« Nous devons attendre la
bonne occasion, et ne pas
le rater ». Pour le ministre
israélien des Infrastructures, Binyamin
Ben-Eliezer, les forces israéliennes se
doivent d’assassiner au Liban le chef du
Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah,
dès que l’occasion s’en présentera. C’est
en tout cas ce qu’il a asséné fin septembre
sur la radio de l’armée israélienne.
Pour lui, la guerre menée contre
le Liban pendant trente-trois jours, du
12 juillet au 14 août, le ravageant littéralement,
est loin d’être terminée et il
faut au contraire envisager sa reprise
dans les semaines ou les mois à venir.
Le temps de désarmer le Hezbollah ?
Ou le temps, du moins, d’exiger son
remplacement, au sud du pays, par les
faibles forces armées de l’Etat libanais,
au nom de la souveraineté et de l’intégrité
du pays du Cèdre ? Un mois et demi
après la fin officielle des « hostilités »,
selon la formule onusienne, l’armée libanaise
se déployait effectivement au sud
avec l’appui des casques bleus de la
Finul, tandis qu’Israël était censé finaliser
son évacuation du pays. Beyrouth
pourtant était à nouveau survolé par des
avions militaires israéliens. Et, selon
Dan Haloutz, chef d’état major israélien,
le retrait des troupes israéliennes
du Liban pourrait en fait préluder à un
nouveau redéploiement militaire, et à
une nouvelle vaste opération terrestre
dans la bande de Gaza.
Guerres totales
Entamée le 12 juillet, après l’enlèvement
de deux soldats israéliens par des
combattants du Hezbollah, cette nouvelle
guerre au Liban a été dévastatrice,
prenant pour cibles les civils et toutes
les infrastructures du pays. En un peu
plus d’un mois, elle a tué quelque 1300
civils libanais -et palestiniens- et a fait
plus de 3500 blessés. Dans une totale
impunité. Tandis que les bombardements
de la Palestine assiégée se poursuivaient- et se poursuivent - loin des regards
d’une partie des médias et des préoccupations
des chancelleries, des milliers
de tonnes de bombes se sont abattues
sur le pays du Cèdre et ses habitants.
Qu’ils aient transporté du pain ou des
réfugiés, les camions ont été systématiquement
visés. Bombardés. Carbonisés.
Comme les commerces ou les usines,
qu’elles aient produit du lait ou entreposé
des couches-culottes. Dès le 13 juillet,
l’aéroport de Beyrouth était en partie
détruit. Suivi par quelque 630 kilomètres
de routes, par les ponts, les réserves
d’eau, les stations d’épuration, les centrales
électriques, au prix d’une terrible
marée noire sur les côtes méditerranéennes,
toujours pas résorbée. Les ports
sont eux aussi atteints. Plusieurs dizaines
de milliers de maisons ont été rasées,
des quartiers et des villages entièrement
détruits, tels plusieurs quartiers du sud
de Beyrouth. Après le massacre de Cana,
le 30 juillet [1], les deux derniers jours de
guerre ont été parmi les plus meurtriers.
Trente mille soldats israéliens étaient
alors mobilisés au pays du Cèdre et les
raids aériens, décidés après l’annonce
du cessez-le-feu à venir, ont continué à
détruire et à semer la mort. Dans la seule
petite ville de Khiam, au sud du pays [2],
l’offensive israélienne s’est heurtée à une résistance acharnée des combattants
du Hezbollah. Le 14 août encore, on y
dénombrait quarante-deux morts et plus
de quatre-vingt-dix blessés, une vingtaine
d’autres corps étant toujours ensevelis.
En quelques jours à peine, plus d’un million
deux cent mille Libanais, soit près
du tiers de la population, sont devenus
des réfugiés. La plupart, revenus chez
eux, n’ont plus retrouvé que des ruines.
S’attelant à la reconstruction des habitations
ou des écoles, ils se heurtent
aujourd’hui à la présence massive de
mines antipersonnel et de bombes à fragmentation
israéliennes non explosées.
Chaque jour, elles continuent de tuer.
