La loi indique explicitement que son objectif est d’assurer une majorité démographique juive. Les requêteurs soutiennent que l’État ne peut plus défendre la loi en s’appuyant uniquement sur des arguments de sécurité non fondés.
Selon Adalah, la loi est l’une des lois les plus racistes et discriminatoires au monde, et même la Cour suprême sud-africaine a invalidé des mesures similaires pendant l’Apartheid.
Le centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël a déposé une requête auprès de la Cour suprême israélienne en son nom propre et au nom de trois familles palestiniennes contre la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël (ordonnance temporaire) - 2022 adoptée par la Knesset israélienne le 10 mars 2022. La requête demande que la loi soit révoquée, car elle est discriminatoire à première vue, viole les droits constitutionnels fondamentaux et est contraire au droit international.
L’interdiction du regroupement familial palestinien affecte des milliers de familles palestiniennes et des dizaines de milliers de personnes. En bref, elle interdit aux citoyens et aux résidents d’Israël d’épouser des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, ainsi que des citoyens de pays dits ennemis - Syrie, Liban, Iran et Irak - et de vivre ensemble en Israël. Elle affecte de manière écrasante le statut de citoyenneté et la vie familiale des citoyens palestiniens d’Israël et des résidents palestiniens de Jérusalem.
La nouvelle loi adoptée par la Knesset israélienne intègre les dispositions d’une ordonnance temporaire antérieure, initialement promulguée en 2003 pour une période d’un an. La Knesset a prolongé la loi antérieure 21 fois au cours des 18 dernières années. Toutefois, le 6 juillet 2021, la loi a expiré, la Knesset n’ayant pas réussi à obtenir la majorité requise pour la prolonger en raison de factions politiques concurrentes.
Les requêteurs ont fait valoir que la nouvelle loi 2022 (ordonnance temporaire) indique clairement que l’objectif principal de la loi est démographique, comme Adalah l’avait également fait valoir dans ses pétitions précédentes contre la loi. Cet objectif est souligné dans plusieurs dispositions de la loi, notamment à l’article 1, qui stipule que "en tenant compte du fait qu’Israël est un État juif et démocratique", et dans une autre disposition qui fixe un quota sur le nombre de permis accordés par le ministre de l’Intérieur pour des "raisons humanitaires spéciales". La fixation d’un quota exclut la possibilité de tout examen individuel des demandes.
Les requêteurs ont également fait valoir que les justifications de sécurité avancées au cours du processus de rédaction de la loi à la Knesset indiquent également un objectif démographique inapproprié. Les initiateurs de la loi se sont appuyés sur des déterminations générales selon lesquelles tout "descendant" d’un parent palestinien constitue une menace pour la sécurité. Ils se sont également appuyés sur la doctrine de l’"étranger ennemi", qui détermine que tout individu vivant dans un "territoire ennemi" doit être considéré comme un ennemi.
En outre, les requêteurs ont affirmé que la loi est l’une des lois les plus racistes et discriminatoires au monde :
"La [loi] n’est pas seulement la loi la plus raciste des livres de droit israéliens, mais il n’y a aucun pays au monde qui porte atteinte au statut de citoyenneté ou de résidence de ses propres citoyens ou résidents, dont le cœur est la vie familiale, sur la base d’une affiliation ethnique ou nationale. Il n’existe aucun pays au monde qui limite le droit de ses citoyens ou résidents à une vie familiale avec des conjoints de leur propre peuple. Même la Cour suprême d’Afrique du Sud, en 1980, pendant l’Apartheid, dans un jugement qui a fait jurisprudence, a annulé une loi similaire qui interdisait l’unification des familles noires dans les zones où vivaient des Blancs, arguant, entre autres, que l’Apartheid n’a jamais eu pour but de nuire à la vie familiale."
Selon Adalah, les extensions répétées de l’ordonnance temporaire de 2003, y compris l’adoption de la nouvelle ordonnance temporaire de 2022, en font effectivement une législation permanente. La majorité des juges de la Cour suprême israélienne dans les deux précédents jugements sur la question, en 2006 et 2012, ont accordé un poids important au caractère temporaire de la loi afin de la justifier.
Par conséquent, les requêteurs ont demandé l’émission d’une injonction immédiate ordonnant au ministre de l’Intérieur et à la Knesset d’expliquer pourquoi la loi ne devrait pas être annulée et ordonnant le report de son entrée en vigueur.
Quelques heures après le dépôt de la requête, la Cour suprême a rendu une décision rejetant la demande d’injonction immédiate d’Adalah et a ordonné à l’État de déposer sa réponse initiale à la pétition avant le 15 mai 2022.
Adalah ajoute :
"Pour la première fois, la loi indique explicitement que l’interdiction du regroupement familial palestinien vise à servir le caractère juif de l’État. Les législateurs eux-mêmes ont déclaré qu’ils ont jugé bon de le faire, compte tenu de la loi sur l’État-nation juif de 2018. Comme Adalah l’avait alors soutenu, la loi sur l’État-nation juif consacre constitutionnellement la suprématie juive sur les Palestiniens et présente des caractéristiques distinctes de l’apartheid. Maintenant, la Cour suprême devra décider si elle continuera à permettre à l’État de fonctionner sur deux voies de citoyenneté distinctes basées sur l’affiliation nationale et ethnique sous l’éternel prétexte de la temporalité."
Traduction : AFPS