Ces remarques faisaient préssentir les éloges déversés sur Sharon, aujourd’hui dans le coma.
Le retrait, claironnait-elle, au mépris total de la réalité, avait pour intention “de démontrer qu’il tentait de revenir dans le processus (de paix) avec les Palestiniens".
Durant son voyage, H Clinton s’arrêta aussi pour une opération photo qui constituait un mensonge aussi monumental que le premier. On la voit debout sur le haut d’une colline, à l’intérieur de la colonie israélienne de Gilo, peuplée de 28 000 Israéliens et située sur l’extrémité sud de Jérusalem surplombant Béthléem.
Gilo se trouve dans les Territoires Palestiniens Occupés . Elle a été construite il y a 30 ans, illégalement selon le droit international sur à peu près 280 hectares de terrains confisqués à leurs propriétaires palestiniens. Elle se trouve juste à l’intérieur des limites municipales de Jérusalem. Israël a redessiné ces limites après s’être emparé de la Cisjordanie et de Jérusalem Est en 1967, puis avoir exproprié quelque 75 km2 et les avoir annexés, toujours illégalement selon le droit international, à Jérusalem Ouest.
La photo montre H. Clinton debout, prenant la pose, contemplant pensivement sur le côté, derrière elle, le mur de séparation d’Israël, cette monstruosité de béton qui fait 8 mètres de haut. Là où elle se tenait, le mur, comme la colonie de Gilo, est construit sur la terre confisquée aux Palestiniens.
De l’autre côté du mur, à quelque distance , se trouve la petite ville de Béthléem, exsangue, maintenant partiellement encerclée par le mur et coupée de Jérusalem, sa jumelle culturelle et religieuse.
Déjà encerclée par neuf colonies israéliennes, y compris Gilo, par un réseau de routes réservées à l’usage des Israéliens, et par 78 checkpoints et autres obstacles physiques israéliens d’après une estimation de l’ONU, Béthléem depuis des années, n’a plus qu’un accès limité à ses environs. L’achèvement du mur sur ses côtés nord et ouest, en la coupant de Jérusalem signifie la fermeture totale du poumon de Béthléem. Un énorme terminal a été ouvert en novembre, les voyageurs à l’entrée et à la sortie de Béthléem sont contraints de passer par plusieurs tourniquets, le détecteur à rayons X et l’examen des permis. Les Palestiniens peinent à obtenir des laisser-passer pour quitter Béthléem.Le terminal est géré à la fois par des militaires et des civils. Il fonctionne ni plus ni moins comme une frontière internationale, excepté que les gardes et les soldats sont israéliens des deux côtés de cette « frontière ».
Si vous connaissez la Palestine, l’opération photo d’Hillary Clinton est un coup minable. Sans doute, ne sait-elle rien de l’histoire de ce territoire, on pourrait même l’excuser de ne pas savoir que Gilo se trouve dans les Territoires Occupés. Mais on aimerait croire qu’elle est un être réfléchi, sensible, capable de voir d’un coup d’œil l’énorme mur de béton et la cicatrice qu’il inflige à la terre et à l’humanité des Palestiniens. Et pourtant, sa capacité à rester là, debout devant le mur dont elle chante les louanges est un témoignage clair de la puissance du déni et du pouvoir de la politique.
Hillary Clinton avait bien souligné qu’elle n’avait pas l’intention de visiter les "zones palestiniennes" (elle voulait dire les zones où les Israéliens ne vivent pas encore), sa promesse a été claironnée par la presse israélienne qui assurait la couverture de sa visite.
Nul doute que ses électeurs à New York ainsi que les Démocrates fervents supporters de sa candidature n’aient été également satisfaits de ce qu’elle ait refusé d’avoir des contacts avec ces gens, les Palestiniens.
Hillary Clinton, à l’ombre du mur qu’elle qualifia lâchement de « barrière » déclara « qu’il n’était pas contre les Palestiniens, seulement contre les terroristes ». Comme si elle savait quelque chose de la situation sur le terrain. Comme si le mur bouleversait simplement les plans de quelques terroristes et ne détruisait pas la propriété, la terre, les maisons, les habitudes de vie, tout simplement la vie de 500 000 Palestiniens innocents.
