Après une longue attente et de
dures discussions avant et après
l’accord de La Mecque, le gouvernement
palestinien d’unité nationale
a finalement été formé. C’est un gouvernement
de coalition sur une base large
qui inclut le Fatah et le Hamas mais aussi
des représentants des autres groupes
palestiniens.
Cette formation s’est faite essentiellement
en réponse à l’urgence des considérations
palestiniennes internes plus
qu’à l’intensification des pressions et
des exigences externes. L’an dernier, les
Palestiniens ont subi une crise difficile
qui les a menés au bord d’une guerre
civile dévastatrice. Ce qui s’ajoutait à
un siège économique et politique sévère
et étouffant, imposé par Israël et la communauté
internationale.
Le siège a été décrété parce que, après
des années d’un processus politique pendant
lequel les Palestiniens ont été
contraints à accepter un certain nombre
de conditions israéliennes, le Hamas a
gagné les élections au Conseil législatif
et formé un gouvernement basé sur le
refus de reconnaître Israël ou tout accord
signé avec lui. Au contraire, il appelait
à lui résister. Ceci a déclenché la colère
d’Israël et de ses alliés occidentaux,
Etats-Unis en tête. Un siège dur a été
imposé au gouvernement Hamas dans
le but de modifier sa plate-forme politique.
La lutte interne entre le gouvernement
Hamas et les partisans du Fatah a encore
intensifié les conséquences de ce siège.
Dans le même temps, la grève des fonctionnaires
n’a pas seulement été dommageable
à l’intérêt public en fermant
écoles, hôpitaux et autres institutions
publiques, elle a aussi contribué à l’escalade
de la tension entre les éléments
armés du Fatah et du Hamas. Des affrontements
armés entre les deux parties se
sont produits et n’ont fait qu’empirer
avec le temps, jusqu’à devenir une menace
réelle de lutte armée ouverte. On était
alors à la croisée des chemins : ou le
Hamas se laisserait convaincre d’entrer
dans un règlement politique selon les
conditions israéliennes -devenues les
conditions internationales- ou il serait
chassé du pouvoir par les pressions
externes et les luttes internes.
Cependant, le cours des événements ne
s’est pas déroulé selon les voeux d’Israël
et de ses alliés. Aucun de ces scénarii
n’a vu le jour. A la place, le chaos s’est
installé dans les territoires palestiniens
occupés alors que les sentiments de frustration
et d’assujettissement augmentaient
chez les Palestiniens. Aussi ontils
serré les rangs autour du gouvernement
Hamas.
- “Le Proche-Orient pour les nuls”.
- © Bado, Le Droit
De plus, le malaise des Arabes devant cette
situation a crû, d’autant que cela s’ajoutait
à d’autres questions brûlantes dans
la région : l’Irak, les ambitions nucléaires
de l’Iran et le dossier syro-libanais. Il
est alors devenu indispensable de s’occuper
de la situation palestinienne, ce qui
a amené l’intervention arabe. L’apogée
fut la signature de l’accord de La Mecque
qui a mené à la formation du gouvernement
palestinien d’unité nationale et à une
avancée dans l’arène palestinienne.
Cette avancée n’était pas souhaitée par
les Israéliens. Israël a toujours fait le
choix de l’instabilité sur le front interne
palestinien. D’un côté, il tire profit du
manque de consensus chez les Palestiniens sur une stratégie unifiée pour combattre
Israël, et de l’autre il prend prétexte
de cette absence d’accord pour
affirmer qu’il n’y a pas de partenaire
avec qui négocier. Israël peut ainsi poursuivre
confortablement son occupation
de la Palestine et les mesures unilatérales
qui visent à imposer aux Palestiniens
le règlement qu’il veut.
La formation du gouvernement national
palestinien est un coup porté aux
plans israéliens. Pour échapper à la guerre
civile qui menaçait, le Fatah et le Hamas
ont dû s’accorder sur un partenariat
mutuel, fût-il sur le plus petit dénominateur
commun. Israël refuse de voir les
aspects positifs de cet accord, dont le
plus important est le changement du
Hamas qui accepte maintenant l’établissement
d’un Etat palestinien sur les
lignes du 4 juin 1967 et est prêt à remettre
à l’OLP les négociations avec Israël, en
la personne de son président, Mahmoud
Abbas.
