Le gouvernement israélien a commencé à construire la "barrière de sécurité" en avril 2002, que les Palestiniens appellent "mur de l’apartheid" ou "mur de la ségrégation."
Le tracé du mur ne suit pas la frontière de 1967, appelée ligne verte. Selon l’Ocha, bureau des Nations unies, 85 % du mur, qui sera long de 712 km une fois terminé, a été construit à l’intérieur de la Cisjordanie, coupant l’accès de nombreux villageois à leurs terres.

À Bil’in, chaque vendredi, les manifestations sont organisées depuis 2005. À l’occasion du 12e anniversaire de la lutte contre le mur, des jeunes palestiniens l’ont escaladé et ont ouvert une lourde porte en fer qui sépare le village du reste de ses terres. Mohammed Basman Yasin, habitant de Bil’in et photographe, a pris des clichés.
"C’était la première fois que je les voyais forcer le mur" - Mohammed Basman Yasin

Je participe depuis l’âge de 13 ans à la lutte des villageois de Bil’in contre la construction du mur. J’habite moi-même à Bil’in et ne pouvais accepter que nos oliviers, ressource principale de notre village, soient arrachés par des bulldozers et que le mur nous sépare d’une partie de nos terres. J’ai maintenant 23 ans et n’ai loupé presque aucune des manifestations organisées chaque vendredi à Bil’in. Grâce à notre lutte, le tracé du mur a changé, nous avons pu récupérer une partie de nos terres, mais pas la totalité, alors nous continuons à manifester. Aujourd’hui, j’ai rejoint le comité de résistance populaire non violente de Bil’in et je documente notre lutte grâce à l’appareil photo que l’ONG israélienne Bet’selem m’a donné.

J’ai photographié ces jeunes qui prenaient le risque d’escalader le mur, puis ils l’ont franchi, quelque part ils ont dénoncé à leur manière une frontière arbitraire. C’était leur initiative, pas celle du comité, mais j’ai trouvé qu’elle était visuellement forte et courageuse car c’est très dangereux, l’armée israélienne peut ouvrir le feu. Aussi c’était la première fois que je les voyais forcer le mur, raison pour laquelle je l’ai photographié et partagée sur les réseaux sociaux. La communication fait partie de nos armes contre l’occupation.

"Aujourd’hui, les moyens légaux en Israël sont épuisés. Reste aux habitants la mobilisation"
Michael Sfard, avocat israélien, cofondateur de Yesh Din, une organisation de défense des droits humains, a représenté les villageois de Bi’lin auprès de la cour suprême israélienne.
Bil’in fait partie des cas les plus importants sur lesquels j’ai travaillé. Avec une équipe de cinq avocats dont je faisais partie, nous avons déposé une pétition devant la cour suprême israélienne. La décision de la Cour du 4 septembre 2007 a ordonné à l’armée de planifier et de mettre en application un nouvel itinéraire pour le mur. Nous avons réussi à prouver que le tracé n’avait pas été établi pour des raisons de sécurité, mais pour permettre l’extension de la colonie de Modiin Illit, l’une des plus importantes de Cisjordanie. La décision de la Cour appliquée en 2011 par l’armée israélienne a permis aux habitants de Bil’in de retrouver 800 dunams (soit 80 hectares) de terres. Cependant 1200 dunams (soit 120 hectares) restent derrière le mur. C’était une victoire réelle même si partielle pour les habitants. Chaque mètre carré de terre récupéré compte. Cela n’aurait pas été possible sans la mobilisation des habitants et sans le recours en justice. Aujourd’hui, les moyens légaux en Israël sont, je le crains, épuisés, car les terres ont été déclarées “terres d’État” par Israël. Reste cependant aux habitants la mobilisation pour affecter l’opinion publique.

"Nous avons fait le choix de la résistance non violente, inspirée de grandes figures pacifiques comme Gandhi ou Martin Luther King"
Iyad Burnat dirige le Comité populaire contre le mur et les colonies à Bil’in. Il est l’auteur du livre "Bilin et la résistance non violente".
Lorsque nous avons appris que le gouvernement israélien avait décidé de construire un mur sur nos terres, nous nous sommes très vite mobilisés. Nous n’allions pas assister passifs à l’arrachage de nos oliviers par des bulldozers pour construire le mur. Nous avons fait le choix de la résistance non violente, inspirée de grandes figures pacifiques comme Gandhi ou Martin Luther King. D’autres villages comme Boudrous, près de Ramallah, s’étaient mobilisés contre la construction du mur sur leurs terres de façon pacifique. Nous avons suivi leur action et initié la nôtre à Bil’in. La Palestine a une longue histoire de résistance non violente à l’occupation. Par exemple, pendant la première Intifada (soulèvement palestinien à la fin des années 1980, NDLR), les Palestiniens ont eu recours à la grève, aux manifestations en masse. Nous avons puisé dans cette riche histoire de résistance civile.

Chaque vendredi depuis 2005, nous organisons des manifestations. Chacun est libre d’y participer. Des étrangers et des israéliens manifestent à nos côtés. Nous sommes régulièrement la cible de l’armée qui tente de disperser les manifestants, en utilisant des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes, des balles en caoutchouc et même parfois des balles réelles.
Pourtant, nos manifestations sont pacifiques. Nous apprenons aux enfants à ne pas lancer des pierres, à exprimer leur colère autrement. Mais selon moi, jeter une pierre n’est pas un crime. Notre mot d’ordre est clair : ne pas tuer. Nous organisons des ateliers pour transmettre le message de la résistance non violente. Nous imaginons de nouvelles façons d’attirer l’attention des médias sur notre lutte, comme lorsque nous nous sommes déguisés en Na’vis du film Avatar de James Cameron.
Manifestation en 2010 à Bil’in, des habitants étaient cette fois déguisés en Na’vis.
Escalader le mur ne fait cependant pas partie de nos idées. Mais nous ne prétendons pas contrôler les habitants. Chacun reste libre.