Le 30 mars de chaque année, les Palestiniens commémorent la Journée de la terre, jour où, en 1976, les forces israéliennes ont tué six citoyens palestiniens d’Israël et en ont blessé et arrêté des centaines d’autres lors de manifestations contre l’expropriation par le gouvernement de terres palestiniennes en Galilée. La Journée de la terre est devenue un symbole de la lutte des Palestiniens contre la confiscation des terres, les déplacements forcés et les politiques de judaïsation des deux côtés de la Ligne verte. Elle est observée comme une journée de solidarité et de souvenir, soulignant la résistance durable du peuple palestinien dans la poursuite de ses droits.
48 ans plus tard, les politiques israéliennes de dislocation, de dépossession et de déplacement persistent sans relâche, tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés. Cette année, les Palestiniens célèbrent cet anniversaire dans le contexte du génocide en cours à Gaza.
Déplacement de masse forcé et génocide à Gaza
Les actions menées par Israël contre les Palestiniens de Gaza au cours des cinq derniers mois constituent un génocide. L’armée israélienne a mené une guerre dévastatrice contre Gaza qui a coûté la vie à plus de 32 000 Palestiniens - dont 13 000 enfants - et déplacé de force plus de 1,7 million de personnes, dont la plupart étaient déjà des réfugiés. Sous des bombardements incessants, l’armée israélienne a ordonné à plusieurs reprises aux Palestiniens d’évacuer leurs maisons et de se rendre dans le sud de la bande de Gaza, dans le but apparent de les chasser du territoire. Dès le début, en octobre 2023, Adalah, en collaboration avec Médecins pour les droits humains – Israël (Physicians for Human Rights - Israel), a exigé qu’Israël mette immédiatement fin à ce plan.
Israël a imposé un siège strict à Gaza, la privant de nourriture, d’eau, d’électricité et de carburant, créant ainsi une crise humanitaire dévastatrice et une famine imminente. Cinq organisations de défense des droits humains, dont Adalah, ont déposé le 18 mars 2024 une requête auprès de la Cour suprême israélienne pour exiger le plein accès de toute l’aide humanitaire à Gaza, l’ouverture des points de passage terrestres et la satisfaction de tous les besoins de la population civile, en tant que puissance occupante.
En outre, depuis des décennies, Israël s’est emparé des ressources naturelles souveraines du peuple palestinien, et au milieu de sa guerre contre Gaza, le ministère israélien de l’énergie a annoncé en octobre 2023 qu’il avait accordé des licences à six entreprises israéliennes et internationales pour explorer le gaz naturel au large des côtes de Gaza, dans des zones maritimes palestiniennes en vertu du droit international. Avec les principaux groupes palestiniens de défense des droits humains, Adalah a contesté les licences israéliennes illégales d’exploration du gaz au large de la côte de Gaza, exigeant l’annulation des appels d’offres, qui violent le droit international.
Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé plausible l’affirmation de l’Afrique du Sud selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens de Gaza et a ordonné des mesures provisoires pour garantir que l’armée ne commette pas d’actes génocidaires. Le 6 mars 2024, l’Afrique du Sud a demandé à la CIJ d’agir d’urgence pour prévenir la famine à Gaza et d’indiquer d’autres mesures en raison des "violations manifestes et continues des mesures provisoires" précédemment indiquées par la Cour.
Évacuation forcée de villages bédouins palestiniens dans le Naqab
Israël continue de perpétrer le crime d’apartheid en poursuivant ses projets de déplacement forcé des habitants bédouins de leurs terres et de leurs maisons dans le Naqab. En juillet 2023, un tribunal israélien a décidé que les 500 habitants de Ras Jrabah, un village antérieur à la création de l’État, devaient évacuer et démolir leurs maisons avant mars 2024 et payer 117 000 NIS (≈ 32 000 USD) pour couvrir les frais de justice. Adalah représente les villageois et a fait appel de cette décision. Le 30 janvier 2024, le tribunal de district de Be’er Sheva a accepté la requête d’Adalah de geler les ordres de démolition et d’expulsion jusqu’à ce que l’appel soit décidé, malgré la forte opposition de l’État, et a reporté le paiement de la plupart des dépenses. Une audience sur l’appel est prévue pour le 29 mai 2024.
En outre, en 2022, l’Autorité foncière israélienne a engagé 18 procédures d’expulsion contre 290 habitants d’Al-Bqea’ah, un autre village non reconnu menacé de déplacement, les présentant comme des "intrus" sur les terres. L’État n’a pas fait valoir de prétendue nécessité publique de les déplacer. Adalah, ainsi que l’organisation al-Mezan, représentent les habitants contre les ordres d’expulsion émis par l’État et les procès pour déplacement. Les organisations ont présenté des preuves dans de nombreux cas, notamment des déclarations sous serment de résidents et des avis d’experts en urbanisme qui analysent des photos aériennes de la zone et proposent des solutions d’aménagement alternatives. Lors d’une audience tenue en décembre 2023, le juge a déclaré que l’État ne pouvait pas continuer à traiter les résidents comme des intrus, tout en précisant que, conformément aux précédents juridiques, l’État pouvait toujours les expulser. Sur cette base, le juge a demandé aux parties de trouver une solution, mais l’État n’a pas voulu envisager d’autres solutions que le déplacement du village. Ce mois-ci, Adalah et al-Mezan ont présenté leurs conclusions finales dans cette affaire.
Politiques de colonisation et d’annexion en Cisjordanie occupée
Le gouvernement israélien d’extrême droite a accéléré les politiques visant à renforcer les colonies juives et à consolider son contrôle et son annexion de la Cisjordanie occupée. Une étape importante a été franchie avec l’adoption d’un amendement à la loi fondamentale : le gouvernement qui a permis la nomination du président du parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, en tant que ministre supplémentaire au sein du ministère de la défense. Cet amendement permet de poursuivre les objectifs de la coalition, à savoir la "régularisation" des colonies et des avant-postes, une législation militaire qui appliquera essentiellement les lois israéliennes aux colons juifs israéliens uniquement en Cisjordanie, et bien d’autres choses encore.
Suite à cette nomination, Smotrich a assumé la responsabilité de l’unité de coordination des activités gouvernementales dans les territoires et de l’administration civile en Cisjordanie. Le 25 mars 2024, Adalah a envoyé une lettre à Smotrich, au ministre de la Défense, à l’AG et à d’autres personnes pour demander l’annulation du "document d’entente et de répartition des responsabilités et des pouvoirs entre le ministre de la Défense et le ministre supplémentaire du ministère de la Défense" qui a été signé en février 2023, ainsi que toutes les mesures et les décisions prises sur la base de ce document. Adalah a fait valoir que l’accord aggrave les violations du droit international, y compris : la perpétration de crimes de guerre en établissant des colonies dans les territoires palestiniens occupés ; des crimes contre l’humanité (apartheid) par l’application de facto des lois israéliennes aux colons israéliens en Cisjordanie ; et des crimes d’agression par l’annexion de facto, tout en violant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
Photo : Maghazi, Bande de Gaza, 30 mars 2014, des Palestiniens commémorent la journée de la Terre © Joe Catron
Traduction : AFPS