assourdie, je parlerai avec les yeux et avec le coeur. Si je confronte cela à mon estomac vide et à mon corps aminci, c’est un cri de ma conscience vers la conscience de tous les gens dans le monde qui aiment la liberté. Je sais que moi, mes quatre enfants, ma femme, ma famille proche et étendue, ne sommes pas seuls. A nos côtés, il y a tous les gens qui dans le monde aiment la liberté, et, par conséquent, cette lutte continuera jusqu’à la victoire.
La femme de Zahran, Karima, a déclaré que leurs quatre enfants âgés de 7 à 15 ans sont dans l’attente de nouvelles de leur père. Elle a explique qu’ils ont appris depuis de nombreuses années à vivre sans leur père, en raison des arrestations répétées par les forces d’occupation israéliennes, mais qu’ils souffrent de son absence.
Leurs fêtes ne sont pas heureuses, leurs jours ne sont pas des jours, et même leur joie n’est pas une vraie joie. Chaque matin, ils se réveillent et demandent : y a-t-il du nouveau au sujet de notre père ? Est-il possible d’entendre sa voix, de l’appeler ? Pourra-t-on nous laisser le voir ? Pourquoi nous l’interdit-on ?
Les associations de prisonniers ont mis en lumière une tentative délibérée de la part des autorités d’occupation israéliennes, en particulier des services de renseignement, de bloquer tout accord qui conduirait à sa libération. Le Shin Bet a exigé que Zahran cesse sa grève de la faim, de façon qu’il puisse l’interroger, ce qu’il a refusé. Bien qu’il ne l’ait pas interrogé depuis son arrestation, il a aussi pressé le tribunal militaire d’Ofer de retarder toute action sur son cas de façon qu’il puisse être interrogé et être mis en accusation devant les tribunaux militaires.
Les associations politiques et sociales à Ramallah et à al-Bireh appellent à l’action pour soutenir les prisonniers. Elles appellent à participer à une manifestation le mardi 14 janvier à 13 h sur la Place Al-Manara à Ramallah en soutien à Ahmad Zahran et à ses camarades palestiniens prisonniers. La manifestation mettra aussi l’accent sur le besoin de mobilisation pour défendre les maisons des prisonniers menacées de destruction par les forces d’occupation israéliennes à Bir Zeit, al-Tira et ailleurs.
Zahran est l’un des 450 Palestiniens maintenus en détention administrative sur un total d’environ 5 000 prisonniers politiques palestiniens détenus dans les geôles israéliennes. Ces ordres de détention, introduits en Palestine par le mandat colonial britannique et adoptés par le projet sioniste, sont émis pour une durée de six mois maximum à chaque fois, mais renouvelables indéfiniment sur la base de « preuves secrètes ». Les Palestiniens peuvent être emprisonnés pendant des années à la fois en raison d’ordre de détention indéfiniment renouvelables.
Samidoun, Réseau de Solidarité avec les Prisonniers Palestiniens réitère son entière et inconditionnelle solidarité avec Ahmad Zahran et tous les prisonniers palestiniens luttant pour leur liberté. Nous exhortons tous ceux qui soutiennent la liberté dans le monde à être solidaires de Ahmad Zahran, dont la vie est en danger alors qu’il lutte pour mettre fin à la détention administrative. La solidarité internationale peut être importante pour montrer aux prisonniers palestiniens comme Ahmad Zahran qu’ils ne sont pas oubliés et pour mettre la pression sur l’état israélien -et sur les gouvernements qui le soutiennent- pour soutenir Zahran à obtenir la victoire de la justice et de la liberté.
Traduction Yves Jardin, du GT Prisonniers de l’AFPS