Le 17 mai est une étape importante pour la paix au Proche-Orient et les droits du peuple palestinien (1). Comment entendez-vous parler des soixante ans de la création d’Israël, qui va dominer médiatiquement, mais qui est en fait réducteur ?
Bernard Ravenel. Parler des soixante ans d’Israël c’est, en même temps, parler de ce qui a accompagné cette création, c’est-à-dire l’expulsion de la majorité des Palestiniens de leur pays. Il y a là une situation que nous ne pouvons pas esquiver étant donné que, pendant cette période qui s’ouvre, on va surtout parler de la création de l’État d’Israël et que pour la Palestine il n’y aura pas grand-chose qui sera dit par les institutions officielles. Donc, l’enjeu est de parler de la Palestine et d’évoquer cette histoire tragique longtemps niée. C’est un des objectifs de notre réunion du 17 mai : donner la parole aux nouveaux historiens israéliens qui, en quelque sorte, montreront la réalité historique et non pas la réalité mythique de la création de l’État d’Israël. Ceci est aussi un enjeu très important.
Comment aujourd’hui peut-on encore être optimiste concernant cette région du monde quand on voit ce qui s’y passe au quotidien ?
Bernard Ravenel. C’est évident qu’aujourd’hui les aspects de lumière ne sont pas très nombreux et que les aspects sombres l’emportent largement. C’est bien ça aussi qui nous oblige à interpeller encore davantage l’opinion politique française et européenne, pour qu’enfin les responsabilités soient prises. Il faut tenir compte de ce qu’attendent les Palestiniens et de ce qui n’est pas réalisé, c’est-à-dire la question d’un État palestinien qui est posée depuis soixante ans. Or, il y a eu cette conférence à Annapolis et un processus dont on dit officiellement qu’il devrait aboutir à la création de l’État palestinien d’ici à la fin de l’année. Tout le monde sait que ce ne sera pas le cas. Ce qui pose une question dramatique, parce que tout le monde sait aussi que la non-création de l’État palestinien cette année sera peut-être l’acte de décès définitif de cet État tel qu’il est annoncé, demandé par les résolutions de l’ONU à côté de l’État d’Israël. C’est pourquoi nous devons nous demander, étant donné que nous ne croyons pas à une situation militaire, quels types d’initiatives internationales peuvent être lancés pour mettre fin aux souffrances et aux agressions dont sont victimes les Palestiniens.
Quel type d’initiative internationale ?
Bernard Ravenel. Étant donné qu’Annapolis sera une occasion manquée, le problème est de savoir comment proposer une autre initiative. À mon sens, ça ne peut être que l’Europe, au niveau de l’Union européenne, qui puisse avoir la parole sur cette question, si on prend en compte l’échec américain et l’échec arabe. La question est donc de savoir ce qu’on propose, comment, avec qui on veut réaliser cette initiative internationale qui soit fondée bien sûr sur l’application du droit international. Sinon, on va vers une guerre régionale, parce que là aussi il ne faut pas oublier que désormais le conflit israélo-palestinien s’imbrique dans les autres conflits régionaux et qu’il n’y a pas de solution partielle. Il y a besoin d’une grande initiative, d’un grand dessein de compromis régional global, à partir de la question palestinienne, mais sans s’y limiter. La situation historique n’a jamais été aussi grave depuis très longtemps. Au minimum, nous devons interpeller ce que j’appelle l’opinion politique - les élus, le pouvoir - pour qu’ils prennent leurs responsabilités. Il y a un retard terrible à rattraper après l’échec prévisible d’Annapolis.
Où en êtes-vous sur l’interpellation des politiques ?
Bernard Ravenel. Le 17 mai, nous organisons un débat consacré aux perspectives européennes. Parce que nous pensons que c’est au niveau de l’Europe que se situent un certain nombre d’enjeux. Et comme la France prend la présidence de l’UE au mois de juillet, elle a la responsabilité principale. De ce point de vue, en même temps que nous préparons cette initiative, nous demandons le soutien de nombreux députés et sénateurs. Nous avons déjà le soutien, bien sûr, des parlementaires communistes, mais aussi de nombreux socialistes et nous avons quelques soutiens de députés UMP. D’ailleurs, Étienne Pinte, ancien membre de la commission des Affaires étrangères, a accepté de participer au débat sur l’Europe avec Leïla Shahid.
Sur quel point particulier allez-vous insister ?
Bernard Ravenel. La problématique pour nous est de mettre à l’ordre du jour un agenda politique sur la nécessité d’une initiative internationale comme je l’ai évoquée. Désormais ne sont plus négociables ni le contenu ni le temps. Nous voulons que dès maintenant démarrent les négociations sur le statut définitif de la Palestine et qu’il n’y ait pas de tergiversations utilisées par Israël pour poursuivre la colonisation comme ce fut le cas après Oslo. Il ne faut plus un processus de paix, il faut un accord de paix. Pour cela, il faut une intervention tierce, qui ne peut-être que l’Europe, même si les modifications de politique internationale de M. Sarkozy ne sont pas sans poser des problèmes. Ce qui nous oblige à élever le niveau de notre mobilisation, de présence politique et citoyenne en France. C’est le sens du 17 mai. La mobilisation grandit pour sa réussite. Face à la stratégie de guerre qui est celle d’Israël et des États-Unis, nous avons une stratégie de paix.