L’Office des Nations unies de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA, en français) fournit des services sociaux, de santé et d’éducation aux quelque 750 000 personnes, chassées de leurs terres à l’issue de la création d’Israël en 1948 [1] et après la guerre de 1967, et à leurs descendants. Opérationnelle depuis mai 1950, cette agence de l’ONU a vu son mandat prolongé encore jusqu’en 2014, en l’absence de solution politique à la question des populations réfugiées.
Jeune Afrique : En 2011, qui est-ce qui profite encore de l’aide de l’UNRWA, et comment ?
Filippo Grandi : Ce sont 4,8 millions de réfugiés palestiniens qui bénéficient de l’aide de l’agence, à l’intérieur et en dehors de 58 camps reconnus, en Cisjordanie, à Gaza, en Syrie, en Jordanie et au Liban. Quelque 60 % de nos ressources vont à l’éducation puisque 500 000 enfants vont tous les jours dans nos écoles.
Les financements sont-ils suffisants ?
Hélas, les contributions baissent depuis 2008, crise financière oblige, tandis que la population que nous aidons a crû de 3 %. Pour 2011, seules la Suède et la Grande-Bretagne sont parvenues à augmenter leur aide, alors que nous avons un déficit de 60 millions de dollars.
Y a-t-il des contributeurs africains à l’UNRWA ?
Les pays du Maghreb nous apportent un réel soutien politique durable. L’Afrique du Sud, à cause de son histoire, est très sensible à la question palestinienne et offre une contribution modeste mais fidèle et symbolique. Il en va de même pour la Mauritanie ou le Sénégal, qui préside aussi à l’ONU le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. La Libye nous fait parfois des dons importants mais de façon irrégulière.
Quelle est la situation des réfugiés de Gaza ?
Deux tiers des Gazaouis sont des réfugiés, et ils bénéficient d’un tiers des activités de l’UNRWA. La bande de Gaza connaît une crise humanitaire mais c’est bien sûr réducteur : la distribution d’aide ne résoudra pas la situation politique. Je salue l’ouverture du point de passage de Rafah à laquelle a procédé l’Égypte, qui est un geste symbolique. Elle reste cependant prudente et c’est tout-à-fait compréhensible. Cette réouverture est d’une importance psychologique capitale pour les Gazaouis, qui ont exprimé une grande joie ce jour-là.
Comment les réfugiés ressentent-ils les progrès de la réconciliation entre le Fatah et le Hamas ?
Dans l’ensemble ils sont indifférents à qui gouverne car ils sont préoccupés au quotidien par comment trouver de quoi manger, payer l’électricité… Mais la reconnaissance de leurs droits est pour eux une question de principe.
Quel rôle jouent-ils dans les négociations sur l’avenir de la Palestine ?
Actuellement ils ne peuvent jamais voter et n’ont jamais été consultés sur les orientations politiques. Mais ils sont un élément clé de l’avenir de la région, il faudra les inclure dans les discussions. Pour l’instant, la possible reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU en septembre ne changera rien pour eux. Ils peuvent être une force positive dans la paix, mais aussi source d’instabilité s’ils en sont exclus.
Et en Syrie, comment vivent-ils la révolte actuelle contre le régime ?
Ils sont environ 460 000 dans le pays, dont 30 000 près de Deraa, la première ville soulevée où nous avons dû fermer une douzaine d’écoles pendant quelques jours au mois de mars. Dans le camp de Yarmouk, près de Damas, il y a eu des affrontements entre factions palestiniennes soutenant ou non le régime syrien. Il n’a pas de bilan officiel mais nous sommes très inquiets. En période de crise politique, les populations étrangères sont toujours plus vulnérables et plus facilement victimes de manipulation.
Propos recueillis à Paris par Constance Desloire.