En Cisjordanie occupée, les déplacements forcés prennent deux types de formes. Il y a les communautés et les villages dans lesquels l’armée israélienne arrive, accompagnée de bulldozers et démolit les habitations, infrastructures agricoles, écoles et tout type de lieux de vie. Il y a aussi les communautés qui après des années de harcèlement, attaques militaires et humiliations ne sont plus en capacité de vivre dignement et en sécurité sur leurs terres.
Les bédouins palestiniens doivent faire face à ces deux types de déplacement forcé. Dans une année qui avait déjà tout d’une catastrophe pour ces communautés, parmi les plus fragiles et persécutées dans toute la Cisjordanie et sur le territoire de l’État d’Israël. Les événements des dernières semaines, la flambée des violences de l’armée et des colons et l’impunité dont bénéficient ces derniers ont fait de la vie de milliers de bédouins un cauchemar.
En à peine deux semaines, 8 communautés bédouines ont été victimes de déplacement forcées. Ces communautés regroupaient 472 palestinien.nes. Six autres communautés ont aussi été partiellement expulsées. Une partie des familles de ces six villages ont quitté leur communauté. On parle ici de 552 palestinien.nes.
LE CAS DE WADI SIQ
L’une des plus importantes des huit communautés bédouines déplacées est celle de Wadi Siq. Harcelé.es depuis des années, attaqué.es, humilié.es, les 187 habitant.es de Wadi Siq ont fini par fuir devant l’imminence d’un bien plus grand danger.
Depuis le 7 octobre, plusieurs groupes de colons armés ont appelé les communautés bédouines autour de Ramallah, Jérusalem-Est occupée et de la Vallée du Jourdain à une « évacuation volontaire » sous peine d’être nettoyées par ces mêmes groupes armés. Depuis ce jour, des activistes de la résistance populaire palestinienne et leurs allié.es issu.es des organisations de Droits Humains israéliennes et internationales ont dormi à Wadi Siq afin de tenter de décourager ces volontés de massacre.
Face aux menaces de plus en plus pressantes, la communauté, sous l’impulsion de son chef Abderahman “Abu Bashar” Kaabneh, a décidé de fuir sa terre. L’évacuation a commencé par les femmes et les enfants, qui ont dû quitter les lieux aux premiers jours du démantèlement du camp. Le reste de la communauté s’est employée au démantèlement d’une partie du camp.
[1] Last week, while the world's attention was focused on Gaza, an armed group of settlers attacked the Wadi a-Seeq community. They beat, threatened, and looted the belongings of the shepherds. The Israeli authorities in the WB did nothing & left them defenseless. pic.twitter.com/iOOcBOf2tM
— Yesh Din English (@Yesh_Din) October 18, 2023
Mais les attaques ont tout de même eu lieu. Le 12 octobre, des hommes de la communauté de Wadi Siq, des activistes palestiniens, israéliens et internationaux ont été attaqués par un groupe de colons.
Trois palestiniens ont d’abord été arrêtés par l’armée israélienne. Cette dernière dans le contexte des frappes à Gaza et de préparation d’une potentielle offensive terrestre s’est vue dans l’obligation de recruter des soldats au sein des groupes armés de colons, notamment les "jeunes des collines".
L’attaque a commencé par l’arrivée d’entre 20 et 25 colons armés, escorté par des soldats israéliens. Avant d’être arrêtés par les soldats israéliens et emmenés dans une base militaire, trois palestiniens ont été dénudés, menottés, battus et torturés. Ils se sont fait écraser des cigarettes sur le corps, deux d’entre eux se sont fait uriner dessus avant d’être menacés de viol.
Quelques heures plus tard, un groupe d’activistes des Droits Humains israélien a été passé à tabac par ces mêmes groupes de colons, puis les soldats les ont arrêté et gardé en captivité trois de ces activistes pendant plus de trois heures. Leur tort ? Avoir documenté et filmé les agressions qui ont été rapportées.
Au cours de la soirée, les trois palestiniens arrêtés ont été libérés par les autorités administratives israéliennes en Cisjordanie occupée, après s’être fait saisir leurs affaires personnelles, téléphones, portefeuilles et vêtements. Quelques jours plus tard, ils ont pu témoigner au journal israélien Haaretz de ces attaques, de la torture qu’ils ont subi et du fait qu’ils n’avaient pas pu identifier si lorsqu’ils étaient en détention, les actes barbares avaient été commis par des soldats ou des colons.
Les répresentant.es de la communauté bédouine de Wadi Siq appellent à une protection internationale pour pouvoir retourner récupérer leurs affaires et les infrastructures qui n’ont pas pu être évacuées. La communauté a fui le plus rapidement possible après l’attaque du 12 octobre et n’a pas pu récupérer une grande partie de leurs biens, de l’eau, de la nourriture et le matériel scolaire.
Le protections des communautés bédouines des alentours de Jérusalem-Est, Ramallah et de la Vallée du Jourdain est un enjeu chaque jour plus crucial. Un nettoyage ethnique méthodique s’y illustre chaque jour un peu plus. Au cours des derniers mois, quatre communautés avaient été chassées de leur terre par la violence des colons armés et la complicité de l’armée israélienne : Qaboun, Al-Baq’aa, Ras-Al-Tin, et Ein Samiyah. Toutes entre mai et août 2023.
تحت ستار القتال في غزة، المستوطنون يحققون مخطط الدولة لتهويد مناطق C
منذ بدأت الحرب في قطاع غزة تصاعد مستوى العنف في الضفة الغربية. خلال عشرة أيّام فقط قتل الجنود والمستوطنون 62 فلسطينيًا هناك وأصابوا العشرات بجروح. > pic.twitter.com/8lrjCK2c93
— B'Tselem בצלם بتسيلم (@btselem) October 19, 2023
Les bilans des deux dernières semaines, qui sont de 1024 bédouins expulsés, six communautés partiellement expulsées et huit autres ont été intégralement chassées. Pour rappel les années 2022 et 2023 étaient déjà des années record, au cours desquelles six communautés avaient déjà été expulsées.
Sources : B’Tselem / Yesh Din / Sources Locales
Photo : B’Tselem