Alain Juppé s’était envolé mercredi pour Tel Aviv, avec l’intention de « relancer les négociations entre Israéliens et Palestiniens » par le biais d’une conférence qui pourrait se tenir à Paris en juillet. Il a quitté la Terre Sainte 36 heures plus tard, avec la même intention, mais sans assurances nouvelles sur la tenue de cette conférence. Interrogé par Europe 1avant de quitter Tel Aviv, il a confié : « personne ne m’a dit non pour aujourd’hui, je pense qu’il y a une chance pour que cette conférence ait lieu ». On a déjà entendu des annonces plus fermes. Et surtout plus optimistes.
Mais Alain Juppé pouvait –il s’attendre à autre chose ? Avant de décoller pour Tel Aviv, le ministre des Affaires étrangères, qui s’était entretenu à Rome avec le président palestinien Mahmoud Abbas, avait affirmé que « le statu quo n’est pas possible » et annoncé qu’il avait l’intention de présenter une proposition de paix fondée sur les principes avancés par Barack Obama, le 19 mai, lors de son discours au département d’Etat.
La ligne de 1967
Le président américain avait rappelé que pour Washington, la négociation entre Israéliens et Palestiniens doit déboucher sur la création de deux Etats, disposant de frontières permanentes entre la Palestine et Israël fondées sur la ligne de 1967 (Ligne verte), avec des échanges de territoires mutuellement agréés. C’était la première fois qu’un président américain faisait explicitement référence à la ligne de 1967 comme frontière entre les deux Etats.
Au cours de son entretien avec Obama, à la maison Blanche, le lendemain, Benjamin Netanyahou avait répondu que la frontière fondée sur la ligne de 1967 était « indéfendable » et il avait réitéré son refus de cette base de négociations, quatre jours plus tard, lors de son discours devant le Congrès, applaudi debout, par les parlementaires américains. Il avait aussi rappelé que Jérusalem doit rester la « capitale indivisible d’Israël », exigé des palestiniens qu’ils reconnaissent Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif » et demandé à Mahmoud Abbas de renoncer à la réconciliation avec le Hamas.
« De très sérieux problèmes »
Sur le tracé des frontières, l’avenir de Jerusalem, les positions avancées par Alain Juppé étaient les mêmes que celles définies par Obama, Sur la réconciliation avec le Hamas, en revanche, Paris avait une position très différente de celle de Washington. Alors que pour les Etats-Unis, le rapprochement Fatah-Hamas pose des questions « profondes et légitimes à Israël », la France estime qu’il s’agit d’une « bonne nouvelle » (Nicolas Sarkozy) et d’un « évènement positif » (Alain Juppé).
Comment s’étonner dans ces conditions que le porte-parole de Benjamin Netanyahou, Mark Regev ait très diplomatiquement reconnu, après la rencontre entre le premier ministre israélien et Alain Juppé, le « rôle important » de la France dans le processus de paix, avant d’ajouter que ce processus « est confronté à de très sérieux problèmes » et de rappeler les nombreux points de divergence avec Paris. Sans prononcer un « non » explicite qui aurait été peu amical, entre deux capitales qui se réjouissent de la qualité de leurs relations, il était difficile de dire plus clairement que le gouvernement israélien refusait les bases de négociation proposées par Paris.
L’aide de Hillary Clinton
Tout en admettant que le blocage des négociations depuis septembre dernier et le refus israélien de geler les constructions dans les colonies place les responsables Palestiniens dans une position difficile et explique leur volonté de changer de stratégie en tentant de faire reconnaître l’Etat de Palestine par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre, Paris ne peut cacher ses réserves face à cette initiative diplomatique qui irrite les Etats-Unis et gêne Israël.
C’est pourquoi Alain Juppé tient à son projet de conférence qui permettrait de relancer les négociations, avec l’appui du Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Nations Unies, Russie) en évitant le champ de bataille diplomatique miné de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Il va tenter lundi à Washington, de rallier à sa position Hillary Clinton. En espérant sans doute qu’elle pourra contribuer à assouplir la position israélienne. Espoir fragile : fort de l’accueil enthousiaste qu’il a eu devant le Congrès en défendant des positions alignées sur celles de son électorat le plus extrémiste, Benjamin Netanyahou n’a aucune raison d’accorder à Paris ce qu’il refuse à Washington.