2 novembre 2010
De la santé mentale des réfugiés
Il est souvent question des conditions socio-économiques et sanitaires lamentables dans lesquelles vivent les réfugiés palestiniens au Liban, mais on évoque très peu la santé mentale de ces derniers.
Exposés depuis longtemps à la violence et vivant, de génération en génération, avec le sentiment d’être dépouillés de leur citoyenneté, de leurs terres et de leur fierté, beaucoup de ces réfugiés développent des troubles psychiques et comportementaux.
Les enfants sont les premiers à en pâtir. Témoins impuissants de tueries, de guerres, de démolitions de maisons et d’autres événements violents, ils entament leur vie avec anxiété, peur et désespoir. À Gaza, comme dans les camps de réfugiés au Liban, il y a peu de place pour l’épanouissement, tant les privations sont multiples. Les enfants vivent alors en marge de l’enfance, propulsés précocement et malgré eux dans l’âge adulte, celui des conflits et du militantisme, armé ou politique.
Les femmes vivant dans les camps sont aussi vulnérables. Outre les traumatismes qu’elles subissent en raison des violences multiples et répétées, elles sont parfois, comme les enfants, l’exutoire de la colère des hommes. Victimes de violence domestique, elles sont aussi appelées à jouer le rôle de pourvoyeuse de la famille quand le mari, mort, handicapé ou exilé, n’est plus là pour subvenir aux besoins des enfants.
Abdel Hamid Afana, psychothérapeute palestinien établi à Montréal, s’est beaucoup intéressé à la santé mentale des réfugiés palestiniens. Il nous livre son analyse dans cette entrevue [1].
3 novembre 2010
Apatride
Ahmad Rustom, 32 ans, est un Palestinien du Liban. Il est né dans le camp de réfugiés palestiniens d’El-Bass, au sud de Tyr. Il avait seulement un an quand son père a réussi l’exploit d’acheter une maison dans la ville de Saïda. Ce fut la délivrance pour la famille, après des années de vie dans des conditions précaires.
Ahmad s’estime chanceux de ne pas avoir goûté, comme ses parents et ses autres frères, aux affres de la vie dans un camp de réfugiés. Il vit depuis 2001 au Canada et est marié depuis 2004 avec une Québécoise. Il prépare présentement un baccalauréat en urbanisme à l’Université de Montréal.
Avant de s’installer au Québec, Ahmad a déjà vécu en Turquie, où il a obtenu un diplôme universitaire en génie chimique. Mais étant Palestinien, il ne pouvait retourner au Liban pour y exercer son métier d’ingénieur, car dans son pays natal, plusieurs professions demeurent interdites aux réfugiés, comme celle de médecin, de pharmacien, d’avocat, etc. Il a donc décidé, comme beaucoup d’autres Palestiniens scolarisés, d’emprunter à nouveau le chemin de l’exil dans l’espoir de s’épanouir sous d’autres cieux et d’aider sa famille, qui est restée à Saïda.
S’il n’a pas vécu dans un camp de réfugiés, Ahmad sait très bien de quoi est fait le quotidien dans ces espaces surpeuplés, exigus, sales et dépourvus du moindre confort. Il en parle avec beaucoup de peine. Plusieurs de ses proches vivent encore à El-Bass, qu’il lui arrive de visiter pendant ses vacances au Liban.
Comme tous les autres Palestiniens, Ahmad vit avec le rêve de retourner un jour dans le village de ses ancêtres. Il brûle d’envie d’y aller pour humer la terre de la Palestine et voir de ses propres yeux les oliviers et les figuiers, qui ont peuplé les récits de ses parents. Autant d’histoires qui ont bercé son enfance.
Dans l’entrevue qu’il m’a accordée, Ahmad parle de son parcours et de la vie difficile dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Il évoque aussi, avec émotion, son statut d’apatride avec lequel il a grandi. Les territoires palestiniens ne constituant pas encore officiellement un État, il ne peut prétendre à une nationalité palestinienne. Il est donc apatride, sans nationalité reconnue, même s’il est né et a grandi au Liban, car ce pays n’accorde pas la citoyenneté aux réfugiés palestiniens.
[2]