Photo : Un Palestinien devant la projection d’un discours de Mahmoud Abbas en 2012. Crédit Oren Ziv - ActiveStills.
La deuxième partie de l’attaque aérienne et terrestre d’Israël contre le camp de réfugiés de Jénine semble être en cours, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ayant arrêté des militants de la résistance appartenant au Jihad islamique dans le nord de la Cisjordanie.
Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, avait espéré que l’opération de deux jours menée au début du mois donnerait un coup de pouce à l’Autorité palestinienne, qui a perdu depuis longtemps sa capacité à arrêter des Palestiniens dans la ville pour le compte d’Israël.
Plus généralement, l’Autorité palestinienne à Ramallah est à son point le plus faible. Son avenir est incertain, car il n’y a pas de successeur clair à son chef, Mahmoud Abbas, âgé de 87 ans, et sa légitimité est de plus en plus remise en question.
Comme l’explique Omar Karmi de The Electronic Intifada, "sous la direction d’Abbas, l’Autorité palestinienne est devenue antidémocratique et répressive, et n’est plus qu’un simple distributeur d’aide internationale et un faible sous-traitant de la sécurité israélienne."
Non pas qu’il ait jamais eu l’intention d’être autre chose. Mais ce rôle est devenu de plus en plus évident et intenable.
L’Autorité palestinienne n’a pas réussi à protéger les Palestiniens de Cisjordanie contre les récents pogroms des colons visant à les terroriser et à les priver de leurs terres. Israël a mené des raids répétés dans des villes sous le contrôle officiel de l’Autorité palestinienne, parfois en plein jour, entraînant souvent la mort de nombreux Palestiniens.
C’est sans parler des abus quotidiens perpétrés par les forces d’occupation.
Il n’est guère surprenant que la résistance armée se développe. Le "processus de paix" d’Oslo n’ayant fait qu’accélérer la colonisation israélienne et consolider le contrôle de Tel-Aviv, de nombreux Palestiniens ne voient guère d’autre solution pour obtenir leur liberté et leurs droits fondamentaux.
Une bataille difficile
Réaffirmer son contrôle sera une bataille difficile pour le gouvernement de Ramallah et ne fera probablement que le rendre plus impopulaire, en particulier lorsqu’il s’en prend à la résistance armée.
Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne se sont déployées dans le centre des villes de Cisjordanie lundi soir en prévision de manifestations contre l’arrestation de militants de la résistance.
Jenin |
PA Security Forces (PSF) are being deployed in Jenin in preparation for an expected wide protest in 30 min, against the PA in protest of its arrest of Palestinian resistance fighters (wanted by Israel).
Similar protests are expected in other places https://t.co/4TeOlZhRvp pic.twitter.com/BCpRuvBncc
— Younis | يونس (@ytirawi) July 17, 2023
Traduction : Jénine - Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (AP) sont déployées à Jénine en préparation d’une vaste manifestation prévue dans 30 minutes, contre l’AP pour protester contre l’arrestation de résistants palestiniens (recherchés par Israël). Des manifestations similaires sont attendues dans d’autres endroits.
L’appel lancé par les Brigades de Jénine lundi était : "Nous ne demandons pas aux services de sécurité de se battre en notre nom ou de se tenir à nos côtés, mais nous leur demandons de ne pas nous poignarder dans le dos."
كتيبة جنين : "نقول لمحافظ جنين، كيف تقول أن ملايشة وبراهمة أحرقا مركز شرطة جبع وهما معتقلين لديكم قبلها بأيام.. نحن لا نطلب من الأجهزة الأمنية أن تقاتل عنا بل يكفي أن لا تطعننا بخنجر الاعتقالات السياسية". pic.twitter.com/NUHsbACx6w
— شبكة قدس الإخبارية (@qudsn) July 17, 2023
Traduction : Brigade de Jénine : "Nous disons au gouverneur de Jénine, comment dites-vous que Malaisha et Brahmane ont brûlé le poste de police de Jaba alors qu’ils étaient sous votre garde il y a quelques jours... Nous ne demandons pas aux services de sécurité de se battre en notre nom , mais il suffit qu’ils ne nous poignardent pas avec le poignard des arrestations politiques."
La répression actuelle par l’Autorité palestinienne - qui est loin d’être la première - a commencé alors que le siège de Jénine était toujours en cours.
Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont arrêté deux Palestiniens qui allaient aider à défendre le camp de réfugiés de Jénine contre les envahisseurs israéliens au début du mois de juillet, ce qui a suscité l’indignation de l’opinion publique.
Il n’est donc guère surprenant que trois hauts responsables du Fatah, la faction dominante de l’Autorité palestinienne, aient été chahutés et chassés d’un enterrement collectif de plusieurs des 12 Palestiniens tués au cours de l’offensive militaire.
CNN a rapporté que les cortèges funèbres "se sont rapidement transformés en une vaste manifestation de résistance, les factions armées palestiniennes proclamant leur victoire pour avoir simplement résisté à la puissance de feu d’Israël."
Quelques jours plus tard, l’Autorité palestinienne a envoyé une délégation dans la ville, historiquement un haut lieu de la résistance contre l’occupation et la colonisation - que ce soit par la Grande-Bretagne ou Israël, et contre l’oppression de l’Autorité palestinienne également.