Le blocus aérien et maritime toujours
imposé par Tel-Aviv, lui, a également
poursuivi ses ravages, de la même façon
en toute impunité. Mi-août, Jan Egeland,
coordinateur des Affaires humanitaires
des Nations unies, affirmait que le pays
était proche de la « catastrophe humanitaire
». Si tout le pays est atteint, les
populations les plus pauvres, les plus
fragilisées par les carences d’investissement
de l’Etat pendant des décennies,
sont les plus touchées, de Nabatyieh à
Marjayoun, de Tyr aux quartiers populaires
de Beyrouth-sud... Quant aux conséquences
économiques de la guerre, elles
sont considérables, sur le très long terme.
Pour la première fois, les tirs du Hezbollah
ont atteint non plus seulement le
nord d’Israël (dont la Galilée), mais également
des villes importantes à plusieurs
dizaines de kilomètres de la frontière,
comme Haïfa, occasionnant aussi des
dégâts importants, bien que sans commune
mesure avec les destructions dans les
villes libanaises. Une quarantaine de
civils israéliens en sont morts, ainsi qu’un
peu plus d’une centaine de soldats.
Loin des caméras de télévision, en Palestine,
par dizaines, des Palestiniens ont
été et sont encore eux aussi fauchés. Par
centaines, blessés. Quasiment tous les
jours. L’offensive de l’armée israélienne
dans le territoire palestinien, qui passe par
le déploiement de dizaines de chars, couverts
par des raids d’hélicoptères, par
des avions drones (comme par les passages
incessants, psychologiquement
insupportables, d’avions franchissant le
mur du son à très basse altitude de jour
comme de nuit) a détruit les routes, les
ponts, et la principale centrale électrique
de la bande de Gaza, dès le début de
l’offensive. Avec des
conséquences gravissimes,
notamment pour
l’approvisionnement
en eau potable. Le blocus
qui s’éternise
empêche les vivres de
passer, comme le carburant
nécessaire au
fonctionnement des
groupes électrogènes
et des pompes à eau.
La Cisjordanie occupée
survit au rythme
des checkpoints et des
chars, des bulldozers
de la colonisation, des
enlèvements de civils
palestiniens par centaines
dont près de dix
mille s’entassent dans
les geôles israéliennes.
Parmi eux, soixante quatre
responsables politiques palestiniens
dont huit ministres et vingt députés.
La fable du début de l’Histoire
Difficile de faire croire qu’avec un tel
déploiement de forces accompagné de
tels crimes de guerre, il s’est agi pour
Israël de récupérer deux soldats enlevés
par le Hezbollah le 12 juillet et un tankiste
retenu dans la bande de Gaza depuis
le 25 juin par un groupe de combattants
palestiniens. Difficile aussi de continuer
à affirmer raisonnablement que des guerres
aussi destructrices pourraient n’être assimilées
qu’à de simples « ripostes disproportionnées
» pour lesquelles n’auraient
manqué qu’un peu de retenue. Car, pas
plus au Liban qu’en Palestine, obtenir
la libération de ces soldats ne saurait justifier
des centaines de morts et de blessés,
des milliers de réfugiés, de telles
destructions de masse. Non pas seulement
d’un point de vue éthique, mais
même d’un simple point de vue militaire.
Les jours qui ont suivi la fin officielle
des « hostilités » au Liban ont du
reste bruissé de rumeurs successivement
démenties et réaffirmées de négociations
avec ou sans tiers sur
de possibles échanges
de prisonniers.
Difficile aussi de perpétuer
la fable d’une
histoire commençant
en Palestine un 25 juin
et au Liban un 12
juillet. En Palestine,
l’évacuation de l’armée
et des colons de Gaza,
voici un peu plus d’an,
s’est traduite par la
transformation de ce
territoire en prison à
ciel ouvert. Une prison
coupée de la Cisjordanie
occupée
comme du reste du
monde. Depuis des
mois, la bande de Gaza
subit les raids incessants
de l’aviation et de la marine israéliennes.
Certes, les soldats ne sont plus
à l’intérieur de ce territoire. Mais ils le
mitraillent sans relâche du ciel et de la
mer.
Au Liban, le retrait israélien en 2000,
qui a valu à la résistance et singulièrement
au Hezbollah une aura nationale
et régionale, n’avait pas clos le dossier
de la guerre israélo-libanaise. Le hameau
des fermes de Cheba’a, qu’occupe toujours
Israël qui le considère comme
syrien, demeure un abcès de fixation.
