Mahmoud Abbas, un président modéré, souligne dans cet article que pour surmonter le siège injuste pesant sur la population, il sera forcé d’enterrer le processus démocratique.
Dans une région dans laquelle les seules élections démocratiques arabes sont palestiniennes, cette initiative est honteuse.
Le besoin de suspendre le processus démocratique résulte de l’impasse dans laquelle se trouvent les Palestiniens depuis huit mois, après les élections parlementaires qui ont remplacé la direction laïque de l’OLP par des islamistes du mouvement du Hamas. Bien qu’élu président après la mort de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas n’a pas la possibilité de dissoudre le parlement. Il est très ironique que le peu de pouvoir que le président détient à présent auprès du peuple palestinien résulte des tentatives de la communauté internationale de l’affaiblir.
Après avoir gagné les élections en janvier de cette année, le Hamas a été empêché de diriger le pays. Un siège international a été engagé contre les Palestiniens car le Hamas a refusé de reconnaître Israël de facto. Le Hamas a affirmé accepter l’existence d’Israël et que le bureau du prrésident négocie avec son gouvernement. Cependant, il n’est pas obligé de reconnaître une puissance qui occupe les terres palestiniennes depuis 39 ans.
Alors qu’on peut comprendre pourquoi les nations peuvent choisir de soutenir financièrement ou non ce gouvernement, il reste en revanche incompréhensible que la communauté internationale interdise aux pays arabes et musulmans de transférer de l’argent aux Palestiniens. Israël a, lui, refusé de transférer au gouvernement palestinien les taxes collectées des Palestiniens. On estime qu’environ 50 millions de dollars sont collectés mensuellement pour les taxes et autres frais. Quant au Congrès américain qui, jusqu’à l’année dernière, contribuait à hauteur de 75 millions de dollars annuels aux ONG, il a cessé totalement d’envoyer de l’argent.
Le siège injuste contre les Palestiniens signifie que les acteurs civils ne sont pas payés depuis février dernier. Les professeurs et les fonctionnaires publics ont entamé une grève massive le 1er septembre, affirmant que le gouvernement en place a l’obligation de nourrir son peuple. Le gouvernement d’Ismail Haniyah a refusé de démissioner, affirmant que la colère palestinienne devrait se porter sur la communauté internationale qui a posé des exigences insensées au gouvernement. Le transfert d’argent en direction des pays arabes n’est pas bloqué, a-t-il affirmé, même si ces pays ne reconnaissent pas Israël.
Haniyah et son parti ont déclaré vouloir offrir au moins 10 ans de trêve contre un état palestinien indépendant dans les frontières de 1967, mais ne veulent pas reconnaître Israël qui occupe les terres palestiniennes. Sous la pression de la communauté internationale, Abbas est tenté de démettre le gouvernement élu (même par le biais de méthodes non-démocratiques) et le remplacer par une entité politique acceptable par les Israéliens et les Américains de manière à surmonter la situation économique à cause de laquelle la population est au bord de la famine.
L’embarras du président Abbas est lié à la politique américaine dans la région. L’administration Bush a fait de la question de la démocratie le centre de sa politique au Proche-Orient. Si le seul processus réellement démocratique de la région est brisé pour éviter une famine, quelles en seront les conséquences sur son projet de démocratiser le "grand Proche-Orient" ?
La démocratie, c’est le peuple dirigé par le peuple. Que cela plaise ou non aux Américains, les Palestiniens se sont inspirés de leur système démocratique pour élire un gouvernement non corrompu. La démocratie est chaotique, et nous en sommes directement témoins en Palestine. Mais si nous croyons réellement dans le peuple, nous devons comprendre que la démocratie contient en elle-même le mécanisme nécessaire pour corriger la plupart des problèmes qu’elle produit parfois.
Choisir entre le pain et la démocratie, ce n’est pas un choix juste. On demande aux Palestiniens de toutes couches sociales de faire un choix impossible. Est-ce que des moyens non-démocratiques doivent être utilisés pour congédier le Parlement et le gouvernement palestiniens juste parce qu’il ne convient pas aux dirigeants américains, israéliens et européens ? Ou pouvons-nous encore rêver de la suprématie du processus démocratique, quel que soit le dirigeant choisi, et permettre que ce choix soit changé en temps voulu si le peuple sent qu’il doit être changé ?