La Palestine est devenue le 195ème pays membre de l’Unesco lors de sa 36ème Conférence générale.
C’est historique ! C’est émouvant ! C’est extraordinaire ! Une date à graver dans nos mémoires et qu’on trouvera peut-être un jour dans nos livres d’Histoire : ça c’est passé le 31 octobre 2011, vers 15h.
J’y étais, et le vote fut long. Boule au ventre, main qui tremble, exaltation, crainte. Je suis littéralement passée par toutes les émotions possibles et imaginables. Mon cœur battait la chamade. Ce furent les plus longues minutes à vivre depuis longtemps !
Un par un, les 173 pays présents et ayant le droit de vote ont dit soit "oui" soit "non". Très vite, les "naam" ont remplacé les "oui". Cela veut dire la même chose, sauf que c’est en arabe. Le temps nous a paru interminable. La présidente de la Conférence générale a dû rappeler les gens au calme. Chaque vote positif était suivi d’un applaudissement.
On comptait dans nos coins, en notant sur des feuilles réparties en 3 colonnes : oui, non, abstention. Et plus le vote avançait, plus on y croyait. Je tenais informé par Facebook mes contacts qui commentaient et répercutaient l’information à leur tour. Le téléphone arabe !
La France applaudie chaleureusement
Un grand bravo aux pays européens qui ont eu le courage de voter oui ; il faut rappeler que ce n’était pas gagné d’avance. Il y a de cela quelques semaines, un premier vote avait eu lieu lors du Conseil exécutif de l’Unesco. Les pays européens s’étaient alors quasiment tous abstenus ou avaient voté non.
On pensait tous dans les couloirs de l’Unesco que l’Europe allait encore poser problème. Mais nous avons été agréablement surpris : l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, le Luxembourg, Malte ont, entre autres, voté oui ! Un oui franc et massif !
Voici une vision globale des zones géographiques qui ont soutenu la Palestine : l’Amérique latine, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Comme quoi ce n’est pas forcément l’Occident qui contrôle le monde actuellement. En tout cas, pas à l’Unesco. Donnons donc un peu plus de crédit aux puissances émergentes, ainsi qu’aux pays en voie de développement.
Je peux vous dire que le OUI français a été chaleureusement applaudi. C’est vrai qu’on ne s’y attendait pas du tout. Au mieux, on espérait l’abstention. Parmi les réfractaires à l’adhésion, il y avait bien évidemment Israël, les Etats-Unis, l’Allemagne, la République Tchèque, le Canada ou encore l’Australie.
Après le vote
Pour que la Palestine devienne un État membre de l’Unesco, il fallait qu’elle obtienne la majorité aux 2/3. Au final, il y a eu 52 abstentions, 14 non et 107 oui ! Un jour historique, je vous le dis.
Les gens courraient dans les couloirs pour rejoindre la salle I, où avait lieu le vote. Il y avait des sourires, et aussi des larmes. Les téléphones portables sonnaient de partout, nous twittions, envoyons des textos, et assistions abasourdis à un moment historique auquel nous n’osions plus croire. Il y a eu des applaudissements, des cris de joie, des youyous arabes (les "zagharit", cris de joie des femmes au Maghreb et au Moyen-Orient). Puis nous avons écouté les discours de chacun.
C’est l’ambassadeur d’Israël auprès de l’Unesco qui fut invité à parler en premier. Il a décrit ce vote comme celui "de la science-fiction". Il a répété ce mot à peu près trois ou quatre fois. On a compris le message. Pour lui, c’est aberrant, surréaliste, et ça n’a donc aucun sens.
D’autres qui ont voté "non" ont souligné l’aspect prématuré de cette intégration au sein d’une agence des Nations unies. Il est vrai que plus de soixante ans c’est rapide, ça passe comme un éclair ! Et d’autres encore ont simplement dit que c’était un vote juste, une expression de la justice mondiale qui permettrait d’aboutir à la paix, et qu’en rien ce vote ne sanctionnait Israël ou les futurs accords de paix, mais qu’il était nécessaire de mettre Israël et Palestine sur un pied d’égalité afin de continuer les pourparlers de paix.
Par ce vote, l’Unesco n’outrepasse pas ses droits vis-à-vis de la demande d’adhésion de la Palestine comme État membre au sein des Nations unies. Ce sont deux choses distinctes. L’un ne fait pas cas de jurisprudence sur l’autre. Rappelons toutefois que le nombre d’abstentions était assez important et qu’il serait temps que chaque pays se positionne sur la question.
L’ambassadeur de la France auprès de l’Unesco s’est lui aussi expliqué sur son vote : "Aujourd’hui, la question qui était posée était de savoir si la Communauté internationale répondait oui ou non à la demande d’adhésion de la Palestine à l’Unesco. Certes, nous aurions préféré que cette question soit posée après le traitement du sujet par l’Assemblée Générale [des Nations Unies] à New York. Mais à partir du moment où elle l’est aujourd’hui, il nous faut prendre nos responsabilités et répondre sur le fond. Sur le fond, la France dit OUI, oui la Palestine a le droit de devenir membre de l’Unesco [applaudissements]."
Le cas des Etats-Unis
Quant à la Directrice générale de l’Unesco, Mme Irina Bokova, qui a prononcé le discours clôturant le tour de parole, elle a exprimé son inquiétude pour l’avenir. En effet, les États-Unis avaient indiqué que si la Palestine obtenait son statut d’État membre, ils retireraient leurs financements de l’Unesco.
Mme Bokova a donc prononcé ces quelques mots après avoir félicité la Palestine : "Permettez-moi d’être honnête, en tant que Directrice Générale, il en va de ma responsabilité de vous dire que je suis préoccupée par les potentiels défis et obstacles d’universalité et de stabilité financière de l’Organisation. J’ai peur que nous finissions par faire face à une situation qui puisse éroder l’Unesco en tant que plateforme universelle de dialogue. Je suis inquiète pour la stabilité de son budget. Il est de notoriété publique que les financements de notre plus grand contributeur, les États-Unis, peuvent être en danger."
Il ne nous reste plus qu’à attendre la réaction de la Secrétaire d’État Mme Hillary Clinton. Ça promet !