Environ 11000 colons juifs y vivent. Givat Zeev est aussi l’un des trois principaux groupes de colonies qu’Israël a déclaré vouloir conserver lors d’un accord de paix final, quel qu’il soit.
Les Palestiniens ont protesté lors de cette annonce, mettant en avant la contradiction avec les engagements qu’Israël a pris dans le cadre de la feuille de route et des accords de la conférence d’Annapolis qui stipulent qu’Israël va geler la construction dans les colonies. Saeb Erekat, négociateur palestinien, a accusé Israël de « mettre des bâtons dans les roues de la négociation » tandis que l’ancien premier ministre Ahmad Qorei, disant son « choc et sa stupéfaction », protestait contre cette décision auprès de la ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni.
La question ici est, d’abord et avant tout, celle des colonies israéliennes illégales. Au regard du droit international, non seulement Israël devrait arrêter l’expansion des colonies, mais de toutes façons il n’aurait jamais dû les construire. Mais tout aussi important est le prémisse qui étaie avec autant d’audace la politique d’ Israël : la notion du « Grand Jérusalem ». Aussi absurde que soit cette notion pour quiconque n’est pas israélien, ils ont quand même réussi à convaincre le monde en général que ce prémisse est valable et qu’il découle d’un droit donné par Dieu.
Jérusalem est, comme tout le monde le sait, l’une des questions les plus épineuses et compliquées dans la liste des négociations sur le statut final. Capitale revendiquée par les deux peuples, Jérusalem est ravagée par des années de conflit, de siège et de blocus économique. Israël, en plus de sa politique de séparation de Jérusalem de la Cisjordanie, a maintenu sa politique éprouvée qui consiste à créer des « anneaux de colonies » autour de la ville afin de s’assurer que la démographie de Jérusalem reste toujours favorable aux juifs.
Une récapitulation rapide de la terminologie israélienne concernant Jérusalem est nécessaire pour bien comprendre pourquoi Israël est si arrogant dans son attitude relative aux colonies. Alors que le secteur occidental fut annexé en 1948, la partie orientale fut occupée avec le reste de la Cisjordanie et Gaza en 1967. La seule différence c’est qu’Israël a unilatéralement annexé cette partie de la ville, habitée presque uniquement par des Palestiniens, et l’ a déclarée capitale éternelle et indivisible d’Israël. En 1980, la loi sur Jérusalem a été votée à la Knesset, qui réitérait que Jérusalem était la capitale d’Israël mais qui n’en fixait pas les limites. La communauté internationale, y compris les Etats-Unis, n’a toujours pas reconnu formellement l’annexion unilatérale de la cité.
Presque en même temps que la « légalisation » par Israël de son annexion de Jérusalem, le gouvernement a inventé une nouvelle expression : le Grand Jérusalem. En gros, seulement 30 % des terres qui forment le Grand Jérusalem ou métropole de Jérusalem, se trouvent à l’intérieur des limites d’avant 67. Le reste est reconnu internationalement comme territoire occupé bien que les Etats-Unis aient depuis des décennies officieusement appuyé le projet d’Israël pour Jérusalem.
Une partie de ce projet, qui vise à étendre autant que possible les limites de Jérusalem à l’intérieur de la Cisjordanie, c’est le processus permanent de colonisation à l’intérieur et autour de Jérusalem. Actuellement 250 000 colons juifs vivent dans les colonies de Jérusalem. Comme ces colonies sont jugées illégales au regard du droit international puisqu’elles sont construites sur un territoire occupé, Israël a modifié et détourné la terminologie- et il a gagné- en nommant ces colonies « quartiers » et « zones » de Jérusalem. Quand la question se pose de ces colonies qui sont bien évidemment construites sur des terres confisquées à des Palestiniens, Israël répond avec arrogance que la « zone » de Jérusalem-Est ne fait pas partie des accords. Quand Olmert affirme qu’il s’en tient à son engagement de ne pas étendre les colonies existantes en Cisjordanie, il est catégorique : cette contrainte ne s’applique pas aux colonies qui se trouvent dans les « limites » de Jérusalem. Peu importe que ces limites continuent à avancer selon l’humeur d’Israël.
Ce n’est qu’une partie du problème. Sans le soutien moral et financier que reçoit Israël, surtout des Etats-Unis, l’entreprise israélienne de colonisation aurait capoté depuis longtemps. Cela aurait eu lieu surtout si l’annexion illégale de Jérusalem-Est avait été suivie d’une action de la communauté internationale pour affirmer que tous les pays- particulièrement ceux qui prétendent être libres et démocratiques- doivent se conformer aux lois internationales qui les gouvernent.
Le fait demeure que cela ne s’est pas produit et, si on en juge par le passé, cela ne se produira vraisemblablement pas dans un avenir proche. Israël a assuré sa position comme bébé le plus cajolé des Etats-Unis et s’est même frayé un chemin dans l’arène internationale avec l’image d’un tout petit pays confronté à une énorme hostilité.
Cette attitude se retrouve dans la nonchalance de la communauté internationale par rapport à la construction de colonies à Jérusalem. Même si les Etats-Unis donnent de temps en temps la claque sur la main proverbiale à Israël pour désobéissance, il n’y a pour ce dernier aucune conséquence de ses actions. De plus, tant qu’Israël prétend que les colonies sont à l’intérieur des « limites » de Jérusalem (les limites municipales de Jérusalem décrétées unilatéralement continuent à s’étendre afin d’englober la vision du Grand Jérusalem), il s’est donné le prétexte légal qui lui permet d’opérer. Pendant ce temps Israël s’enfonce de plus en plus profondément en Cisjordanie.
La colonie de Givat Zeev est l’un des trois blocs qu’Israël a incorporés dans son plan du Grand Jérusalem. Les autres sont Gosh Etzion et le bloc de Maale Adumim qui fait partie du projet E1 dont le but est de relier cette colonie –la plus grande de Cisjordanie- à d’autres colonies de Jérusalem-Est comme Pisgat Zeev et French Hill, en évitant complètement le territoire palestinien. Ce bloc, de loin le plus envahissant de toutes les colonies de Jérusalem-Est, s’étend sur 22 000 dunums de terre confisquée aux Palestiniens. Quand il sera terminé, ce plan aura agrandi cette zone de moitié.
Aussi, si la question immédiate est ici celle des colonies, l’autorité qu’Israël s’est octroyée, de s’étendre et d’exproprier selon ses intérêts, est une question sous-jacente tout aussi importante. C’est pourquoi il faut s’occuper de Jérusalem maintenant et pas quand il sera trop tard. Israël essaie de toute évidence d’établir des faits sur le terrain à Jérusalem avant de venir à la table des négociations dans le contexte d’un accord final. Il ne faut pas lui permettre d’étendre les limites de la cité que lui seul considère comme sa capitale éternelle et indivisible tandis que le monde regarde avec indifférence et que le vol de la terre palestinienne continue.
Depuis 1948 les autorités israéliennes ont réussi à éliminer des dizaines de milliers de Palestiniens de leurs foyers dans la ville sainte par toute une série de mesures : expropriation de terres, expulsion, confiscation des papiers d’identité et le mur de séparation. Si ces colonies qui sont déjà énormes continuent à grandir, il ne restera plus grand chose à négocier quand on mettra finalement la question de Jérusalem sur la table.