Abbas s’est rendu à Jénine à bord d’un hélicoptère jordanien pour sa première visite dans la ville depuis 2012. C’était la première fois qu’il se rendait dans le camp de réfugiés de Jénine depuis son élection à la présidence de l’Autorité palestinienne en 2005 (il n’y a pas eu d’élections depuis.)
La rareté des visites de Abbas en dehors de la bulle de Ramallah - et les mesures extraordinaires qui doivent être prises pour rendre ces voyages possibles - soulignent l’impopularité, l’isolement et la distance de l’AP par rapport au peuple qu’elle est censée représenter.
Entouré de hauts fonctionnaires, dont Hussein al-Sheikh et Majed Faraj, Abbas a tenté de réaffirmer l’autorité de Ramallah et de consolider son pouvoir dans la ville - une démonstration destinée à la fois au public palestinien, aux interlocuteurs israéliens de l’AP et à ses sponsors américains et européens.
"Nous sommes venus dire que nous sommes une seule autorité, un seul État, une seule loi, une seule sécurité et une seule stabilité" a déclaré Abbas, une remarque qui s’adressait aux factions qui s’opposent à la collaboration de l’Autorité palestinienne avec Israël.
"Nous couperons la main à qui porte atteinte à l’unité et à la sécurité de notre peuple" a-t-il ajouté.
Le New York Times a rapporté qu’une vidéo de la visite de Abbas montrait les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne "empêchant un convoi militaire israélien d’entrer [à Jénine] - une scène si rare que beaucoup se sont demandés sur les réseaux sociaux s’il ne s’agissait pas d’une mise en scène."
Lundi, les Brigades de Jénine - affiliées au Jihad islamique - ont accusé Abbas d’avoir rompu un accord selon lequel l’Autorité palestinienne libérerait les personnes détenues lors de l’opération de Jénine en échange de l’absence de perturbations lors de la visite de Abbas dans la ville.
Appel à la transparence
Entre-temps, certains Palestiniens de Jénine demandent à l’AP - largement considérée comme corrompue par ses électeurs - de faire preuve de transparence en ce qui concerne la reconstruction du camp de réfugiés de Jénine, qui, selon Ramallah, nécessitera quelque 15,5 millions de dollars.
L’annonce récente par l’Autorité palestinienne d’une augmentation des salaires des forces de sécurité près de dix fois supérieure à celle accordée aux enseignants, qui se sont mis en grève au début de l’année, ne contribue pas à améliorer la perception de l’opinion publique.
Les besoins des habitants du camp de réfugiés de Jénine sont indéniablement importants à la suite de l’offensive israélienne.
Quelque 460 maisons ont été endommagées, dont 70 ont été détruites ou presque. Des infrastructures essentielles, telles que des routes, doivent être reconstruites, y compris un dispensaire qui a été rendu inutilisable.
This @ochaopt map shows the damage to civilian infrastructure in the #Jenin refugee camp from Israel's invasion last week. 460 residential units damaged (70 destroyed), + 9km of damaged water and sewage pipelines & 3.9km of bulldozed roads. Collective punishment = a war crime. pic.twitter.com/6ILDVBhJPZ
— Michael Bueckert (@mbueckert) July 13, 2023
Traduction : Cette carte de @ochaopt montre les dommages causés aux infrastructures civiles dans le camp de réfugiés de #Jenin par l’invasion israélienne de la semaine dernière. 460 unités résidentielles endommagées (70 détruites), + de 9 km de canalisations d’eau et d’égouts endommagées et 3,9 km de routes détruites au bulldozer. Punition collective = crime de guerre.
Une fois de plus, les États tiers paieront pour les dégâts causés par Israël, mais la soi-disant communauté internationale est de plus en plus lasse de fournir une aide humanitaire aux Palestiniens.
L’UNRWA, l’agence des Nations unies responsable de quelque six millions de réfugiés palestiniens, est au bord de l’effondrement financier, avec un déficit de financement actuel qui signifie qu’elle couvrira à peine ses dépenses jusqu’en septembre.
En juin, le secrétaire général des Nations unies a prévenu que la suspension des opérations de l’UNRWA aurait des conséquences "catastrophiques" et réduirait à néant des décennies de progrès en matière de développement humain.
Abandonnés par les puissances mondiales et trahis par leurs dirigeants, les Palestiniens sont essentiellement livrés à eux-mêmes.
Jenin |
A Palestinian commenting on the recent PA arrests of Palestinian fighters in Jaba’ after Israeli invasion of Jenin lately. pic.twitter.com/1KFPlWX1qY
— Younis | يونس (@ytirawi) July 17, 2023
Traduction : Jénine / Un Palestinien commente les récentes arrestations par l’AP de combattants palestiniens à Jaba’ après l’invasion israélienne de Jénine dernièrement.
Tel est le message qui nous est parvenu lundi du nord de la Cisjordanie :
"Nous ne demandons pas à l’Autorité palestinienne d’être à nos côtés, mais de s’éloigner de nous : .... Nous sommes capables de nous protéger nous-mêmes."
Traduction : AFPS