Tel-Aviv n’a jamais communiqué à Beyrouth,
ni au Nations unies, la carte des
milliers de mines antipersonnel disséminées
dans le sud du pays. Plusieurs
prisonniers libanais sont toujours détenus
en Israël. En outre, le non règlement
du conflit israélo-palestinien maintient
quelque 450 000 réfugiés palestiniens
(essentiellement sunnites) sur le territoire
libanais, privés quasiment de tout
droit et sans perspective de retour proche. Alors que les avions militaires israéliens
ont continué à survoler le ciel libanais ces
six dernières années et que les « accrochages
» frontaliers ont été nombreux.
Les tentatives du Hezbollah de capturer
des soldats israéliens pour permettre
d’envisager un échange de prisonniers,
telles que celle -militairement réussie-
du 12 juillet, lancée en pleine campagne
militaire israélienne contre la population
palestinienne, ne sont pas nouvelles.
Détruire et délégitimer toute résistance
Mais prétendre que l’histoire aurait commencé
ici un 25 juin, là un 12 juillet permet
aux autorités israéliennes de se
dédouaner de la responsabilité du conflit
et de ses conséquences. Comme s’il était
indépendant de tout objectif territorial
ou stratégique, tant sur la scène palestinienne
que sur la scène libanaise.
Il s’agit aussi de délégitimer toute forme
de résistance à sa politique unilatérale,
comme s’il n’y avait pas d’occupation et
de conquête territoriale d’un côté, et de
résistance de l’autre. En fait, dans une telle
narration, si l’histoire commence avec
l’enlèvement des soldats, alors Israël
n’exerce que son droit à l’autodéfense ;
mieux : ce faisant, il débarrasse le monde
civilisé des organisations terroristes responsables
de ces enlèvements. La « guerre
antiterroriste » appelée de ses voeux par
George W.Bush devient défensive pour
Israël et, plus globalement, préventive
pour la civilisation... Une version qui
s’adresse à l’opinion israélienne comme
à l’opinion internationale.
Cette thèse vise d’abord la Palestine. Si
la constitution du gouvernement du
Hamas, à l’issue des élections législatives
de janvier dernier, a servi de prétexte
récent au gouvernement israélien
pour rejeter le principe de négociations
avec la partie palestinienne, ce refus se
perpétue en réalité au moins depuis
l’échec de la négociation de Camp David
en juillet 2000, d’abord à l’encontre du
président Yasser Arafat, puis vis-à-vis de
son successeur, Mahmoud Abbas, qui a
pourtant fait de la négociation l’oméga
de sa stratégie. Dans ce contexte, l’intensification
de la colonisation (voir encadré),
l’étranglement de la population et
l’absence de perspective ont de toute
évidence contribué à la victoire du mouvement
de la résistance islamique. L’enjeu
pour Israël est clair, confirmé, on s’en souvient,
par les propos de Dov Weisglass
(conseiller d’Ariel Sharon, Premier
ministre d’alors dont Ehud Olmert se
revendique l’héritier) lors du débat sur
le retrait de la bande de Gaza ; celui-ci,
disait-il sans fard, devait permettre de
geler toute négociation politique avec la
partie palestinienne. Des retraits partiels
et unilatéraux de Cisjordanie pourraient
dès lors être présentés comme l’alternative
à la négociation, permettant de fixer
à terme, comme ultime étape, les frontières
de l’Etat d’Israël, le long du réseau
de murs. Il s’agit d’annexer l’essentiel
de la Cisjordanie, c’est-à-dire les grands
blocs de colonies, la vallée du Jourdain,
et une Jérusalem s’étendant de Ramallah
au nord à Bethléem au sud et à Jéricho
à l’est. Ce qui suppose de faire
admettre le retrait de micro-enclaves
invivables de Cisjordanie comme autant
d’actes de paix que, déjà, M.Douste-
Blazy a qualifiés de « courageux ».
La guerre se fait donc là, pour Tel-Aviv,
instrument de destruction et de délégitimation
de tout « partenaire ». Il s’agit de
parvenir à l’effondrement du gouvernement
palestinien mais aussi de l’Autorité
nationale palestinienne tout entière.
