La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, qui la première a conclu après les ratés de la guerre du Liban qu’Israël « ne peut imposer un règlement par la force des armes », a tiré la sonnette d’alarme dimanche en réunion de cabinet. « Si Israël ne prend pas les devants, il laissera le champ libre à d’autres initiatives moins favorables qui combleront le vide », a-t-elle mis en garde, en allusion à un projet européen de conférence internationale dont Israël n’a jamais voulu.
« Nous sommes avant tout préoccupés par la position de l’Europe, telle qu’elle s’est manifestée à l’ONU lors du vote vendredi d’une résolution » demandant l’arrêt des opérations militaires israéliennes à Gaza, après la bavure de Beit Hanoun (19 tués palestiniens), a confié à l’AFP un haut responsable des Affaires étrangères. « Nous constatons une érosion de la position d’Israël à l’étranger au cours des derniers mois, alors qu’elle était au plus haut après le retrait en 2005 de la bande de Gaza », a ajouté ce responsable qui a requis l’anonymat.
Ces inquiétudes trouvent un large écho au sein du gouvernement d’Ehud Olmert. Elles conduisent le ministre de la justice Méir Sheetrit à réclamer qu’Israël accepte pour base de négociations l’initiative de paix arabe de 2002, et le ministre de l’environnement Gideon Ezra à demander qu’Israël annonce un cessez-le-feu unilatéral autour de Gaza pour dix jours. Un ministre sans portefeuille du parti Shass (orthodoxe sépharade), Yitzhak Cohen, a quant à lui reconnu hier qu’il « n’y a pas pour l’heure de solution militaire au problème » des tirs de roquettes.
Mais si les ministres sont d’accord sur la nécessité d’une initiative politique, ils diffèrent sur son contenu, de sorte qu’aucun plan n’a encore été élaboré. « C’est que tout projet comporte de graves risques », a déclaré à l’AFP l’ancien ministre (centriste) Dan Meridor qui, jusqu’en avril dernier, était chargé de conseiller M. Olmert sur la stratégie à long terme. « Mais le pire danger », selon lui, « est le maintien du statu quo avec les Palestiniens, car cela a des conséquences calamiteuses aussi bien d’un point de vue moral, politique, diplomatique que sécuritaire ». « L’occupation de la Cisjordanie ne pouvait être qu’un régime provisoire, débouchant sur un retrait négocié ou sur une annexion. En ne faisant ni l’un ni l’autre, on maintient une situation d’apartheid intolérable », s’alarme-t-il.
Accord avec la Syrie ?
Par ailleurs, il propose de reprendre le dialogue avec la Syrie, sachant qu’en échange de la paix, « Israël devra renoncer au plateau du Golan » annexé. Selon lui, un accord avec la Syrie « neutraliserait la capacité de nuisance de ce pays en ce qui concerne le contentieux avec les Palestiniens et briserait l’axe Damas-Téhéran » qui constitue la « principale menace stratégique pour Israël ».
« Jusqu’à présent, le gouvernement est resté passif comptant sur sa trop étroite alliance avec Washington. Mais il commence à se rendre compte que cet immobilisme a son prix », estime le politologue Yaron Ezrachi. « Mais pour prendre une initiative de paix, il faut du courage et de la force », souligne-t-il. Il doute que le cabinet, déchiré par des dissensions internes, ait la capacité de se lancer dans cette voie.