Arrêté en 79, il n’est ni chiite ni membre du Hezbollah. Ce dernier a pourtant fait de sa libération la condition préalable à un échange de prisonniers avec Israël.
Dans le cadre de l’accord conclu entre Israël et le Hezbollah chiite libanais en vue de l’échange des corps des deux soldats israéliens enlevés en juillet 2006 contre des détenus libanais, un nom est central : Samir Kantar.
Kantar est le plus ancien détenu libanais dans les geôles israéliennes. Il a été arrêté en 1979 lors d’une opération menée dans la ville israélienne de Nahariyah. A l’époque, Samir Kantar, un druze, n’a que 17 ans et appartient au Front de libération de la Palestine. Lors de cette opération, trois Israéliens, dont une fillette de 4 ans, sont tués. Depuis cette date l’Etat hébreu a toujours refusé de libérer ce Libanais "ayant du sang sur les mains", selon l’expression consacrée. Israël a notamment lié la libération de Kantar à l’obtention d’informations sur Ron Arad, un pilote israélien disparu lors d’une opération au Liban en 1986. Selon le quotidien israélien "Haaretz", le Hezbollah a fait savoir hier à Israël que Arad était mort.
Le cas de Samir Kantar, qui n’est ni membre du Hezbollah ni chiite, est officiellement en tête de l’agenda du parti de Dieu depuis 2004. Cette année-là, le Hezbollah et Israël concluent un important accord d’échange. Des centaines de prisonniers libanais, palestiniens et d’autres nationalités arabes sont libérés par Israël en contrepartie d’un homme d’affaires israélien détenu par le parti chiite et des corps de trois soldats.
Libéré à 46 ans
"En 2004, Samir devait être libéré. Mais, au dernier moment, les Israéliens ont changé d’avis" , explique Bassem Kantar, frère du détenu qui s’occupe de la campagne pour sa libération. Peu après l’échange, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, déclare lors d’un discours : " Parce qu’ils (les Israéliens) ne l’ont pas libéré, je vous promets qu’ils le regretteront."
Deux ans plus tard, le 12 juillet 2006, Ehud Goldwasser et Eldad Regev, deux soldats israéliens, sont kidnappés lors d’une opération menée par le Hezbollah à la frontière israélienne. En Israël, les menaces du Hezbollah sont prises très au sérieux par certains. Le 19 juin dernier, la mère d’Ehud Goldwasser déclarait au "Haaretz" : " Si Kantar n’est pas échangé, il y aura d’autres kidnappings."
Dimanche, après l’annonce de l’approbation par Israël de l’accord d’échange, le Hezbollah a de nouveau fait référence au cas Kantar. "Personne au monde n’aurait été capable d’atteindre l’objectif d’Israël, récupérer les soldats, sans que la Résistance dicte ses conditions, à savoir la libération des prisonniers, a déclaré un responsable du Hezbollah, Hachem Safieddine. C’est la preuve que la parole de la Résistance est la plus vraie et la plus forte", a-t-il ajouté.
Dans environ deux semaines, selon les médias israéliens, Samir Kantar devrait retrouver sa terre natale. Pour Bassem Kantar, le rêve deviendra réalité. " Je n’avais que 11 mois quand Samir a été arrêté, je n’ai pas de souvenir de lui. Mais la première lettre que j’ai écrite était pour lui" , explique Bassem, journa liste pour un quotidien libanais. Selon lui, Samir n’est pas resté oisif durant ses 29 années d’incarcération. " Il a étudié par correspondance et décroché un diplôme en sciences humaines d’une université israélienne", explique-t-il. L’un de ses sujets de recherche était "les contradictions entre sécurité et démocratie en Israël" . Les cours n’étant dispensés qu’en hébreu, le combattant libanais a, en outre, appris la langue de l’"ennemi". "Il a eu 96 sur 100 au test de langue", précise son frère.
Que fera Samir, âgé aujourd’hui de 46 ans, quand il rentrera au Liban ? "Dans un premier temps, il va se faire une vie , estime Bassem. Mais, il m’a aussi dit qu’il sera toujours dans la résistance."