C’est un changement substantiel dans
la position du Hamas. Pourtant Israël
n’y porte aucun intérêt, parce qu’il ne
veut pas d’un accord politique fondé sur
le principe de la fin totale de l’occupation
et de l’établissement d’un Etat palestinien
indépendant et souverain sur tout
le territoire occupé, en plus d’une solution
à la question des réfugiés qui soit
basée sur les résolutions internationales.
D’où l’expression du mécontentement
israélien face à l’accord de la Mecque puis
de la formation du
g o u v e r n e m e n t
d’unité nationale.
Israël annonçant qu’il
ne reconnaîtrait pas
ce gouvernement et
refuserait de traiter
avec lui s’il n’acceptait
pas les conditions
du Quartette -reconnaissance
d’Israël et
des accords signés
avec lui, en plus de la
libération du soldat
israélien capturé
Gilad Shalit.
A vrai dire, depuis
la signature de
l’accord de La
Mecque, Israël mène
une campagne vigoureuse
au niveau international
pour monter
les capitales occidentales contre les
Palestiniens et leur gouvernement. Maintenant
que le gouvernement est formé, il
redouble d’efforts et veut forcer les
membres du Quartette à adhérer
au sens que lui-même
assigne aux trois conditions.
En d’autres
termes, Israël ne
veut pas laisser les
membres du Quartette
interpréter
leurs propres
conditions de la
façon qui leur
semble appropriée et nécessaire pour
faire avancer le processus politique, mais
entend au contraire les contraindre à
accepter son interprétation.
- La proposition arabe de paix (la théière). Au dessus des deux gobelets : “le retour”, “le droit”.
- © Khalil Abu Arafeh
Pourquoi une telle pression de la part
d’Israël ? Celui-ci perçoit la possibilité
d’être aujourd’hui soumis à des pressions
auxquelles il ne veut pas être
confronté. Ces derniers mois ont vu un
changement d’atmosphère globale. Du
fait des conséquences de ses erreurs grossières
en Irak, l’administration des Etats-
Unis est soumise à des pressions internes
et externes pour reconsidérer sa politique
au Moyen-Orient. Au coeur de ces
pressions, accrues du fait des possibles
ramifications de l’implication régionale
iranienne, on note l’insistance des pays
arabes alliés des Etats-Unis sur la nécessité
de régler le problème palestinien
selon l’Initiative de Paix arabe.
En outre, la Russie résiste
à la mainmise tyrannique
des Etats-Unis sur la politique
internationale, notamment
au Moyen-Orient.
N’oublions pas non plus
l’ambition de l’Union européenne
de jouer un rôle
plus efficace dans cette
région, étant donné sa
proximité. De par tous ces
facteurs, il existe une ambition
tangible, arabe et internationale,
de trouver une
solution au conflit sur la
base de l’Initiative de Paix
arabe de 2002. L’existence
du gouvernement palestinien
d’unité nationale et
l’harmonie interne en
Palestine renforcent cette
volonté.
Israël va continuer à faire pression sur
les Etats-Unis et, directement et par
l’intermédiaire des Etats-Unis, sur le
Quartette, afin qu’il ne traite pas avec
le gouvernement palestinien. Ainsi espèret-
il détourner l’attention de sa propre
obstination et faire porter la responsabilité
aux Palestiniens. Israël entend aussi faire
pression sur les pays arabes afin qu’ils
amendent l’Initiative de Paix arabe et
lui retirent son contenu fondamental : un
retrait complet des territoires palestiniens
occupés et la nécessité de trouver
une solution au problème des réfugiés en
application de la Résolution 194 des
Nations unies. Israël fera tout ce qu’il
faut pour y parvenir, y compris mener une
campagne militaire de grande ampleur
contre la bande de Gaza.
Le succès ou l’échec d’Israël dans ses
entreprises actuelles dépendra de la capacité
du gouvernement palestinien et du
prochain sommet arabe de rester fermes.
Si les Palestiniens et les Arabes parviennent
à tenir bon sur l’Initiative de Paix
arabe telle qu’elle est, et si les Arabes
lèvent le blocus du gouvernement palestinien,
la pression par Israël échouera et
se tournera vers Israël à la place.
Cependant si la position des Palestiniens
et des Arabes montre la moindre faiblesse,
la situation tendra vers un règlement
selon les termes d’Israël. Le résultat
en sera un mini-Etat palestinien entouré
par le mur, divisé entre Gaza et la Cisjordanie,
sans droit au retour pour les réfugiés.
Ce sera le désastre ultime.
© bitterlemons.org
19 mars 2007.