Après la libération intervenue au
début de juin 2005 de 450 prisonniers,
7500 Palestiniens
demeurent emprisonnés en Israël, dans
divers lieux de détention. Plus de la moitié
y exécutent les peines auxquelles des
tribunaux israéliens les ont condamnés
en toute illégalité au regard du droit
international, notamment des dispositions
de la 4ème Convention de Genève
qui protègent les populations de territoires
occupés. Elle interdit notamment à la
puissance occupante, dans ses articles 49
et 76, de déplacer des personnes protégées
vers son territoire, de les y détenir
et de les faire comparaître devant ses
tribunaux.
Un sixième de ces Palestiniens attendent
leur procès, et un autre sixième est
placé en détention administrative, sans
le moindre procès, à Ketziot, au fin fond
du désert du Néguev.
Parmi les prisonniers, on compte 123
femmes et 288 enfants ; ceux-ci étaient
338, en octobre 2004, mais certains ont
atteint 18 ans en prison. Ces 288 enfants,
dont 13 fillettes, sont détenus dans diverses
prisons israéliennes, où ils partagent parfois
la cellule de détenus israéliens de
droit commun, ce qu’interdit évidemment
la Convention sur les droits de
l’enfant.
En se permettant de placer 22 de ces
enfants en détention administrative, les
autorités israéliennes enfreignent encore
plus la Convention sur les droits de
l’enfant. Son article 40 interdit la détention
d’un enfant contre lequel ne sont
pas établies des charges précises, charges
et preuves devant évidemment être accessibles
à l’enfant et à son défenseur.
Le régime de la détention administrative
imposé à tant de Palestiniens, consiste
à les emprisonner pour des périodes de
un à six mois, indéfiniment renouvelables,
sans leur indiquer quels griefs
leur sont « reprochés », ces griefs et leurs
éventuelles preuves étant de toute façon
classés « secret défense ».
Le récit que voici, publié par Defence
for Children International, est celui d’en
enfant de Deheishé qui avait 15 ans lorsque
des militaires israéliens sont venus l’arrêter
chez ses parents, le 22 Novembre
2002 et qui a vécu 20 mois en détention
administrative.
Christiane Gillmann
Témoignage
Defence for Children International
décrit sur son site
ce qui est arrivé à M., cet enfant
de Deheishé qui avait 15 ans lorsque des militaires israéliens
ont envahi le domicile de ses parents, le 22 novembre 2002
à 3 heures du matin ; ils ont fait attendre dehors, dans le froid
et l’obscurité, toute la famille, les parents de M. et leurs huit
enfants, pendant qu’ils fouillaient minutieusement la maison.
Puis ils ont arrêté M. et son frère aîné, leur ont bandé les
yeux et passé les menottes et les ont emmenés, avec d’autres
Palestiniens, à Gush Etzion où M. est resté assis sous la pluie,
plusieurs heures, exposé aux coups des soldats israéliens qui
passaient devant lui.
Environ 14 heures après son arrestation, M. est enfermé dans
une toute petite cellule privée de fenêtre ; il y passe 45 jours,
avec le droit de sortir seulement 3 fois par jour pour aller aux
toilettes.
Le 5 janvier 2003, M. a 16 ans, âge à partir duquel les autorités
israéliennes considèrent les enfants comme des adultes,
contrairement aux dispositions de la Convention sur les droits
de l’enfant. Le jour même, en guise d’anniversaire, il subit
un interrogatoire particulièrement brutal : ses géôliers le battent,
lui frappent violemment la tête contre le mur, lui brûlent
les chevilles avec leurs cigarettes.
Après cinq jours de ce traitement, M. est transféré au camp
militaire d’Ofer, près de Ramallah. Il apprend quelques jours
plus tard qu’il vient de faire l’objet d’un ordre de placement
en détention administrative pour six mois. Une semaine plus
tard, le juge militaire qui siège à Ofer confirme la mesure.
Il est rapidement emmené au camp militaire de Ketziot dans
le désert du Néguev. Il fait appel de la décision du juge militaire
d’Ofer, mais son appel est rejeté.
Quelques jours avant le terme de sa détention, il est de nouveau
transféré à Ofer. Une fois de plus il fait l’objet d’interrogatoires
accompagnés de violence ; les membres du Shabak
auxquels il a à faire cherchent à lui faire avouer des jets
de pierres et de cocktails molotov contre les soldats israéliens.
Comme il refuse d’avouer, on le place à nouveau en détention
administrative pour six mois et, au bout de ces six mois,
pour six mois encore. Il fait appel de ce dernier ordre et le
juge de la Cour militaire d’appel réduit la durée de la détention
à trois mois. Peu avant l’expiration de ces trois mois, il
est renvoyé à Ketziot ; sa détention est prolongée de trois mois.
Puis est renouvelée, pour la cinquième fois. Il fait appel et dit
au juge militaire devant lequel il comparait : « Pensez-vous
réellement qu’un enfant de 15 ans soit dangereux ? » « Oui »,
lui répond le juge, « expliquez-moi en quoi vous n’êtes pas
dangereux et je vous libèrerai ».
« Dans ma famille, personne n’a été arrêté ou tué par les
Israéliens », rétorque M. « Pourquoi aurai-je cherché des histoires
? » Le juge réduit alors de deux mois la dernière mesure
de détention administrative. Plus important, il dit qu’elle ne
pourra pas faire l’objet d’un renouvellement.
M. qui avait atteint ses 17 ans en détention, se retrouve libre,
le 18 juillet 2004, devant l’entrée du camp militaire de Ketziot
après vingt mois qui auront bouleversé sa vie.
Traduction : C.G.