Dans une déclaration publiée sur son site internet après son voyage, Hillary Clinton affirmait soutenir fermement le « droit » d’Israël à assurer la sécurité de ses citoyens et à construire une « barrière de sécurité afin de repousser les terroristes », dans la même déclaration elle se vantait « d’ avoir réprimandé la Cour internationale de Justice pour avoir débattu du droit d’Israël à construire la barrière ».
Apparemment, nous sommes censés être édifiés par le toupet d’Hilary Clinton, à réprimander une Cour internationale. Une telle détermination en faveur d’Israël se joue bien dans l’arène politique des USA, alors que l’absolue immoralité du mur y est de peu d’importance.
- Le Mur à Gilo
Prisonniers à Numan
Ce qu’Hillary Clinton ne sait pas sur le mur, sur les vies des Palestiniens qu’il affecte, sur la sécurité de tous, remplirait un grand livre.
Prenez le petit village de Numan, dont les quelques 200 habitants ont vécu 38 années d’occupation israélienne dans
les limbes et font face aujourd’hui à la destruction de leurs maisons et du village.
Nous avons visité Numan en septembre et écouté son histoire racontée par la mère du chef du village et par son neveu, un homme jeune qui est aussi un des dirigeants du village.
Numan se trouve à quelques kilomètres au nord-est de Béthléem, pas plus de 7 kilomètres à vol d’oiseau de l’endroit depuis lequel Hillary Clinton admirait le mur.
Peu de gens en Israël et aux USA avaient entendu parler de Numan avant que Gideon Levy, correspondant d’Haaretz ne révèle que la Police des Frontières israélienne, connue pour être particulièrement haineuse, avait probablement attaché un habitant de Numan, père de 9 enfants, à son âne et avait ensuite effrayé l’animal qui s’était mis à courir, traînant l’infortuné qui en était mort. Bien que la police des Frontières ait nié toute responsabilité, la pratique, selon les Palestiniens, est suffisamment répandue pour s’être vue attribuer un nom : « la procédure de l’âne ».
Ha’aretz a pensé publier un éditorial critiquant les Israéliens pour leur indifférence qui permet à ce genre de choses d’arriver fréquemment aux Palestiniens sans que personne ne s’en émeuve... mais la critique vient au moins avec 38 ans de retard !
Le petit village de Numan se situe dans une zone rurale juste à l’intérieur des limites municipales de Jérusalem.
Néanmoins, en 1967, lorsque Israël a commencé à exiger de tous les résidents des territoires récemment occupés qu’ils s’enregistrent afin d’obtenir une carte de résident, on a donné aux habitants de Numan des cartes de résidents de la Cisjordanie, ce qui signifiait qu’il est illégal pour eux de se trouver à Jérusalem, même dans leurs maisons, d’habiter là où ils habitent, d’être nés là où ils sont nés !
Cette anomalie n’a jamais été un grave problème jusque dans les années 90, au moment du soi-disant processus de paix, lorsqu’Israël a imposé la fermeture de la Cisjordanie et de Gaza et a obligé tous les Palestiniens à avoir des permis pour entrer en Israël, y compris à Jérusalem Est.
Jusqu’alors les enfants de Numan avaient fréquenté les écoles de Jérusalem, mais il y a 8 ans ils ont été exclus de Jérusalem et il leur a fallu aller à l’école à Béthléem. Comme des centaines de petits villages de Cisjordanie, Numan dépend des autres villages et villes (en ce cas Béthléem) pour tous les services, non seulement les écoles mais aussi les services de santé et même les épiceries.
Mais le village est progressivement coupé de ses voisins. Au nord Jérusalem n’est plus accessible, le mur qui encercle le village à l’est et au sud l’a séparé de plusieurs villages environnants, lorsqu’il sera fini il le coupera aussi de Béthléem.
