Il a mis en question l’aspect « sacro-saint » des lignes de 1967 et a reconnu « la réalité sur le terrain » comme facteur déterminant pour l’avenir des colonies et des frontières. Il a donné l’engagement des Etats-Unis à maintenir la supériorité qualitative d’Israël sur les Arabes et félicité le Premier ministre israélien Ariel Sharon d’avoir fait un pas déterminé vers la paix. Dans le même temps, il exprimait sa solidarité avec le combat d’Israël contre la terreur et tout acte d’autodéfense qu’il jugerait nécessaire.
Les Palestiniens ont réagi par un mélange de colère et d’inquiétude. Ils ne s’étaient pas remis du choc encore qu’ils étaient témoins de l’assassinat du Dr Rantissi, le dirigeant du Hamas. Leurs mots belliqueux étaient un triste substitut à leur sentiment de faiblesse et de violation.
La rue arabe, comme Al Jazeera et d’autres chaînes l’ont montré, débordait d’émotion et de discours tandis que les Etats arabes réagissaient avec précaution- après avoir exprimé leur soutien éternel à la Palestine et déversé leur vitriol habituel sur Sharon. Le président égyptien, Hosni Mubarak, de retour d’une visite amicale au Texas, a déclaré que la haine des Arabes pour l’Amérique était au plus haut. Le roi Abdallah de Jordanie a sagement « repoussé » à une quinzaine de jours sa visite à Washington. Le reste du monde a ressorti ses remarques poussiéreuses habituelles sur la paix.
La rage, les lamentations et les violentes expressions de haine exprimées contre l’Amérique et son président et contre Israël et les régimes arabes peuvent permettre de laisser cours à la colère mais ne peuvent se substituer à une stratégie. Il faut maintenant que les Palestiniens admettent le fait que le soutien des masses arabes et musulmanes ne peut pas résoudre, ne résoudra pas le problème palestinien. Il est nécessaire mais insuffisant.
Les Palestiniens doivent regarder leurs problèmes en face. Ils sont un peuple qui vit sous l’oppression de l’occupation ; leur direction est affaiblie et isolée, sans armée, avec des forces de sécurité en lambeaux ; l’économie est en ruine et les institutions détruites. Leur image de défenseurs d’une juste cause s’est progressivement et constamment transformée en image de terroristes. Cependant l’injustice historique infligée aux Palestiniens continue à définir leur combat comme le conflit de notre époque et c’est là que se trouve l’atout des Palestiniens.
Aucune des stratégies utilisées par les Palestiniens dans le passé n’a fait ses preuves. Le temps est venu de réfléchir, de réévaluer et d’innover. La violence peut introduire une solution mais elle ne peut la concrétiser. Les Palestiniens tout seuls ne peuvent pas libérer la Palestine. Aucun peuple n’a sacrifié davantage ou plus longtemps que les Palestiniens, mais le sacrifice sans stratégie conçue pour gagner n’est pas suffisant. Dans une lutte de cette ampleur, il est indispensable d’avoir plus d’alliés qui, pour des raisons qui leur sont propres, partagent la vision d’un Etat de Palestine à côté d’Israël. Il faut identifier et mobiliser des alliés aux Etats-Unis et en Israël, les deux pays qui jouent un rôle central dans l’issue de ce conflit. La violence contre des civils nous aliène ces alliés potentiels et le peuple palestinien doit faire le choix décisif entre la confrontation militaire ou la résistance pacifique et les négociations.
Il faut donner aux Palestiniens la possibilité d’élaborer et d’exprimer leur choix. Il est temps, plus que temps, que les Palestiniens votent et qu’ils élisent leurs représentants. Les Etats-Unis ne peuvent pas sérieusement empêcher un peuple de voter. C’est aussi a-américain que la monarchie. Une fois convaincus, les Etats-Unis peuvent amener Israël à rendre les élections possibles. Il faut que toutes les parties sachent que les compromis requis pour faire la paix ne peuvent être faits que par des représentants élus. Ce serait bien de coupler les élections avec un referendum sur la solution de deux Etats, fondée sur la feuille de route. La feuille de route est un instrument international accepté par les directions israélienne et palestinienne de même que par le Quatuor et la Ligue arabe. Un tel referendum définirait les paramètres de l’horizon politique des Palestiniens. Les opposants à la feuille de route perdront leur capacité de bloquer les progrès si à ce referendum le oui l’emporte.
Les Palestiniens doivent aussi faire des choix quant à l’avenir de Gaza après les retraits israéliens. Il faut que Gaza soit une réussite, enlevant ainsi aux faucons israéliens un argument pour étendre l’occupation de la Cisjordanie. Ce retrait probable donne aux Palestiniens une occasion rare, celle de planifier un événement à venir plutôt que d’être confrontés à son accomplissement. Il faut concevoir ceci comme une première étape dans l’établissement de leur Etat viable. Les suggestions que fait Marwan Barghouthi méritent qu’on les prenne sérieusement en considération. Elles donnent le contexte politique qui fait de ce retrait un pas vers l’indépendance plutôt qu’une chute vers l’abîme.
Au delà, il faut faire des plans concrets pour le logement, les routes, les parcs, les usines et les écoles et tous les aspects de la vie et il faut qu’ils soient prêts pour leur mise en œuvre. Ce projet serait mieux réalisé sous les auspices d’institutions internationales comme la Banque mondiale, avec la participation active des Palestiniens eux-mêmes. On peut confier cette tâche à une nouvelle entité formelle.
Des élections libres, sur des problèmes en débat et avec des choix clairement définis, permettront que les représentants légitimes s’attaquent au problème de la sécurité palestinienne et israélienne sous l’égide indispensable des Etats-Unis. L’Egypte et la Jordanie peuvent jouer un rôle significatif pour faire naître ce processus.
Il faut prendre au mot le président des Etats-Unis quand il dit que les problèmes du statut final seront laissés aux parties. Préjuger de l’issue ne servira à rien. Seuls les représentants légitimes des deux peuples auront l’autorité et la capacité de faire les compromis que la paix requiert et eux seuls peuvent assurer sa pérennité.