Image tournée par le caméraman de France 2 Talal Abou Rahmeh.
Le gouvernement israélien a affirmé, dimanche 19 mai, dans un rapport qu’un reportage de France 2 sur la mort d’un enfant palestinien dans les bras de son père en 2000 était "infondé", affirmant s’appuyer sur des images non montées du reportage. Ce rapport, qui réitère des positions de dirigeants politiques et militaires israéliens, est publié à quelques jours d’une décision de justice à Paris sur une affaire de diffamation entre l’auteur du reportage, le journaliste Charles Enderlin, contre Philippe Karsenty, directeur d’une agence de notation des médias.
Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a lui-même salué la conclusion du document, d’une quarantaine de pages. "Il n’y a qu’une seule façon de contrer les mensonges, c’est par la vérité", a insisté M. Nétanyahou, cité dans un communiqué accompagnant la publication du rapport.
"Les accusations et affirmations centrales du reportage de France 2 sont infondées dans le matériau que la chaîne de télévision avait en sa possession au moment du reportage", assure ce rapport commandité en septembre 2012 par M. Nétanyahou. "Contrairement à l’affirmation du reportage selon lequel l’enfant est tué, le visionnage des images non montées par la commission (gouvernementale) montre que dans les scènes finales, qui n’ont pas été diffusées par France 2, on voit l’enfant vivant", souligne le texte.
La chaîne a refusé de fournir les images non montées du reportage aux autorités israéliennes, a indiqué l’auteur du rapport, Yossi Kuperwasser, directeur général du ministère des relations internationales, sans préciser comment la commission israélienne s’était néanmoins procuré les images sur lesquelles elle fonde ses conclusions.
"FABRIQUÉ DE TOUTES PIÈCES"
Le reportage de M. Enderlin, correspondant à Jérusalem de France 2, montrait un Palestinien de 12 ans, Mohammad, protégé par son père, Jamal Al-Doura, pris sous les tirs croisés entre l’armée israélienne et des activistes palestiniens, au tout début de la deuxième intifada.
Selon le rapport israélien, il n’y a pas de "preuve que Jamal ou l’enfant aient été blessés de la manière présentée par le reportage (...). Au contraire, il y a de nombreuses indications selon lesquelles aucun des deux n’a été touché". Sur son blog, Charles Enderlin conteste cette affirmation, rappelant que Jamal Al-Doura a été hospitalisé à Amman (Jordanie), où il a reçu la visite du roi Abdallah.
Selon le document, l’examen balistique des impacts de balles à proximité du père et de l’enfant "montre qu’il est extrêmement douteux que les balles puissent avoir été tirées depuis la position israélienne comme l’implique le reportage de France 2".
"Nous avons toujours dit, y compris à la Cour suprême israélienne, que nous étions prêts à une enquête publique indépendante selon les standards internationaux", a déclaré M. Enderlin. "Nous n’avons jamais été contactés pour une enquête israélienne quelconque. Kuperwasser n’a jamais contacté France 2. S’il l’avait fait nous aurions demandé de quelle enquête il s’agissait et s’il était question d’une commission indépendante", a-t-il souligné.
"Nous avions aussi annoncé que nous étions prêts à aider Jamal, le père de l’enfant, pour un test ADN du corps de son fils si nécessaire", a ajouté Charles Enderlin. Jamal Al-Doura a quant à lui déclaré que le rapport était "fabriqué de toutes pièces". "Les Israéliens mentent et tentent de couvrir la vérité", a-t-il ajouté, précisant qu’il avait réclamé une commission d’enquête internationale avec la participation de sa famille et des autorités israéliennes.
Les images de l’agonie de Mohammed Al-Doura dans les bras de son père, à un carrefour proche de la ville de Gaza, avaient fait le tour du monde et constituent un élément majeur de la guerre médiatique entre Israël et les Palestiniens.
En France, la cour d’appel de Paris doit se prononcer le 22 mai sur la plainte en diffamation déposée par M. Enderlin contre M. Karsenty, qui avait affirmé que le reportage était truqué.