Plus l’occupation israélienne des territoires dure, plus cela crée des mécanismes d’auto- défense et des contraintes d’auto -persuasion. Quelquefois cela se fait sous couvert de préoccupations sécuritaires, parfois sous l’apparence d’arguments ethniques théologiques concernant les droits sur la terre des patriarches. On comprend bien que l’occupation a besoin de tout un arsenal juridique bien huilé pour l’appuyer contre la communauté internationale et les habitants des Territoires palestiniens.
Depuis 1967 des milliers de verdicts ont été écrits par la Cour Suprême concernant les droits humains des habitants des Territoires. Les tribunaux ont été saisis de ces questions afin d’obtenir un jugement sur des différends entre les habitants des Territoires et les agences gouvernementales israéliennes, des commandants de l’armée aux responsables de la santé et du social dans le gouvernement militaire. Israël s’est toujours vanté devant la communauté internationale de ce que ses portes étaient ouvertes aux habitants des Territoires et que le principe de l’état de droit et de l’administration de la justice leur avait toujours été appliqué.
Il semble aujourd’hui que le pouvoir en place a décidé un changement fondamental de cette approche. Le gouvernement israélien a présenté un projet de loi qui amenderait la Loi sur la Responsabilité de l’Etat en cas de dommages, et a soumis ce projet au Parlement (la Knesset). Le débat a eu lieu la semaine dernière au Comité sur la Justice, la Loi et la Constitution. S’il est voté, toutes les plaintes dues aux événements qui se sont produits depuis septembre 2000 seront rejetées.
Jusqu’à maintenant les habitants des Territoires qui avaient subi des dégâts injustes pouvaient demander justice devant les tribunaux civils israéliens et réclamer des compensations pour les dommages subis. Il s’agissait en général de civils qui n’avaient rien à voir avec le conflit.
Ce groupe comprenait des personnes handicapées blessées par des tirs perdus, des hommes identifiés à tort comme recherchés, des enfants blessés par des obus dans des zones de tirs non signalées et des individus qui avaient été soumis à la torture ou au pillage par les soldats israéliens. Dans le passé la Police militaire avait choisi d’ouvrir des enquêtes et de poursuivre les soldats qui n’avaient pas appliqué les règlements des Forces de Défense israéliennes. Mais depuis que l’Intifada actuelle a éclaté, seul un pourcentage minime d’incidents est soumis à enquête de la division des enquêtes de la Police militaire.
Le projet d’amendement stipule qu’Israël est impliqué dans un conflit et le projet de loi s’appuie sur un principe présenté comme largement partagé, selon lequel les parties dans un conflit armé assument les dommages qu’ont subis leurs citoyens. Il n’existe aucune base à ce principe dans le droit international ou la loi israélienne. Même dans les guerres il existe des lois. L’objectif du droit international est de réduire le mal infligé à une population civile. Violer les termes du droit international entraîne des sanctions pénales et civiles et l’obligation de dédommagements civils.
Pendant la première guerre du Golfe, les Nations -Unies ont contraint l’Irak à payer des compensations aux citoyens israéliens qui avaient été blessés par des missiles tirés sur Israël. De plus les tribunaux israéliens ont imposé des retenues se montant à des dizaines de millions de shekels sur les fonds de l’Autorité Palestinienne, liées à des poursuites de citoyens israéliens contre l’ANP.
L’amendement proposé est discriminatoire pour tous les habitants des Territoires, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent ou quelque soit l’endroit où ils résident. A partir de maintenant, un vieil homme humilié à un point de contrôle militaire, des familles qui ont perdu l’un des leurs parce qu’un missile supposé liquider un fugitif est tombé près de leur maison à la place, des femmes enceintes dont le travail commence à un check-point et qui meurent à cause de l’arbitraire des soldats, ne pourront plus recevoir aucune compensation, bien que la justice administrative israélienne elle-même soit indignée par ces modes de comportement.
Mais une loi interdisant aux habitants des Territoires l’accès aux tribunaux israéliens serait aussi contraire à l’intérêt d’Israël parce que les habitants de ces territoires pourraient alors porter plainte devant les tribunaux étrangers et internationaux contre les soldats et les officiers quand ils voyagent à l’étranger et Israël ne pourrait se défendre de ces accusations en invoquant l’immunité.