Et susciter du « chaos » -militaire comme
économique- nourrit les frustrations,
sinon les antagonismes internes, favorables
à la perpétuation de la politique
des autorités israéliennes sur le terrain
présentant les raids et autres incursions
comme autant de ripostes, et à toutes les
annexions. Il est clair que l’évolution
stratégique majeure du Hamas qui, en
dépit de ses limites, s’est manifestée dans
l’adoption cet été du « document des prisonniers
», après négociations entre forces
islamistes et nationalistes de la résistance
(puis dans la demande aux ravisseurs
du soldat Gilat Shalit de préserver sa vie),
risque d’enrayer cette stratégie. Le calendrier
des bombardements de la bande de
Gaza indique assez combien il s’est agi
pour Israël de torpiller de telles évolutions.
Remodelage du Grand Moyen-Orient : ondes de choc
Le même discours sur la guerre antiterroriste
prévaut pour justifier la guerre
au Liban. Pour Tel-Aviv comme pour
Washington, le Hezbollah n’est rien
d’autre qu’une organisation terroriste,
excroissance armée, au Liban, de l’Iran
et de la Syrie. Au point que Washington a inscrit l’organisation libanaise devant
al-Qaida sur la liste des organisations
terroristes (ce qu’a refusé de faire la
France). Peu importe que le Hezbollah
se soit constitué dans un Liban alors soumis
à la guerre et à l’occupation israélienne,
comme force nationale . Recrutant
alors au sein de la communauté
chi’ite dont naturellement il se revendique,
le « Parti de Dieu » (littéralement),
émergeant trois ans après la révolution
iranienne, est évidemment porteur d’une
idéologie qui y trouve pour une part inspiration.
Et l’Iran n’hésite pas à aider
financièrement et militairement le Hezbollah -tandis que les Etats-Unis, rappelle
celui-ci, fournit armes sophistiquées et
soutien diplomatique et financier à Tel-
Aviv. Cependant, le Hezbollah est d’abord
une organisation nationale, avec son
agenda propre. Il charpente -à la suite
du PC libanais en particulier- la résistance
à l’occupation israélienne, qui a
su structurer d’importants réseaux d’aide
sociale à la population, toutes confessions
confondues, et qui s’inscrit, essentiellement
depuis les années 1990, dans
le système politique libanais, jouissant
d’une forte représentation municipale et
législative et disposant de deux ministres
dans le gouvernement de Fouad Siniora.
L’enlèvement de deux soldats serviraitil
les intérêts de l’Iran et/ou de la Syrie ?
Peut-être. Il est effectivement intervenu
à un moment de tension américano-iranien,
en particulier, sur le dossier du
nucléaire iranien. Mais il s’inscrit surtout
dans le contexte de tension israélo-libanais
et dans un contexte global d’absence
de règlement politique au Proche-Orient.
« Le monde arabe est tributaire depuis
1948 d’un épicentre unique, d’un lieu
de départ des secousses : la Palestine
(...). Avec la guerre d’Irak, les Américains
ont créé un deuxième épicentre sismique
et la question consiste à savoir désormais
quand les ondes de choc
venues d’Irak croiseront
celles venues de Palestine
», analysaient voici
un peu plus d’un an les
historiens Elias Sanbar et
Farouk Mardam-Bey. [3]
Il semble bien que le Liban
vienne de payer le prix
douloureux d’un de ces
« croisements ».
Car le remodelage du
Grand Moyen-Orient promis
par Washington à la
faveur de la guerre en Irak,
qui devait officiellement
se traduire par un jeu de
dominos démocratiques
dont Bagdad aurait été
l’origine, s’est vite révélé
pour ce qu’il ambitionne : un remodelage
politique au prix de la guerre, le
contrôle de la région supposant l’éradication
de tout régime fort, récalcitrant.
Et il s’est vite transformé en chaos régional
à foyers multiples. Selon le New York
Times du 21 septembre, 3590 civils ont
été tués en Irak en juillet, 3009 en août.
Washington s’embourbe, mais persiste.
La propagation de la démocratie tant
vantée s’accompagne de la légalisation
américaine de l’usage de la torture, mais
aussi de la tentative de démembrement
communautaire des Etats et de leur division
selon des clivages confessionnels.
Washington en est même à envisager
la construction de murs, en Irak, séparant
sunnites et chi’ites.
