Préempter l’avenir de Jérusalem,
conforter son annexion par Israël :
tels sont les principaux enjeux du
projet de tramway qui, à l’horizon 2008,
doit relier la partie occidentale de la ville
à deux colonies en Cisjordanie, French
Hill et Pisgat Zeev. Deux entreprises
françaises sont engagées sur ce chantier :
Alstom, et Connex. Le gouvernement
français, officiellement, relègue ses prérogatives
et obligations -singulièrement
celle qui consiste à faire respecter le droit
international- derrière une prétendue autonomie
des relations entre partenaires
commerciaux. Mais il se dément luimême.
C’est ainsi que le responsable de
la mission économique de l’ambassade
de France à Tel-Aviv, on s’en souvient,
se félicitait en juin dernier d’un succès
diplomatique conçu comme une promesse
de nouveaux contrats : « Je souhaitais
surtout que les entreprises françaises
soient présentes sur les grands
projets d’infrastructures. (...) Pour s’en
tenir au tangible et à ce qui a été signé,
on peut citer (...) la construction et
l’exploitation du tramway de Jérusalem
par Alstom et Connex. Après Jérusalem,
nous sommes en course pour l’appel
d’offres pour le tramway de Tel-Aviv »,
commentait-il alors.
Une telle violation du droit international
n’a pas laissé les organisations syndicales
indifférentes, en tout cas la CGT,
l’Union syndicale Solidaires et la FSU.
En jeu, notamment, la construction de
relations internationales fondées sur la
légalité. Un tel engagement n’est pas
simple pour autant. Ainsi, par exemple,
les salariés d’Alstom ont subi, depuis
deux ans, la suppression de 11.400
emplois ; un nouveau contrat peut dès lors
apparaître comme une promesse de développement-ou de maintien- des activités.
Mais, dans une planète de plus en plus
interdépendante, il s’agit aussi de substituer
à une logique de mise en concurrence
des salariés, des citoyens, des individus
et de leurs droits, une autre logique,
fondée sur la solidarité. Un principe fondateur
du mouvement syndical.
C’est ainsi que les élues de la CGT
d’Alstom ont abordé ce dossier, le 13
décembre dernier, lors de la séance plénière
du comité européen de l’entreprise
à Budapest. Au-delà de l’activité des
élues, et d’éventuelles démarches juridiques,
d’autres questions se posent ;
celles du débat à mener avec les salariés
et de l’activité des syndicats d’entreprise
; mais également celle de l’élargissement
de véritables mobilisations
syndicales unitaires, tant à l’échelle nationale
qu’au niveau européen.
C’est aussi dans cette perspective que
l’AFPS et la CGT ont organisé une conférence
de presse commune en février.
Une convergence de travail
nouvelle entre associations de solidarité
et organisations syndicales, chacune
à partir de sa vocation spécifique,
indispensable à la constitution d’un réseau
de solidarité audible et efficace.
L’Union syndicale Solidaires, pour sa
part, entend « s’inscrire dans les luttes
qui seront menées » contre la construction
de ce tramway et singulièrement
contre la participation de ces deux entreprises
françaises. « Nous nous inscrivons
dans la démarche de lutte contre
la colonisation israélienne en Palestine
», précise l’organisation syndicale
qui souhaite également, « par les voies
syndicales habituelles, porter auprès
des travailleurs d’Alstom et de Véolia
l’information concernant ce projet ».
Un chantier s’est donc ouvert : celui de
coopérations nouvelles, sur le terrain d’une
solidarité qui concerne tous les citoyens.
Isabelle Avran