A l’ouest, la grande colonie de Har Homa empiète sur les terres du village. Les autorités israéliennes ont informé le village que la colonie prévoie de s’agrandir sur un coteau situé littéralement à un jet de pierres des maisons de Numan, qui ont toutes reçues un ordre de démolition.
- les oliveraies du village de Numan
- Colonie de peuplement de Har homa
Israël soutient que ces maisons, dont certaines ont déjà été détruites, ont été construites sans permis. Naturellement c’est vrai.
Le village, dont les habitants sont des Bédouins, existe depuis le début du 19ème siècle, bien avant que l’Etat d’Israël ne soit créé et environ un siècle et demi avant qu’Israël n’envahisse et n’occupe la Cisjordanie en 1967, n’annexe une grande étendue de terrain à Jérusalem et ne commence à imposer sa propre législation, ses réglementations, et ses ambitions expansionnistes au détriment d’un autre peuple.
Israël a essayé d’acheter la terre de Numan mais les villageois ont refusé. Les Israéliens ont alors coupé l’eau et l’électricité mais les gens survivaient avec leurs puits et s’alimentaient en électricité depuis Béthléem. Quand ces mesures ont été insuffisantes pour vider le village, Israël a commencé à l’encercler et à l’étouffer.
Fatma, qui est la mère du chef du village, et son neveu nous ont expliqué tout cela sans émotion apparente. Notre ami Ahmad traduisait. Mais vers la fin de notre entretien, Fatma a commencé à nous raconter une longue histoire que nous n’avons pas comprise du premier coup, jusqu’à ce que les larmes commencent à rouler le long de ses joues tandis qu’elle parlait.
Ahmad nous a expliqué qu’un des fils de Fatma, un avocat, a épousé une femme, également avocate, qui détient une carte de résidente de Jérusalem. Il y a un an, leur fille de 5 ans est tombée malade et le fils de Fatma, détenteur d’une carte de résident de Cisjordanie est allé à Jérusalem pour acheter des médicaments. Il a été arrêté pour présence interdite à Jérusalem et a été détenu 6 mois sans chef d’inculpation comme l’autorise la loi israélienne d’occupation, Le jour précédent sa libération, les Israéliens ont renouvelé cette détention pour 6 mois, et juste deux jours avant notre rencontre, après que la famille se soit préparée à fêter son retour, la détention a été prolongée de 6 mois encore.
Nous étions là, assis, ne sachant que dire, comment réagir à ce témoignage du cauchemar de l’occupation israélienne. Le neveu de Fatma, Youssef, voulant terminer sur une note positive, fit remarquer que Numan et les Palestiniens en général n’ont ni avions, ni tanks, ni fusils, qu’ils voulaient combattre de façon non violente.
« L’histoire de Numan, commence à être connue, » nous dit-il, une équipe de tournage suédoise se trouvait dans le village le jour même, « peut être cela nous donnera-t-il plus de force ».
Cela nous remit tristement en mémoire une vidéo que nous avions vue récemment , celle d’un groupe d’adolescents, d’une troupe de danceurs folkloriques du centre culturel Ibdaa du camp de réfugiés de Deheishé à Béthléem. Dans cette vidéo, un garçon raconte que des étrangers viennent continuellement à Déheishé pour aider les Palestiniens mais que rien ne change jamais. Nous ne pouvions partager l’optimisme de Youssef, Notre ami Ahmad non plus, qui après notre départ eut cette réflexion : « cela n’y change rien que vous soyez avocat comme son fils ou professeur, il faut seulement être juif ».
Dur, mais vrai, Numan n’est pas une menace pour les Israéliens, le village est juste au milieu du chemin, il gêne les projets d’expansion des
Israéliens.
Hillary Clinton n’entendra certainement jamais parler de Numan.
Pour ne pas avoir de difficulté à justifier en quoi le traitement de Numan devait assurer la sécurité des Israéliens, elle avait de toutes façons délibérément choisi de ne pas le voir, ni la Palestine et les Palestiniens.