La guerre contre le Liban, envisagée de
longue date par Washington et Tel-Aviv,
comme le souligne le journaliste Seymour
Hersh dans le New Yorker des
14-21 août 2006 [4] , se situe aussi dans
ce contexte. Si l’objectif initial d’Israël
d’éradication du Hezbollah -devenu,
faute de victoire militaire, celui de sa
consignation sous supervision internationale-
consiste à
baliser le front
Nord en période de
c a m p a g n e
annexionniste en
Palestine, la guerre
a aussi servi
d’autres ambitions
convergentes de
Tel-Aviv et de
Washington. En
tentant de restreindre
la capacité
d’intervention du
Hezbollah, il
s’agissait aussi
d ’ e m p ê c h e r
d ’ é v e n t u e l l e s
représailles contre
Israël, en cas d’attaques contre l’Iran.
Plus. Si Washington a décidé de donner
du temps à l’armée israélienne pour
détruire, c’est aussi que l’administration
néo-conservatrice américaine voyait
dans cette guerre l’expérimentation
d’une éventuelle guerre en Iran et un
instrument de son remodelage du « Grand
Moyen-Orient » qui passe également
par la désignation de l’islam comme
l’ennemi -justifiant la terreur d’Etat par
la guerre contre le terrorisme- et par la
réécriture du droit international au gré
de ses intérêts économiques et stratégiques. La guerre, imputée au mouvement islamique,
visait aussi à le discréditer au
Liban, quitte à susciter, dans une logique
qui ressemble comme une soeur à celle
à l’oeuvre en Palestine, les prémices
d’une guerre civile. Le débat politique
se poursuit effectivement au Liban sur
les responsabilités spécifiques du Hezbollah,
sur les stratégies de résistance, sur
les perspectives politiques, sur les moyens
de défendre l’indépendance nationale
dans un contexte imposé de guerre régionale.
Le Hezbollah l’a du reste compris
qui s’est rapidement rallié au programme
en sept points élaboré par le gouvernement
pour sortir de la guerre, au nom de
l’unité nationale. Si la vie politique
demeure marquée par les clivages qui
ont accompagné les mouvements de
révolte contre la tutelle syrienne en mars
2005, l’ampleur des destructions et le
déchaînement des violences des forces
israéliennes ont, en même temps, soudé
un consensus contre la guerre menée
par Tel-Aviv.
Les conditions d’une paix durable
Ayant échoué quant à ses objectifs de
guerre, Tel-Aviv exige aujourd’hui, au
nom de la résolution 1559, le désarmement
du Hezbollah. Et plaide l’application
pleine et entière d’un droit international
que, de la Palestine au Liban,
il viole en toute impunité. Comment
imaginer un droit international crédible,
légitime, s’il est à plusieurs vitesses ?
La résolution 1701 des Nations unies du
11 août est censée mettre fin aux hostilités -et se traduit en fait par un appel
dissymétrique à la cessation immédiate
d’une part de toutes ses attaques par le
Hezbollah et d’autre part de toutes ses
offensives militaires par Israël. Elle ne
résout cependant pas la question d’une
paix durable.
Les évènements de ces derniers mois
viennent de nouveau de le montrer. Des
solutions partielles n’ont guère de chance
de durer. La paix, pour être pérenne,
suppose d’être complète. Elle passe par
l’application réelle et totale du droit
international, indivisible. Une telle perspective
suppose non seulement un Etat
palestinien indépendant, viable, mais
aussi une juste solution à la situation
des réfugiés palestiniens. Elle suppose
la fin de l’occupation de l’Irak. Elle
suppose le respect de la démocratie,
estropiée par les occupations, et mise en
cause quand sa traduction électorale ne
se plie pas aux attentes des puissances.
Il faut imposer la fin des bombardements.
La protection internationale du
peuple palestinien. La libération des
prisonniers politiques. Et la paix. Une
paix durable. C’est-à-dire globale, fondée
sur le droit international. La France,
dans d’autres circonstances, a su montrer
sa détermination à en défendre le
principe. Son refus de participer à la
guerre américano-britannique en Irak
lui a valu une reconnaissance légitime
des citoyens des deux rives attachés au
droit, à la paix, à la justice, au respect
des droits des peuples dans leur diversité.
Au lieu de réorienter à grands pas
sa diplomatie vers un suivisme piteux du
néo-conservatisme américain, elle se
grandirait à défendre enfin le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, et à
oeuvrer pour une conférence internationale
pour une paix juste et durable
au Moyen-Orient.
L’Europe saura-t-elle se démarquer des
Etats-Unis pour imposer le retour d’un
droit tant évoqué et si malmené ?
Isabelle Avran