L’une des caractéristiques les plus dangereuses et insidieuses du temps c’est qu’il peut lentement neutraliser des problèmes qui avaient par le passé suscité des sentiments forts. Bien sûr, on peut y voir un aspect positif, exprimé par la maxime « le temps guérit tout ». Mais en ce qui concerne les colonies illégales israéliennes en Palestine occupée, le temps n’a pas du tout été de notre côté.
En termes strictement légaux, le statut de ces colonies, qui s’élèvent à environ 200 en Cisjordanie, est on ne peut plus clair. La Quatrième Convention de Genève, dont Israël est signataire, interdit à Israël d’établir des colonies. La Résolution 452 du Conseil de Sécurité des Nations -unies, votée en 1979, est porteuse du même message :
“...appelle le gouvernement et le peuple d’Israël à arrêter d’établir, de construire et de plannifier des colonies dans les territoires arabes occupés depuis 1967, y compris à Jérusalem [1].”
Pourtant, Israël a continué à construire, étendre et multiplier ces colonies illégales sans relâche.
La première colonie juive a été installée en Cisjordanie, juste quelques mois après la guerre de 67, et à la fin de 1968, il y en avait trente autres éparpillées sur les territoires récemment occupés.
Aujourd’hui environ 500 000 colons vivent dans les colonies de Cisjordanie, selon ARIJ (the Applied Research Institute). Parmi eux, quelque 200,000 colons vivent dans des colonies dans et autour de Jérusalem, qui est depuis toujours la cible d’Israël dont l’objectif est de faire fuir autant d’habitants arabes de la ville que possible, et de les remplacer par des résidents juifs.
Les colonies sont depuis toujours une source majeure de conflit entre la direction palestinienne et Israël.
Cependant, alors qu’Israël n’a toujours pas réussi à convaincre le monde entier que ces colonies font partie d’Israël et qu’elles ne sont pas illégales, il a réussi à émousser les critiques acérées à propos des colonies, particulièrement celles de Jérusalem. Ceci s’est même propagé, de façon choquante, à certains secteurs de la société palestinienne.
Depuis des années, Israël revendique l’appellation de « quartiers » ou « communautés de Jérusalem » pour les colonies, au lieu de leur donner leur vrai nom. En fait, Israël a créé autour de Jérusalem deux cercles, l’un intérieur et l’autre extérieur, pour créer ce qu’il appelle unilatéralement le « Grand Jérusalem ».
Ces « communautés » font partie de ce vaste plan. Alors, que se passe -t-il quand des Palestiniens, même relativement intelligents et éduqués, marchent dans cette propagande et croient que la colonie de Gilo à Jérusalem -est est simplement un quartier de la ville ?
C’est ici qu’est le vrai danger. Gilo, établi en 1971 sur des terres confisquées aux villages palestiniens de Beit Jala, Beit Safafa et Sharafat, fait partie du cercle intérieur de colonies autour de Jérusalem.
Non seulement ces colonies sont illégales au regard du droit international étant donné qu’elles sont construites sur des terres occupées, mais elles sont aussi basées sur des critères d’habitat discriminatoires.
Les habitants de ces trois villages palestiniens ne peuvent pas vivre à Gilo sur la terre dont on les a spoliés.
Alors, où est ce que nous, Palestiniens, nous sommes trompés, dans notre description exacte de ces excroissances cancéreuses ?
C’est une chose que les Etats-Unis se satisfassent des illégalités commises par Israël au nom de leur alliance fraternelle, mais il est totalement inacceptable que notre peuple se laisse perdre dans le même labyrinthe de tromperie sémantique.
Nos dirigeants se doivent d’être vigilants, mettant au premier plan la bataille contre les colonies, non seulement aux yeux du monde extérieur, mais auprès de notre peuple aussi.
Rien d’autre qu’un boycott total des colonies israéliennes en Cisjordanie, dont Jérusalem-est, ne sera suffisant pour que les Palestiniens aient une chance quelconque de freiner cette politique israélienne qui s’accélère rapidement et qui, si nous n’y prenons pas garde, finira par dévorer ce qui subsiste de la petite portion de la Palestine qui reste à négocier.
Israël comprend mieux que personne ce jeu pour gagner du temps. Comprenant qu’un accord final avec les Palestiniens est inéluctable, Israël se démène pour créer autant de faits sur le terrain que possible.
D’où le Mur de séparation , discriminatoire, qui a dévoré de larges parts du territoire de la Cisjordanie, et , bien sûr, l’extension des colonies [2].
Selon le Département des Négociations de l’OLP, Israël a approuvé il y a moins de deux mois des appels d’offre pour 690 nouvelles unités de colonies dans deux des principales colonies de Jérusalem-est, Ma’aleh Adumim et Beit Illit. Une fois construites et opérationnelles, ces unités pourraient recevoir 2 800 nouveaux colons juifs.
Tout ceci se passe sous le nez de la communauté internationale, et des Palestiniens aussi. Alors qu’Israël laisse délibérément les projecteurs se focaliser sur ses agressions militaires, particulièrement dans la Bande de Gaza, il travaille furtivement en coulisse pour assurer son avenir en Cisjordanie.
Quand des gens réels vivront dans des maisons réelles des vies réelles, les dirigeants israéliens savent bien que, d’un point de vue humanitaire, il sera difficile de les déloger afin de laisser la place à des Palestiniens « moins méritants ».
Ce qui restera, hélas, ce sera quelques cantons isolés, des poches pitoyables de pouvoir palestinien, taillées dans le tissu des grands blocs de colonies et des routes de contournement qui partout relient les Israéliens juifs.
En ce moment précis, les Palestiniens doivent choisir leurs combats avec soin. Alors qu’il est extrêmement important de faire voir au monde l’injustice des attaques israéliennes en cours contre Gaza et la Cisjordanie et d’imposer la fin de cet assaut sanglant, il est tout aussi important de voir plus loin que le bout de notre nez. Car si nous ne le faisons pas, nous allons nous réveiller un jour pour trouver que le petit bout de notre terre que nous étions sûrs de pouvoir revendiquer nous a été arraché.