Sur son site internet, le journal britannique propose une application interactive pour découvrir l’ensemble des documents. Parmi ces centaines de mémos et mails internes on apprend notamment que l’Autorité palestinienne était prête à faire de nombreuses concessions sur Jérusalem et sur le sort des réfugiés alors qu’au même moment elle affichait sa fermeté en public. Les négociateurs avaient, selon un document daté du 15 janvier 2010, accepté l’annexion par Israël de toutes les colonies illégales, à l’exception de Jabal Abu Ghneim (Har Homa). Cette question, une des plus sensibles des négociations de paix, a soulevé de nombreuses réactions.
Vidéo illustrant les concessions que serait prête à faire l’AP (Al-Jazira)
Autre point sensible : le sort des réfugiés est mentionné à plusieurs reprises. L’Etat hébreu aurait accepté d’accueillir 1000 réfugiés par an, pendant cinq ans, sur la base de « principes humanitaires ». Jérusalem aurait aussi contribué à ce que les réfugiés reçoivent une compensation « compte tenu de leur souffrance ».
Les réactions dans le monde politique
Alors que les partisans du Fatah s’étaient rassemblés lundi en début d’après-midi devant les bureaux d’Al-Jazira pour manifester leur mécontentement, Saëb Erakat, le négociateur palestinien, a affirmé que les révélations d’Al-Jazira ne sont « qu’un tissu de mensonges ». Selon lui, l’Autorité palestinienne est prête à rendre publics les documents relatifs aux négociations avec Israël pour faire la lumière sur sa position.
Réaction de Mahmoud Abbas sur Al-Jazira
Le président Mahmoud Abbas, en visite officielle au Caire, a lui aussi dénoncé une manipulation. « Je les ai vus hier présenter les choses comme si les documents étaient palestiniens mais ils sont israéliens (...) C’est par conséquent intentionnel », a-t-il déclaré. Position que soutient l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le secrétaire de l’OLP, Yasser Abed Rabbo, a accusé Al-Jazira de vouloir discréditer l’Autorité palestinienne et son président. [1]
Le Hamas, mouvement islamiste s’opposant aux négociations de paix, n’a pas tardé à se saisir des révélations de la chaîne qatarie. Sur le site du Centre palestinien d’information, tenu par le Hamas, son porte-parole Abou Zouhri accuse l’Autorité du Fatah de vouloir « liquider » la question palestinienne. Sur Al-Jazira, Osama Hamdan, le représentant du Hamas au Liban, a dénoncé une Autorité « malhonnête » et non crédible pour négocier.
Du côté israélien, les nombreuses révélations embarrassent aussi les politiques, mais ces derniers restent plus discrets pour le moment. Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères israélien, a tout de même réagi sur Israel Radio, se montrant très fataliste. Pour lui, ces documents prouvent simplement que la paix est impossible.
Un haut responsable israélien est aussi intervenu pour démentir l’information selon laquelle Israël aurait adressé un avertissement spécifique en 2008 au sujet du lancement d’une offensive à Gaza, comme cela est indiqué dans l’un des documents révélés par Al-Jazira.
La presse s’empare des mémos
Dans la presse internationale, les réactions sont également nombreuses. Le Guardian se montre particulièrement pessimiste en titrant « Des documents confidentiels révèlent la lente mort du processus de paix au Proche-Orient ».
Selon les auteurs de l’article, l’Autorité palestienienne apparaît affaiblie mais prête à aller jusqu’au bout des négociations de paix. Pour le journal israélien Haaretz, les révélations montrent avant tout qu’Israël a bien un partenaire pour la paix, contrairement à ce que soutient la diplomatie israélienne.
Mais dans le Financial Times, un article rédigé par le co-directeur de l’organisation Al-Shabaka, qui défend les droits des Palestiniens, compare l’Autorité palestinienne à une coquille creuse qui pourrait être bientôt emportée par les vents venus de Tunisie.
Le Time, quant à lui, se questionne sur l’avenir politique de Mahmoud Abbas et se demande si ces révélations portent le dernier clou dans le cercueil du processus de paix.
Si la chaîne qatarie n’a pas révélé ses sources, le Guardian assure avoir authentifié la majorité des documents. Selon le journal, les informations ont été progressivement transmises par Al-Jazira sur plusieurs mois. Philip Crowley, le porte-parole du Département américain, a annoncé que Washington étudiait les documents confidentiels. Cité par le Jerusalem Post, il a néanmoins répété que les Etats-Unis ne pouvaient pas garantir leur véracité.