Nous avons eu l’occasion, récemment, de mettre en évidence le fait que le ministre français des Affaires étrangères était atteint d’un syndrome grave, celui du dédoublement de la personnalité. En demandant la libération « sans condition » du franco-israélien, le caporal Gilad Shalit capturé sur son char à Gaza par le Hamas, et en se refusant d’exiger la libération du franco-palestinien, Salah Hamouri condamné pour rien à 7 ans de prison par les autorités israéliennes, il montrait que pour lui il y avait Français et Français. Son sens de l’universalité des droits de l’Homme est du même coup mis en cause fondamentalement et son crédit atteint. Si ce n’était que le sien cela ne serait pas spécialement important, mais c’est que, désormais ministre, c’est le crédit de la France qu’il atteint et qui est atteint. Et cela n’est pas acceptable pas plus que n’était acceptable sa non-condamnation de l’intervention américaine, pourtant hors la loi, en Irak.
Mais avant de rencontrer les dirigeants israéliens le dimanche 5 octobre à Jérusalem, B. Kouchner a commis une déclaration des plus dangereuses. En effet, tout en expliquant que ce n’était pas la « solution », il a toutefois et par avance donné comme un feu vert à Israël pour non pas « manger », ainsi qu’il est écrit curieusement dans une première version, mais « frapper » l’Iran qui se doterait de l’arme nucléaire. Cela, personne ne peut le confirmer ni l’infirmer – M. El Baradeï au premier chef –, ce qui rend légitime le fait que tout le monde demande à ce pays, et exige de ses dirigeants, de respecter les termes du TNP dont l’Iran est signataire. Reste que les déclarations de Bernard Kouchner sont pure folie. Imagine-t-on les conséquences incalculables, pour toute la région mais aussi pour le monde, d’une frappe israélienne contre l’Iran ?
C’est d’autant plus inacceptable qu’ Israël, qui dispose de l’arme nucléaire suite à la vente par la France d’une centrale atomique à des fins civiles, n’est pas signataire dudit traité de non-prolifération nucléaire et que ses dirigeants, toutes tendances confondues, s’y refusent catégoriquement. Mais ce pays, comme l’Inde et le Pakistan dans la même situation, possède bien l’arme nucléaire (200 têtes, dit-on) et non seulement il refuse d’adhérer au TNP mais il refuse également de faire du Moyen-Orient une zone exempte de toute arme de destruction massive.
De « l’humanitaire » Bernard Kouchner a une bien curieuse conception. Un champ de ruines et de morts, un monde dans une guerre mondiale qui résulterait d’une frappe israélienne de l’Iran – voilà ce que le locataire du Quai d’Orsay envisage froidement. Ce Docteur Folamour des temps modernes ne doit pas laisser libre cours à sa fantasmagorie « rédemptrice ».
Il serait plus que temps qu’on en tire toutes les conclusions. On ne peut pas laisser la diplomatie française porter le treillis et le M16 en bandoulière, se transformant ainsi en fauteur de guerre dans le monde contemporain. Ce n’est responsable. Ce n’est ni son intérêt ni celui de la planète.
L’esprit de responsabilité doit reprendre place au Quai d’Orsay dont le titulaire ne peut être un adepte de la fameuse formule de Louis XV : « Après moi le déluge ! ». La question est maintenant posée.